17 avril 2024
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« Orages » de Hedia Bensahli

PUBLICATION

« Orages » de Hedia Bensahli

« J’ai mal d’être une femme ! J’ai mal d’avoir à me construire dans ce carcan qui m’enchaîne à la potence de l’assujettissement. »

Le ton est donné dans ce livre qui est un premier roman où la narratrice utilise un Je puissant et permanent qui s’impose à nous avec la rigueur d’une évidence. Un Je qui résonne comme une confession d’une mémoire vécue depuis toujours par nos mères et nos sœurs et qui se recompose avec les bribes de souvenirs que l’on retient lorsqu’ils reviennent. Et ce Je n’a pas d’identité propre, pas de prénom, pas de patronyme, pas de signature, il représente la réalité d’une femme. Et quelle femme !

D’une femme algérienne assurément et d’une algérienne qui a vécu dans son pays natal assez longtemps pour bien le connaître. Jusqu’au jour où des circonstances particulières l’emmènent à envisager un départ pour la capitale française où elle galère pendant un temps entre une vieille connaissance qui lui donne tous les secrets d’une intégration réussie, une chambre minuscule au centre de Paris et la nostalgie de ce qui fut une vie familiale bien remplie.

En Algérie, cette femme sans nom et sans visage vit d’abord dans l’abjection islamiste avec peu de perspectives de vivre sa vie de femme libre. Hedia Bensahli donne à son héroïne une épaisseur que peu de romanciers arrivent à atteindre. Cette femme qui rêve de vacances et de plages et de promenades du côté de Bejaïa se retrouve coincée dans « ce pauvre pays (où) la vacance idéologique est tellement béante et le miasme social qui s’y est infiltré tellement purulent qu’un Enfer pouvait s’y engouffrer et le décomposer en moins de deux.

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Notre pauvre pays s’est transformé en pandémonium. L’odeur fétide suinte et nous nous bouchons le nez… Nous fermons aussi les yeux… La bouche… ».

Au fil des pages, tout est abordé, pas un thème qui soit mis de côté, les tabous sont affichés et décortiqués : la virginité et ses relents paternalistes, le divorce et la solitude de la femme délaissée, la sexualité des cinquantenaires, le regard que porte la famille sur la femme qui se prend en charge. Orages est un livre brûlant sur le chapitre de la femme et de la femme algérienne en particulier qui se trouve au cœur d’un milieu hostile qui, sous couvert d’une peinture chimérique, couvre les pires coups de poignard dans le dos.

Les dernières pages du roman tiennent en haleine le lecteur. C’est une course effrénée entre chien et loup, entre sentiment d’exaltation et de désespoir. L’auteure érotise son texte quand elle interpelle le bonheur et l’amour, des moments fulgurants des premières fois. Avant que le regard du compagnon ne se métamorphose en œil de geôlier.

Avec Orages, Hedia Bensahli livre le roman de cet hiver finissant où une femme mûre en apprendra sur la vie bien plus qu’elle ne l’aurait voulu.

Un roman dont on se détache lentement une fois terminé, tant il est gorgé de magie, de nostalgie, de passion, de révolte, de combat et de grâce au cœur d’une désillusion malheureusement plutôt évocatrice… Un premier roman d’une sensibilité et d’une délicatesse infinies qu’il m’a été impossible de lâcher, une histoire forte dont j’ai ralenti la lecture vers la fin par crainte du dénouement.

Et la profession ne s’y est pas trompée en octroyant à Hedia Bensahli le premier prix du roman Yamina Mechakra qui prouve que pour un coup d’essai, c’est plutôt un coup de maître.

Kamel Bencheikh

Orages de Hedia Bensahli est publié aux Editions Frantz Fanon

    

Auteur
Kamel Bencheikh

 




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