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On l’appelait « el kebch », adieu Lalmas !

FOOTAISES de Meziane Ourad

On l’appelait « el kebch », adieu Lalmas !

Je n’ai rien à voir avec la chrétienneté. Pas plus avec les Dieux. J’aime, pourtant, les lieux de prière. J’adorais, par exemple, aller me recueillir dans la mosquée d’Hussein-Dey, devenue le lycée Bolkine – qui c’est celui là? – au temps où les musulmans étaient tranquilles.

Désormais, ils sont devenus sauvages. Ils se battent, s’étripent pour un oui, pour un non. pour rien.

Mohamed Aissa, notre ministre du culte, un courageux qui ne sert à rien, ne sait quoi faire face à la curée des radicalistes qui s’arrogent le droit d’occuper les minbars (tribunes) des mosquées. Ils ont perdu la guerre dans les montagnes. Ils l’ont gagnée dans les têtes.

Au lieu de se balader avec des projets et des porte-documents, les Algériens se promènent avec des tapis de prière. La caution de la vertu.

Des années perdues sur les bancs de la pestilentielle école algérienne. Cette école où on apprend aux enfants les affres de l’enfer avant les axiomes mathématiques.

Les parents, incultes, applaudissent. Ils ont toujours tapé dans les mains. Ils ont accepté, sans ciller, l’assassinat de Boudiaf. Ils ont avalé les 500 morts d’octobre 88, les 128 du printemps noir. Les 200 000 de la décennie rouge. Ils ont dansé jusqu’au bout des mille et une nuits qui ont succédé au triomphe des Fennecs face à l’Egypte,  à Khartoum.

Ils s’extasient chaque fois qu’un neveu se marie ou se fait couper la zigounette. L’Algérie est peuplée de danseuses ! Lawlawi ! « Youyous! » 

Criez plus fort, il en restera toujours quelques dictateurs et beaucoup, beaucoup de containers.

Pourquoi la chrétienneté ? parce que , par obligation familiale, voire diplomatique, je me suis retrouvé dans une église de Mayenne pour assister au baptême de Lilas et Gabin, deux anges de cinq et un an. Lové dans les notes et la voix d’Yves Duteil, j’ai vécu une heure d’extase au son de la « chanson du vingtième siècle », « Prendre un enfant par la main ». 

La cérémonie m’a rappelé les transes qui ont accompagné ma première blessure. Lorsqu’enfant, au beau milieu de la guerre d’Algérie,on m’a sectionné le prépuce sous les youyous ! La violence a commencé là. Ce jour là.

Ce samedi de juillet, des huiles saintes et des chants doucereux ont accompagné ces deux petits enfants dans leur entrée en chrétienneté.

Je me souviens, c’est mon sang qui m’a pris par le bras pour rentrer dans l’islam…

Et le foot alors ? L’Angleterre qui n’a pas touché une bille depuis 1966 vient de battre la Suède par 2 buts à 0. Je suis heureux pour les fêtards de Covent Garden. Les Anglais ont tout donné au foot. Ils méritent de se retrouver dans le carré VIP. Et  même sur le toit du monde.

Fernandés qui, il y a deux ans était brésilien, vient d’insuffler un peu d’oxygène à la Russie. Il égalise à la fin des prolongations contre la Croatie. le peuple qui a vaincu le nazisme au prix de 20 millions de morts retrouve son honneur grâce à la tête d’un migrant!

La Russie quitte sa coupe du monde . Elle a perdu aux tirs aux buts contre une vaillante Croatie, sérieux prétendant au sacre final.

La Russie et ses trente et une équipes invitées, les milliers de commentateurs qui se sont noyés dans les seins des poupées russes et de la vodka ont perdu.

Ils ont égaré l’occasion de parler d’Oleg Sentsov. Un cinéaste, originaire de Crimée qui a, tout simplement, défendu sa terre et sa culture, condamné,  en août 2015, à 20 ans de prison. de goulag. Le goulag et la prison, ce n’est pas pareil. Pas du tout la même chose. Oleg, militant assumé des libertés démocratiques, qui fêtera ou ne fêtera pas ses 42 ans , ce 13 juillet, est en grève de la faim depuis le 14 mai 2018.

Il est mourant. Il  est en train de s’éteindre à l’instant où l’on s’apprête à allumer les feux de Bengale pour célébrer le triomphe du futur champion du monde.

Pas un joueur, pas un entraîneur, pas un dirigeant, pas un supporter n’a eu un mot pour lui. Pauvre humanité !

A propos d’extinction, il y en a un qui vient de voir sa bougie mourir.

Hacéne Lalmas, le mythe, le plus grand joueur algérien de tous les temps, un maître du foot, vient de mourir des suites d’un AVC. Il avait 75 ans. Il en a consacré 65 au jeu de ballon. Il était un des meilleurs sinon le meilleur inter droit du monde. Aujourd’hui, on dit relayeur. Il a connu

Pelé,  Garrincha, Yachine, Di Stéfano, Ben Barek… Il a côtoyé et affronté les inventeurs du foot moderne.

Il a commencé sa carrière à l’OMR, le Ruisseau, ce mamelon qui domine le stade du « 20-Août ».

C’est, forcément, un bout de notre mémoire qui part avec lui. Il aurait mérité d’assister à la finale de cette coupe du monde qui va être remportée par…

Sa voix s’est éteinte. Nous n’aurons pas sa réponse. Il nous restera sa magie.

Auteur
Meziane Ourad

 




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