Les autorités ont célébré avec fracas le 70e anniversaire du déclenchement de la guerre de libération une certaine nuit du 31 octobre au 1er novembre. Cette commémoration aurait pu être un moment de rupture avec le climat d’arbitraire qui paralyse le pays. Mais non, l’Etat profond et Tebboune en premier ont choisi la fuite en avant et l’instrumentalisation de novembre 1954 pour chatouiller l’orgueil des Algériens.
« En Algérie, on convoque l’héroïsme des morts pour enterrer les vivants », cingle malicieusement un poète. Après plus de six décennies d’indépendance, le pays répugne à enclencher le moindre levier de la démocratie. Les violations des droits de l’homme sont fréquentes. Systématiques.
Malgré les promesses de réformes et les changements apparents, le pays continue d’être dirigé par un système politique fermé, où les libertés fondamentales sont constamment réprimées.
L’incarcération arbitraire de plus de 200 prisonniers d’opinion, la censure des médias et la suppression de tout espace de débat public en sont les plus tristes illustrations.
Chape de plomb et immobilisme
La très courageuse universitaire fille de moudjahid, Mira Mokhnache, restera en taule. Ainsi a décidé Tebboune. De nombreux autres détenus d’opinion croupissent dans les prisons. Il a bien consenti à libérer une petite dizaine de détenus d’opinion sur 4000 prisonniers grâciés. Une insulte à l’Etat de droit et aux valeurs de Novembre. Affligeant.
Cette opération de marketing a montré encore une fois le peu de respect que le chef de l’Etat a de la liberté de dire et d’avoir une opinion opposée à la sienne. Il est vrai qu’il a été nourri aux mamelles du parti unique et de son article 120 que les moins de 40 ans ne connaissent pas.
L’Algérie est un pays où les libertés fondamentales, telles que la liberté d’expression, d’association et de rassemblement, sont une chimère. Elle n’existe que dans les textes. Rien dans les faits. Les autorités algériennes utilisent divers moyens pour limiter ces libertés et réprimer toute forme d’opposition. Depuis 2019, Tebboune a fait mieux que son mentor Abdelaziz Bouteflika : il a criminalisé la liberté de la presse, la pratique politique et même le débat public.
À l’heure actuelle, on dénombre plus de 200 personnes emprisonnées pour des raisons politiques, des journalistes, des militants des droits de l’homme, ainsi que des citoyens qui ont simplement exprimé des opinions critiques à l’égard du pouvoir. Ces prisonniers sont souvent accusés de « complot » ou d’« atteinte à l’unité nationale », des chefs d’accusation flous qui servent à justifier leur détention arbitraire.
La censure des médias est un autre aspect majeur de l’absence de démocratie en Algérie. Les autorités contrôlent étroitement les médias traditionnels, en particulier la télévision et la presse écrite, pour empêcher la diffusion d’informations jugées contraires à l’ordre établi. Les chaînes de télévision nationales, telles que la chaîne publique ENTV, sont des outils de propagande au service du pouvoir, reléguant toute information indépendante à la marge.
Mieux encore, soumis à de multiples pressions, les médias privés se sont eux aussi mis de la partie, dépassant parfois en zèle même ceux du secteur public. Tant et si bien que les journaux ne trouvent plus de lecteurs.
Bien que la constitution algérienne garantisse la liberté de la presse, cette dernière est constamment bafouée, et les journalistes qui osent critiquer le gouvernement sont souvent confrontés à des pressions.
Les médias privés, bien que les plus nombreux, sont également soumis à une pression constante. La fermeture de plusieurs journaux et la suspension de certains sites d’information en ligne sont des exemples de la politique de censure pratiquée par le gouvernement.
Les journalistes sont contraints à l’autocensure, de peur de représailles. De plus, les autorités utilisent la loi sur la cybersécurité pour pérenniser ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux, créant ainsi une atmosphère de peu
En Algérie, l’absence de débats publics libres et ouverts reflète l’étouffement de la démocratie. La scène politique est dominée par une élite dirigeante, où les décisions sont prises sans consultation réelle de la population. Les partis politiques d’opposition sont souvent marginalisés, leurs dirigeants persécutés et leurs voix étouffées.
La crainte de représailles empêche également les citoyens de discuter librement des problèmes du pays, qu’il s’agisse de la corruption endémique, de la gestion des ressources naturelles ou de la question du chômage.
En l’absence de débats publics, la société algérienne reste figée dans une sorte de « consensus officiel » qui ne reflète pas les aspirations réelles de la rue.
Pourtant, le mouvement Hirak, qui a éclaté en février 2019 pour réclamer des réformes profondes et la fin du régime en place, a montré que la population algérienne aspirait à un changement démocratique.
Pourtant, ce mouvement pacifique a été violemment réprimé par les autorités. Les manifestants, qui réclamaient la fin du système autoritaire et l’instauration d’un véritable État de droit, ont été confrontés à des brutalités policières, à des arrestations massives et à une persécution systématique des militants les plus actifs.
Résultat : la mise sous une chape de plomb de tout le pays avec le démantèlement de tous les acquis démocratiques d’octobre 1988.
En clair, avec Tebboune et ses parrains, on est loin de Novembre 1954. Mais proche du fameux 1984 de George Orwell.
Novembre aura été un énième rendez-vous raté de Tebboune avec l’histoire mais aussi avec le présent.
Hamid Arab