Lundi 3 décembre 2018
Notre ami le roi !
Il avait pensé avoir mis l’Algérie au pied du mur en l’appelant au dialogue bilatéral, mais c’est elle qui vient de le mettre dans cette situation en lui retournant le principe de la nécessité d’une telle démarche, mais dans le cadre des organes de l’UMA qu’il a désertée.
Répondre à Mohamed VI et à sa main tendue le jour de la célébration de sa marche verte par un «et si on relançait l’UMA, l’Union du Maghreb arabe ?», c’est du grand art, faisait remarquer avec la verve qu’on lui connaît le fumeur de thé !
L’initiative marocaine est venue, faut-il le rappeler, à moins de quelques semaines des négociations sous l’égide de l’ONU avec le Front Polisario (5 et 6 décembre prochain) à Genève et à l’occasion de la célébration du 43ème anniversaire de la Marche verte et l’invasion du Sahara Occidental.
Dans certaines capitales européennes, on s’était même réjoui de cette proposition pour une reprise des relations entre les deux pays. Mais, d’autres y ont vu une sorte d’appel à témoins de la communauté internationale, selon laquelle Rabat ne peut aucunement être accusé de bloquer les relations avec l’Algérie et que c’est bien ce pays qui met en difficulté d’abord une difficile réconciliation avec le Maroc et, mieux, qui est à l’origine du blocage du fonctionnement des institutions de l’Union du Maghreb arabe (UMA).
Selon un chroniqueur, Alger a recadré le Maroc et l’appelle à reprendre de bonne foi le cours de la construction maghrébine, en panne depuis de nombreuses années.
La réponse d’Alger à ce que certains ont cru voir «une main tendue du Maroc» est donc venue, globale et intégrée dans la relation maghrébine. Car pour l’Algérie il est d’abord vital de reprendre le cours de la construction maghrébine là où il a été laissé, ensuite renouer et s’il le faut resserrer les liens entre tous les pays maghrébins avec comme seul objectif un nouveau départ.
Cette initiative « s’inscrit en droite ligne de la conviction intime et maintes fois exprimée par l’Algérie de la nécessité de la relance de l’édification de l’ensemble maghrébin et de la réactivation de ses instances», souligne la même source.
Voyant le coup venir et de manière très diplomatique, Alger explique donc, que «l’offre» faite à l’occasion de l’anniversaire de la marche verte n’est rien de plus qu’une nouvelle manœuvre visant à incriminer l’Algérie et à ternir son image!
Le Maroc a répondu de manière officielle, ce lundi 26 novembre, en précisant toutefois que «la demande algérienne est sans rapport avec l’initiative Royale. Celle-ci est purement bilatérale, alors que la démarche algérienne s’inscrit dans le cadre de la relance de la construction régionale ». Il ne peut que douter que cette 35ème réunion ministérielle puisse parvenir à des résultats tangibles, différents des 34 précédentes, en l’absence d’une bonne préparation et d’un dialogue direct responsable entre deux États membres de l’UMA», ajoute la même source.
Pour l’heure on est dans le « non-Maghreb ! » Par opposition au « tout Maghreb », dont on était en droit de rêver !
La somme de 100 milliards de dollars supplémentaires par an a été, par exemple, énoncée ! Elle correspondrait à des bénéfices qu’auraient pu engranger les économies du Maghreb à l’horizon 2017, si leurs pays cessaient de se regarder en chiens de faïence et décidaient, enfin, de coopérer !
L’information, rapportée par l’hebdomadaire Jeune Afrique, est imputée à Abderrahmane Hadj Nacer, l’ancien gouverneur de la Banque Centrale d’Algérie et fervent partisan de l’UMA qui, hélas, s’est révélée incapable de s’affirmer comme ensemble régional.
Pas plus politique qu’économique. Pourtant, l’Union promise était riche de promesses à sa naissance : « Union douanière » dès 1995, puis « Marché commun », à l’horizon 2000. A l’image de l’Union européenne !
Plusieurs années ont passées depuis et les économies du Maghreb continuent d’avancer en ordre dispersé malgré quelques rares initiatives comme la création d’une « Union maghrébine des employeurs » (UME) en 2007 et d’une « Union maghrébine des foires » en 2008 qui a tenu son premier salon à Alger.
Le bilan est bien maigre, ce qui avait alarmé en son temps, le patron du FMI d’alors, Dominique Strauss-Kahn, qui, en 2008, lors d’une escale à Tripoli, a appelé « à accélérer la réalisation de l’intégration économique des pays de la zone ».
Paradoxe, les économies du pays d’Afrique du nord s’avèrent davantage tournées vers l’Europe que vers leurs voisins directs. Plutôt aussi que de négocier, en force, avec l’Union européenne, la Tunisie le Maroc et l’Algérie ont fait cavalier seul, sans pour autant en tirer des avantages commerciaux et douaniers.
Ce n’est quand même pas compliqué de s’appliquer à eux-mêmes les relations commerciales et douanières qu’ils ont avec l’UE, s’est étonné DSK à Tripoli.
La zone d’Afrique du nord a pourtant de quoi séduire, elle offre un marché de 100 millions de consommateurs à l’horizon 2020. Sauf que les dures réalités du terrain freinent toutes les initiatives : marchés aux besoins mal identifiés, lourdeurs bureaucratiques, barrières tarifaires, systèmes bancaires peu concurrentiels et donc, faible soutien à l’investissement productif !
Réaliser la communauté économique d’Afrique du nord ferait gagner à ses membres une valeur ajoutée annuelle d’environ 10 milliards de dollars, soit l’équivalent de 5% de leurs produits intérieurs bruts cumulés (paroles d’experts!).
Actuellement, d’éminents universitaires de la Méditerranée, dont le professeur algérien Abderrahmane Mebtoul, tentent de relancer le débat et d’attirer ainsi l’attention des décideurs sur les avantages d’un Maghreb uni ; « il serait suicidaire pour chaque pays du Maghreb de faire cavalier seul », relève le professeur qui affirme : « l’intégration économique régionale est une nécessité historique.
Et sans inclusion euro-méditerranéenne, l’Afrique du Nord serait bien davantage ballotté par les tempêtes du marché, avec le risque d’une marginalisation croissante ; une sortie des radars de l’histoire », a prédit l’éminent professeur qui a ajouté : « On peut faire avancer l’intégration maghrébine par des synergies cultuelles et économiques comme cela s’est passé entre l’Allemagne et la France, grâce au programme Schuman du charbon et de l’acier. Et les exemples sont nombreux entre tous les pays du Maghreb, la combinaison du gaz algérien et du phosphate marocain au moyen de co-partenariats internationaux bien ciblés, permettrait de créer une des plus grandes entreprises d’envergure mondiale d’engrais, selon les experts, comme le professeur Mebtoul.
Ces derniers recommandent également la redynamisation de la « Banque maghrébine d’Investissement », la création d’une « monnaie maghrébine », à l’image de l’euro européen, ainsi que la mise en place d’une « Bourse maghrébine » qui devrait s’insérer « horizon 2020 », au sein du projet de création de la Bourse euro-méditerranéenne.
Tous ces projets, s’ils étaient mis en œuvre, contribueraient, à coup sûr, à la prospérité de l’Afrique du nord et de ses habitants. Malgré les déclarations qui affectent un positivisme de façade, et les échanges épistolaires des plus denses entre les autorités, les raisons de la discorde entre pays voisins demeurent les plus fortes.
Et pourtant, il y a des choses à faire. Il y a de l’espace, par exemple, pour « la diplomatie économique », le Maghreb ayant toutes les potentialités pour devenir un pivot stable. Et aussi pour traiter d’égal à égal avec l’Europe et la Chine, par exemple.
Certes, c’est encore un rêve, diront certains, au regard des obstacles de toutes natures qui ne sont pas à négliger. Le business peut faire, dit-on, ce que les politiques ne font pas ! Mais ce projet de l’UMA ne mobilise guère les dirigeants politiques, ou peu ou prou ! Et notre ami le roi, en vient de faire la démonstration !