L’Ukraine, ces dernières 24 heures, a annoncé une nouvelle série de succès militaires dans la région de Karkhiv, disant avoir atteint la frontière russe et avoir repris le contrôle sur 6 000 kilomètres carrés de son territoire occupé. Cette offensive foudroyante met l’armée russe en grande difficulté. Quelle est la stratégie de Kiev ?
Avec sa contre-offensive éclair, Kiev a presque libéré la région de Kharkiv et lorgne déjà vers les territoires occupés de l’Est. Reste que les troupes russes occupent toujours de larges pans de l’Ukraine. La réaction de Moscou est scrutée de près.
Dans les écoles de guerre, les stratèges appellent cela une « opération de déception ». La contre-offensive majeure des Ukrainiens était attendue au sud, dans la région de Kherson, mais c’est à l’est, à Kharkiv, qu’ils ont frappé, décrypte Franck Alexandre, chargé des questions de défense à RFI.
L’effet de surprise a pleinement fonctionné : le renseignement militaire russe n’a pas vu le coup venir. Grâce aux équipements fournis par les pays occidentaux, les forces ukrainiennes sont parvenues à mettre en déroute l’armée adverse, et pourraient être tenté de pousser leur avantage jusqu’à la mer d’Azov.
C’est ce qu’estime Dimitri Minic, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Compte tenu de l’état de désorganisation incroyable de l’armée russe, est-ce qu’ils vont essayer de couper le dispositif militaire russe en Ukraine à partir de la région de Zaporijjia ? Une offensive qui pourrait rejoindre Marioupol, effectivement. Il est encore trop tôt pour dire si c’est une victoire décisive pour l’instant. Elle est impressionnante, mais plus la Russie va se concentrer sur un territoire restreint, plus la résistance de l’armée russe sera importante. Pour l’instant, ça reste une victoire limitée. Pour qu’il y ait victoire militaire, il faudrait qu’à Kherson aussi, l’armée s’effondre. Mais pour l’instant, l’armée russe ne s’est pas effondrée.
L’état-major russe dit avoir donné l’ordre à ses troupes de se redéployer dans la région de Donetsk, en attendant les renforts. Des renforts qui arrivent avec parcimonie. Moscou a perdu le tiers des effectifs initialement engagés au début, et n’a pas encore opté pour la mobilisation générale, seule à même de combler ses pertes.
«Le moral des troupes est au plus haut »
La région de Kharkiv, dont une partie était occupée depuis des mois par l’armée russe, est donc quasi intégralement reprise par les Ukrainiens. Dans plusieurs localités, les Russes ont battu en retraite, abandonnant beaucoup de matériel.
Ces succès engrangés ces derniers jours rajoutent de l’optimisme dans les rangs des militaires ukrainiens.
Nos envoyés spéciaux Anastasia Becchio et Boris Vichith ont rencontré à Kharkiv un médecin militaire de la Garde nationale, qui explique cela.
Si avant, on ressentait une certaine fatigue dans nos rangs – c’était plutôt difficile –, depuis qu’on nous a donné l’ordre de passer à l’offensive, le moral des troupes est aujourd’hui au plus haut. On est prêts à donner toutes nos forces, tous nos moyens pour aller jusqu’au bout. On ne s’arrêtera pas tant qu’ils ne quitteront pas notre territoire. On est prêt à sacrifier notre sommeil, à passer ce temps au combat, pour accélérer notre victoire, parce que Kharkiv est toujours bombardée, quotidiennement, de façon répétée. Personne ne sait jamais où ces roquettes vont tomber, qui va mourir aujourd’hui, un enfant, une personne âgée ou un adulte. Personnellement, je m’attends encore à des provocations de leur part. Ils vont continuer un certain temps à faire marcher leur artillerie et à tirer.
Ces derniers jours, des missiles russes ont visé des infrastructures, et notamment des centrales électriques, plongeant plusieurs régions dans le noir. L’Ukraine demande des systèmes de défense antiaérienne pour protéger ses infrastructures.
Les combats font rage aux environs de Lyman, verrou de l’axe qui conduit vers le Donbass. Ce qui n’empêche pas le gouverneur de l’oblast occupé de Louhansk, Sergueï Gaïdai, d’afficher son optimisme : « Les forces armées ukrainiennes commenceront bientôt les opérations pour libérer la région ». La situation évolue jour après jour, et il est encore trop tôt pour savoir où sera fixée la future ligne de front entre les deux pays belligérants.
Selon la Conflict Intelligence Team, une organisation d’experts russes, Moscou a perdu 7,7% du territoire qu’elle occupait en Ukraine depuis le 2 juin. La plus grande partie de ces pertes (6,9%) a eu lieu lors de la dernière semaine d’offensive. Le Kremlin a d’abord tenté d’invoquer un « regroupement stratégique des forces ». Mais cette déclaration n’a guère fait illusion, tant le départ des forces russes semble précipité. D’innombrables documents prouvent que les forces russes ont bien abandonné des munitions et des véhicules en toute hâte, sans même avoir pris le temps de les saboter.
Avec agences