Mardi 5 mars 2019
Où va l’Algérie ?
À l’antique question romaine «le monde doit-il périr pour que justice soit faite ?», Kant avait répondu : «Si la justice périt, la vie humaine sur la terre aura perdu son sens ».
Après des décennies de drames et de mélodrames, le peuple algérien commence enfin à ouvrir les yeux pour crier haro sur l’ignominie du pouvoir délinquant. Cependant, l’inamovible Abdelaziz Bouteflika a usé de mille et une astuces pour se maintenir au pouvoir en déployant un arsenal d’arguments autant farfelus que saugrenus.
Jouissant d’une conjoncture plutôt généreuse, voire gracieuse, l’homme aux quatre mandats a su acheter le silence et la paix sociale par une orgie financière sans précédent. Mais, en fin du compte, la machine s’est grippée au point de rendre l’âme. Ce qui se vit présentement en Algérie met clairement en évidence la nature hégémonique et démoniaque d’un régime vampirisant son propre peuple.
Aux yeux du régime stalinien serti depuis 1962, le bâton de la vieillesse ne sera pas rangé au fond des caves pour une deuxième vie, s’il en existe ! Le poids des âges n’a nullement effréné la fringale du trône, et à en croire leur ambition, ces personnes cacochymes se prennent pour des Highlanders.
Penseraient-ils que leur requiem ne se chanterait jamais ? La sénescence exhale un remugle de chancissure. Chaque fois que des voix s’élèvent pour dénoncer l’autocratie des gérontocrates tout en tentant de mettre un coup d’arrêt à leurs dérives, le pouvoir donne naissance à une hydre bureaucratique et militaire, trop fertile, où les clans de la mafia ont fait leur nid.
Dans un contexte aussi électrique que dramatique, le clan de Bouteflika continu à jouer avec les nerfs du peuple qui est au bord de l’éclatement. Ni les marches pacifiques, ni les appels incessants au retrait de la candidature du candidat du pouvoir n’ont dissuadé les zélateurs et les gourous de pousser le landau royal pour briguer un 5e mandat, nonobstant que leur candidat de 82 ans continue à vagir doucement dans l’extase de son delirium tremens. Et pour pousser le bouchon encore plus loin, cette « secte » qui ne dit pas on nom défie tout un peuple en voulant lui imposer un Président à vie.
Honni, soit qui mal y pense. Diantre ! Ce despote extravagant s’apparente à un Néron prêt à mettre à feu et à sang son pays rien que pour se maintenir au trône. Ledit clan ne cesse de s’enorgueillir des pseudo-réalisations « historiques » tels l’autoroute Est-Ouest, la grande mosquée, les 2 millions de logements… une gabegie que d’aucuns ne peuvent nier. Il est plutôt ahurissant d’avancer un bilan positif alors que la réalité du terrain en dit long. Des milliers de ″Harragas″ traversent au péril de leurs vies la méditerranée dans l’espoir d’une meilleure vie, un chômage galopant, une misère sociale inénarrable… sans oublier les violations sempiternelles des droits de l’homme et des libertés individuelles.
Durant ces vingt ans de règne, le régime bouteflikien a englouti pas moins de 1500 milliards de dollars. Une somme faramineuse qui, si elle a été dépensée à bon escient et d’une manière rationnelle, l’Algérie aurait pu se hisser au rang des nations développées jouissant d’un niveau de vie plus confortable et d’une paix durable. Malheureusement, la gestion chaotique de cette bande de satrapes a mis à genou un pays déjà agonisant. La démocratie ne s’est pas invitée à la table des bourreaux ayant mis à sac une manne pétrolière inespérée. Et pourtant, cette société secrète qu’est le pouvoir se rengorge comme un paon d’avoir rétablit la paix après la décennie noire, se fait gloire d’avoir instauré la démocratie et se flatte d’être le porte-drapeau du peuple…Il y a dans ce cas de figure une usurpation du sens originel donné à la démocratie par les philosophes grecs d’avant notre ère.
Ces derniers définirent la « démocratie » comme le pouvoir du peuple pour le peuple. Jusqu’à nos jours, cette définition continue à s’imposer avec quelques variantes qui peuvent en modifier substantiellement le sens. En Algérie, l’accent est mis sur la présence de partis politiques, souvent « satellitaires » et qui ne font leur apparition que lors des échéances électorales, et ce, dans l’unique but de légitimer et de dédouaner les dérives du système.
En substance, l’organisation des élections se doit de permettre à la population de choisir ses élus pour les représenter dans la gestion de l’État au profit du bien commun du peuple. Exprimée ainsi, la démocratie garde tout son sens. Par ailleurs, l’histoire nous a renseigné que ce pouvoir dominant et bien argenté a su prendre le contrôle de partis politiques ainsi que du choix de leurs principaux candidats. Il a également su s’assurer d’une bonne emprise sur les mécanismes électoraux de manière à ce que ces choix initiaux soient confirmés par l’élection de celui qui va lui permettre de se maintenir sur le trône. A. Bouteflika s’est autoproclamé le monarque indiscutable et indétrônable, le Messie ou le « nouveau sauveur ». Quel délire ! L’histoire le vomira et la mémoire lui crachera dessus.
Il n’est nullement besoin d’avoir une intelligence hautement développée pour comprendre que, derrière une démarche politique reposant sur une arrogance inadmissible et un mépris infini, que la sortie du tunnel ne sera pas de tout repos. Avec le maintien de ce Président moribond, le pouvoir affiche clairement la couleur. « On vous a compris, on va vous faire boire le calice jusqu’à la lie. » Le message est précis. Insolent à l’égard du peuple, le pouvoir délinquant tente de se cacher derrière des porte-fort qui, de facto, visent à biberonner le bas peuple.
Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots…une vieille chanson de Dalida et qui ont tout leur sens dans l’Algérie de Bouteflika. Même ritournelle jusqu’à l’éternel. Souvent en disgrâce auprès de leur peuple pendant leur mandat pour raison de mauvaise gouvernance, les dictateurs se réconcilient avec leurs habitudes propagandistes à l’approche des échéances électorales pour endormir le peuple et prolonger leur règne. Ainsi, la communication des dirigeants algériens se base essentiellement sur une propagande inspirée des peurs et des envies du peuple.
Le mensonge, la manipulation et l’intimidation sont érigés en mode de gouvernance. C’est dans cette catégorie que s’inscrit la communication de Abdelaziz Bouteflika qui instrumentalise la crainte d’un retour à la décennie noire en se présentant comme le dernier rempart et ainsi perpétuer son règne.
Si le peuple a longtemps observé un mutisme ahurissant, se morfondant dans son coin à telle enseigne que les gouvernants ont glissé le curseur vers une monarchie sans piper mot, la situation actuelle n’est qu’une suite logique d’un long processus d’aliénation et de forclusion.
Mais au final, faut-il subir le pire pour accomplir le meilleur ? Certes, poser des mots sur des problèmes ne permet pas forcément de les résoudre, mais se taire signifie cautionner, alors nous cautionnons l’autocratie, la gérontocratie et la médiocratie. Le pire dans cette histoire est le rôle des médias, des suiveurs comme les moutons de la bergerie, parce que le mythe du « on ne peut rien faire, il y a une conspiration internationale, une main étrangère… ».
Heureusement, que des hommes et des femmes ont à un moment donné de l’histoire ont dit basta au colonialisme, ont brisé le mur de la peur et de la honte pour se frayer la voie de la liberté et de l’indépendance à un peuple martyrisé. Alors, prenons un exemple et cessons de se faire du mauvais sang sur notre sort.