Mercredi 20 février 2019
« Où va l’Algérie ?… » Révélations et rappels sur le règne de Bouteflika
« Où va l’Algérie ?… et ses conséquences pour la France » (*) de Mohamed Sifaoui publié chez les Editions du Cerf sera en librairie jeudi en France.
Enfin un livre qui anticipe les desseins de ceux qui règnent depuis 20 ans sur l’Algérie ! Son auteur, Mohamed Sifaoui remonte le fil de l’histoire jusqu’à l’aube de l’indépendance. D’où ce titre qui rappelle celui d’un autre ouvrage écrit par Mohamed Boudiaf en 1964 (déjà !).
Mais peut-on polémiquer dans un cimetière ? Assurément oui ! Car à lire ce nouveau livre, on saisit combien l’Algérie est un cimetière de ratés multiples (économique, politique…), de confiscation de l’histoire pour la mettre au service d’un homme et d’un régime.
L’auteur revient en premier partie de l’ouvrage sur les périodes de Boumediene et Chadli avec un éclairage intéressant sur les événements d’octobre 1988. S’ensuit une analyse du mouvement islamiste algérien. Mais pour le lecteur averti, la seconde partie de l’ouvrage est d’une brûlante actualité. On y retrouve analysés, décortiqués tous les artifices, mêlés de complots, de rouerie et de faux-semblants qui caractérisent le pouvoir de Bouteflika.
L’auteur puise son argumentaire auprès des sources qui ont connu le président Bouteflika. Sur le passé de l’homme, il raconte citant des personnes qui l’ont connu : «Je me souviens qu’il m’arrivait de lui faire moi-même à manger lorsqu’il venait me voir durant sa traversée du désert. Depuis qu’il est devenu président, il n’a plus jamais repris contact avec moi. Evidemment, je ne chercherai pas à le joindre, il a dû oublier jusqu’à mon nom».
En revanche, Bouteflika a rappelé son ami d’enfance Chakib Khelil dès son arrivée au pouvoir avec pour objectif de se rapprocher des Américains, selon l’auteur. Mohamed Sifaoui rappelle l’œuvre de Chakib Khelil à la tête du secteur de l’Energie en Algérie et les enquêtes du DRS qui touchaient directement les proches du président et qui ont conduit un temps à l’exfiltration de l’ancien ministre de l’Energie du pays. «A l’époque, les services de renseignement algériens, le DRS, étaient encore un peu plus autonomes qu’ils ne sont aujourd’hui », souligne l’auteur.
Le cinquième mandat s’annonçait sur fond de manœuvres et d’affaires qui rappellent les républiques bananières. A l’exemple de ce putsch commis sur Saïd Bouhadja ou l’affaire du limogeage d’Ould Abbès du parti FLN. « Le sujet de discorde s’appelle Bachir Slimani, SG de l’administration à l’APN. Ce sexagénaire qui, depuis une trentaine d’années, fait carrière dans l’administration algérienne (…) Ce n’est ni un cacique ni un homme politique. Mais son rôle est, depuis plusieurs années, fondamental pour le clan présidentiel », écrit Sifaoui. En clair, l’homme a été les yeux et les oreilles du DRS à l’APN pour « constituer des dossiers sur les députés ». Entretemps, il s’est mis à rouler pour Saïd Bouteflika. Tout a commencé pour Bouhadja est revenu de son séjour à la clinique américaine de Neuilly. « Décision fut prise de ne pas rembourser certains de ses frais qui s’élevaient quand même à quelques milliers d’euros. (…) » Bouhadja furieux, pensant qu’il avait encore un quelconque pouvoir, décrète de le limoger… » D’où sa chute et son remplacement par un illustre inconnu, Mouad Bouchareb (un protégé de Saïd Bouteflika) qui dans la foulée prend le contrôle aussi du parti FLN.
A la tête de l’Algérie post-mortem
Bien entendu, pour l’auteur « Bouteflika qui raisonne en clan tient à désigner son successeur. Hors de propos que ce sujet puisse lui échapper. C’est psychologique, une manière de continuer à gérer le pays post-mortem et surtout d’assurer une totale impunité pour son frère et les membres de sa famille ».
Gaïd Salah ? « Son sort est scellé»
Sur l’avenir du vice-ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Salah, Mohamed Sifaoui écrit : « A moins qu’il fasse un coup d’Etat, son sort est désormais scellé. Il partira dès que la question du cinquième mandat sera réglée ». Pourtant, si aujourd’hui le clan au pouvoir tient d’une main de fer le pays c’est bien grâce à Gaïd Salah. Ce que nuance l’auteur : «A vrai dire, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah ne doit sa puissance qu’au clan Bouteflika. En plus il traîne plusieurs casseroles et les dossiers contre lui et les membres de sa famille sont très nombreux. Le président ou son frère peuvent à tout moment actionner la justice ».
L’auteur décortique la mécanique du clan au pouvoir ainsi que ses prolongements au sein du monde des affaires. Ali Haddad, Kouninef et leurs lucratives affaires y sont largement évoqués. Il rappelle l’épisode Anis Rahmani et sa mise à l’écart par le clan. «Devenu encombrant pour Saïd Bouteflika, ce dernier ne s’interdit plus, depuis plusieurs mois, de dire des choses peu agréables au sujet de son désormais ancien «protégé» ». D’où le rapprochement du patron d’Ennahar TV avec le vice-ministre de la Défense.
Dans un énième chapitre très éclairant qui s’appelle « Le témoin inattendu », Mohamed Sifaoui livre de nombreuses révélations sur l’actualité et l’avenir proche.
(*) Nous publierons les tout-prochains jours les bonnes feuilles de l’ouvrage avec l’aimable autorisation de l’éditeur.