Deux jours après l’inauguration de l’usine de trituration de graines oléagineuses de Cevital, Abdelmadjid Tebboune s’est réveillé pour féliciter Malek Rebrab, le PDG du groupe industriel fondé par Issad Rebrab.
Mais le geste du chef de l’État a surtout frappé par son caractère magnanime. Les vives félicitations adressées au jeune patron du groupe industriel en disent long sur la démarche qui paraît, à bien des égards, alambiquée de la part e Tebboune qui se sert d’un intermédiaire, fût-il le chef de l’organisation patronale pour adresser ses vœux au PDG de Cevital.
En effet, un message émanant du chef de l’Etat a été relayé ce jeudi 1er juin par plusieurs médias dont le télévision publique. Il indiquait qu’à travers une lettre transmise à Kamel Moula, président du Conseil économique algérien (CREA), « le président de la République, Abdelmadjid Tebboune », a félicité Malik Rebrab, le PDG du groupe Cevital, suite à l’entrée en production de l’usine de trituration des graines oléagineuses de Béjaïa.
« Suite à l’inauguration et l’entrée en production, mardi à Bejaïa, du complexe de trituration des graines oléagineuses, je vous prie de transmettre toute notre gratitude et considération au directeur du groupe Cevital, Malik Rebrab, ainsi qu’à tous les travailleurs et travailleuses pour les efforts louables consentis pour honorer l’engagement pris concernant la réalisation de cette usine en un temps record, et partant réaliser l’un des défis actuels de l’industrie nationale », a écrit dans son message de félicitations adressé au président du CREA. Etrange manière de faire passer un message ! Surtout si l’on sait que le fondateur de ce prestigieux groupe agro-alimentaire est traqué par une justice aux ordres du pouvoir.
Mais qu’importe manifestement !
Dans son message, Tebboune a formulé le souhait de voir cet «exploit industriel être un modèle pour les entreprises économiques productives et florissantes qui peuvent devenir un levier de l’économie nationale à travers les services considérables fournis à l’industrie nationale». A peine croyable !
«Je saisis également cette opportunité pour réaffirmer le soutien total de l’Etat et son accompagnement de tous les projets d’investissement industriel générateurs de richesses et d’emploi, lancés pour contribuer à réduire les importations, développer les exportations, et réaliser l’autosuffisance et le développement de l’économie nationale », a conclu Abdelmadjid Tebboune. Voeu pieux quand on sait que Tebboune et son équipe sont jusqu’à présent juste capable de faire importer des voitures. Quant à lancer une quelconque industrie…
Pour autant qu’ils soient empreints de sollicitude, les vœux présidentiels ne peuvent faire oublier l’absence remarquée des représentants du gouvernement à la réception d’un projet pourtant comme étant emblématique des orientations économiques de Tebboune et de sa volonté proclamée de réduire la facture d’importation en devise.
La cérémonie a été séchée par le premier ministre, Aimene Benabderahmane, dont la présence à Bejaia a été pourtant annoncée auparavant par les médias.
On n’a pas vu également le ministre de l’Industrie qui, lui, avait l’excuse d’être en mission à l’étranger (visite de travail en Italie) mais on peut comprendre l’absence du ministre de l’Agriculture pourtant premier concerné par un investissement dans la filière agro-industrielle jugée comme stratégique.
Quand le pouvoir souffle le chaud et le froid
Curieusement, ces absences coïncident avec l’annonce jamais démentie des ennuis judiciaires du fondateur du groupe Cevital, Issad Rebrab contre lequel sont instruites des charges qui paraissent pour le moins intrigantes car intervenant « ici et maintenant » et dans un contexte politiquement sensible.
Bien curieuse, en effet, est cette injonction faite à l’homme d’affaires à la retraite frappé d’interdiction de s’adonner à toute activités économiques et commerciales. Il ne peut ni créer, ni gérer une entreprise y compris celle qu’il a lui-même créée.
Quelle partie aurait-elle agi à l’insu de Tebboune pour instrumentaliser la justice pour traquer ainsi Issad Rebrab ? Est-ce seulement possible ? Ou s’agit-il d’une décision murement réfléchie de ce dernier visant à neutraliser le vieil homme d’affaires pour l’empêcher de jouer un rôle politique dans la perspective des prochaines élections présidentielles ?
Mais dans le marigot politico-militaire algérois, il est vain de tenter de comprendre les palinodie de ceux qui dirigent le pays sans tableau de bord.
Samia Naït Iqbal