Je réponds au titre de l’article du 9 juin sur Le Matin d’Algérie rédigé par K.H., Comment défendre l’Algérie sans défendre Tebboune !
J’invite le lecteur à lire le très bon article avec sa réponse à la question du titre. Je ne répondrai qu’à celui-ci sans me placer dans la critique de fond.
Je réponds par mon seul ressenti car je ne me place pas dans un exercice de débat. Ce dernier a une forme banalisée qui contraint l’un par rapport à l’autre. La notion de débat est parfaite dans une démocratie mais ce n’est pas mon choix aujourd’hui.
On comprend bien ce que sous-tend la question, on peut critiquer un régime et ne pas le faire à l’encontre de son pays. Je réponds par l’affirmation qu’on peut se positionner dans les deux par un refus de ne défendre aucun.
Pour lire le sens de mon article, il faut une précision préalable, je pose le postulat que défendre et aimer sont liés. « Je ne défends pas parce que je n’aime pas mon pays » alors qu’il est vrai qu’on peut prendre un autre sens du titre de l’article :« Je ne défends pas parce que je ne suis pas d’accord sur telle ou telle décision de mon pays ».
J’ai choisi la seconde interprétation pour répondre à la question car il faut aller au plus difficile qui est toujours une prise de risque mais avec la certitude d’aller jusqu’au bout de l’argumentaire
Pour le débuter, il faut revenir à la définition de la citoyenneté. Elle est le lien juridique entre un état et un individu. Ce contrat a pour conséquence de bénéficier de droits et de se soumettre à des obligations de l’état. Droits et obligations qu’il ait validé par le vote de ses représentants ou de s’en abstenir. Un point c’est tout !
Ainsi les obligations, ce n’est pas « J’accepte d’avoir des obligations de mon pays parce que j’aime mon pays ». Heureusement que le droit n’est ni le sentiment ni la morale, deux mots qui sont exclus de son vocabulaire.
Les sentiments sont strictement personnels et ne peuvent être remis en cause ni par la démocratie ni par l’humanisme. Et d’ailleurs comme ils sont intimes, ils peuvent ne pas être dévoilés. On ne conçoit pas l’intérêt juridique d’être obligé de le dire ou de l’écrire, j’aime mon pays ou je ne l’aime pas.
Vous vous imaginez ce que serait une telle interférence avec sa liberté de penser ? C’est non seulement liberticide mais également ouvert à toutes les hypocrisies. Un algérien au pouvoir aime-t-il réellement son pays ou simplement la puissance et l’attrait de la fortune ?
Si vous arrivez à pénétrer l’intime de sa pensée, vous viendrez m’informer de votre prouesse. Bien entendu qu’on oui, on peut ni aimer son pays ni son gouvernement et avoir légitimement le droit à la citoyenneté.
C’est trop simple pour une dictature de justifier son action en vous soumettant à sa terreur en dénonçant votre manque d’amour pour le pays. Il n’aura aucune difficulté à légitimer sa violence auprès de la société qui serait prête à lyncher l’indignité insultante du malheureux.
Non, on peut ne pas aimer son pays comme son gouvernement. Ce n’est pas mon cas mais je peux l’admettre et le comprendre. Le citoyen n’a pas demandé d’y naître ni n’a signé un contrat de citoyenneté. Il peut pourtant revendiquer son désamour en toute légitimé et ne pas défendre son pays. Il y est né, y a grandi et cela suffit pour qu’il garde sa nationalité en toute légitimité.
Des exceptions de déchéances de nationalité peuvent toujours se concevoir mais je m’oppose violemment contre ce genre de rétorsion. Prendre les armes contre son propre pays ? Là je dois avouer que je suis gêné mais il existe un moyen très simple dans une démocratie (ce que n’est pas le cas pour l’Algérie), ce sont les tribunaux internes.
Peut-être que le lecteur m’a fait un honneur de lire mes nombreuses critiques très sévères sur Kamel Daoud. Je défie quiconque de lire une quelconque critique sur son ressenti envers son pays natal. Qu’il défende et aime son pays ou le contraire, ce n’est ni un délit ni une cause d’emprisonnement ou de déchéance de nationalité.
Ma sévère critique, il faut bien me relire, porte seulement sur son basculement vers les discours de l’extrême droite, fascisants et abjects.
En conclusion, bien entendu je suis provoquant et extrême dans mes propos mais c’est volontaire pour aller jusqu’au bout de l’idée de la démocratie, de l’humanisme et des libertés fondamentales.
Car avec un régime cryptomilitaire si on s’aventure dans la considération de l’amour du pays, c’est le début de la vassalité avec la dictature.
On commence par vous condamner à cinq ans de prison parce que vous avez osé dire votre désamour envers votre pays (ce qui n’est pas mon cas) puis à 15 ans si vous le faites de l’extérieur. Et si vous avez l’audace du pire, affirmer que vous n’aimez pas la zlébia, c’est écoper de perpète.
Boumediene Sid Lakhdar