Le désastre avait été annoncé, il est arrivé et le président Emmanuel Macron n’avait aucun autre choix que provoquer un séisme par une décision historique inattendue.
Les personnes de ma génération ont vu l’arrivée de la peste noire depuis quatre décennies. Ils en avaient mesuré la montée constante jusqu’au coup de tonnerre de la présence au second tour des présidentielles du patriarche de l’extrême droite, Jean Marie Le Pen.
Nous ne reviendrons pas sur les monumentales erreurs commises par ses opposants. Plus le RN augmentait son influence, plus il était nourri de la stupide stratégie menée contre lui. Si les autres partis politiques avaient souhaité son accession aux portes du pouvoir, ils n’auraient pas mieux fait.
Mais laissons le passé au passé et que la véritable lutte contre l’épidémie commence, réellement et avec des antidotes adaptés. J’éviterai de donner mon avis sur cette bêtise monumentale des opposants à la peste noire, elle pourrait choquer (même si en réalité j’en dévoile d’une manière peu camouflée le fond de sa pensée).
Il faut maintenant réagir, si possible sans les erreurs du passé, et analyser les voies et moyens pour contrer cette doctrine épouvantable qui a toujours mené l’humanité au désastre. Elle est aujourd’hui au seuil de sa victoire dans toute l’Europe et dans de nombreux autres pays dans le monde, y compris par son incroyable installation aux Etats-Unis.
Avant de réagir et de reprendre confiance sans l’irrationnel de la peur, rassurons-nous sur l’existence des freins qui peuvent encore entraver la dernière marche qui mène au pouvoir. Ils existent et peuvent être le dernier rempart.
Tout d’abord, il ne faut pas paniquer, les deux premiers éléments qui nous permettent de prendre espoir sont bien là. Tout d’abord, le pourcentage vertigineux du RN est calculé sur un taux de participation de la moitié des électeurs inscrits. Il y a donc encore une marge pour que les démocrates se ressaisissent.
Pour cela, il faut que ceux qui sont la cible principale du RN aillent voter. Nous le faisons aussi par notre devoir de démocrates, c’est la moindre des choses qu’on puisse leur exiger le même acte républicain. Il n’est pas utile de crier au scandale du racisme et de la montée du RN si le taux d’abstention dans ces couches de la population est désastreux.
C’est comme s’ils se désintéressaient du danger et croyaient toujours en la protection d’une démocratie française qui aurait la vertu de les protéger indéfiniment alors qu’ils ne font pas leur part de républicains. On ne peut sauver une population fragile et menacée que si elle comprend que c’est aussi à elle de faire le boulot, à nos côtés, du barrage contre l’extrême droite.
Bien entendu, qu’on ne se méprenne pas sur mon propos, beaucoup le font mais encore beaucoup plus ne le font pas. Si nous prenons l’exemple des chiffres de la Seine Saint Denis, c’est à se fracasser la tête de rage.
De ce fait, une chance est encore possible, il faut la saisir dans la prochaine élection que nous soumet le Président Emanuel Macron par la mise en œuvre de l’article 12 de la constitution, un pouvoir dont il est le seul détenteur.
Cette dernière chance de contrer la peste noire est également dans la sociologie permanente des partis extrêmes. À l’inverse des autres, ils sont de redoutables mobilisateurs. Leur électorat est celui qui se déplace le plus pour aller voter comme ce fut le cas jadis pour le parti communiste.
Il est donc fort à parier que le RN ait mobilisé un maximum de ses troupes et que sa réserve de voix non exprimée soit aujourd’hui très faible. Il y a donc une seconde raison de garder espoir.
Puis il y a l’argument du mode de scrutin. Les élections européennes sont l’exception en France car elles proposent la proportionnelle intégrale. C’est un mode de scrutin plus conforme à la démocratie mais paradoxalement, le mode de scrutin majoritaire peut encore sauver la France.
Cela m’est pénible de le dire car si nous avions été dans une situation normale, je suis un farouche adversaire du scrutin majoritaire.
Pour les élections législatives qui se dérouleront bientôt, le mode de scrutin majoritaire reviendra. Il y a là une opportunité de faire barrage. Il paraîtrait étrange de faire appel à lui alors qu’il a la particularité de gonfler le score des partis puissants en voix.
Alors pourquoi ? Une des réponses possibles est que la fracturation des partis de gauche au niveau national laisse souvent place à des accords plus réalistes au niveau local. Bien entendu, je parle seulement de la situation où il y aurait un sursaut républicain qui veut faire barrage au RN.
La guerre au niveau national est un frein et même les accords politiques entre partenaires de gauche et du centre modéré ont toujours montré leurs limites. Les profonds désaccords, les farouches batailles et les noms d’oiseaux lancés aux figures des autres reviennent inévitablement pour fracasser les alliances de façade.
Espérons donc que le sursaut républicain soit sérieusement présent au niveau des circonscriptions. Car les alliances inversent l’avantage du scrutin majoritaire qui favorise les plus forts en voix.
Sinon, continuons à se lamenter du racisme en ne faisons rien pour éliminer ses causes. Pleurons encore des populations qui font l’inverse de ce qu’il faut faire pour un sursaut puissant. Continuons cette politique de victimisation qui dure depuis des décennies et le mur du fascisme montant dans tous les pays européens s’écroulera sur nous.
Aller voter, faire des alliances solides et arrêter de se plaindre sans faire des efforts, voilà la seule voie pour guérir ce pays de la peste noire qui le menace.
Il est vrai que si ces remparts ne fonctionnent pas et que le RN emporte une victoire éclatante et dangereuse, il reste encore un ultime espoir.
C’est celui de la confrontation entre le populisme des extrêmes droites européennes et la dure réalité. Déjà, celui-ci a reculé et n’envisage plus une sortie de l’Europe mais seulement le projet de sa modification par des actions intérieures. La chef du gouvernement italien, en plus de ce revirement, a tourné le dos à une politique massive de restriction de l’immigration alors qu’elle est issue d’un parti fasciste et que la lutte sans concession contre l’immigration avait été un pilier de sa campagne électorale.
Des perspectives de chances sont donc encore une option à condition de faire l’effort de ne plus donner toutes les chances au RN, servi sur un plateau par le comportement suicidaire que je viens de dénoncer.
Sinon, il ne reste qu’un espoir, celui de mon erreur d’analyse. Je le souhaite.
Sid Lakhdar Boumediene