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Ouargla, la cité maudite du Sahara

REPORTAGE

Ouargla, la cité maudite du Sahara

« Le désespoir des peuples est l’épée de Damoclès, suspendue sur la tête des tyrans. » François Gaston de Lévis, « Les maximes et pensées » (1812)

Larguée à vau-l’eau depuis la nuit des temps par la gestion coupable de ses responsables gouvernementaux et ses élus locaux, Ouargla, Warglen ou Wargran en berbère zénète, signifiant retranchée ou barricadée, cette municipalité, située au centre du Sahara, était déjà signalée par les historiens du Xe siècle comme étant une région très riche en ressources hydriques et par l’abondante pratique de la phœniciculture (palmiers-dattiers), au point d’en devenir un important carrefour du commerce transsaharien. Ouargla, fut un grand royaume berbère.

La découverte de gisements de gaz et de pétrole dans sa région, en ont fait un pôle économique par excellence ; des découvertes censées booster le développement tous azimuts de la millénaire cité du grand Sud, et par ricochet faire le bonheur et l’épanouissement de ses habitants. En est-il vraiment le cas ?

En vérité dans notre immense ingénuité, l’on était loin de mesurer l’ampleur du calvaire quasi-quotidien des citoyens de cette ville de l’Algérie profonde. A l’écoute des doléances, énumérées par ces derniers, l’on est resté ébahi par l’incurie, la forfaiture, la gabegie et l’incompétence des autorités locales quant à leurs réelles  prises en charge.

Qu’on en juge ! Que de projets de développement renvoyés aux calendes grecques ? 700 logements AADL non encore lancés, aucune distribution de logements sociaux depuis 2013, idem pour les lotissement pour l’autoconstruction depuis 1999, la faculté de médecine de l’université Kasdi Merbah, attendra encore des lustres. Les étudiants en médecine devront donc patienter quelques années encore pour rejoindre le centre hospitalier universitaire (CHU), gelé pour on ne sait pour quelle raison.

La cité offre un hideux spectacle de désolation, rues et ruelles défoncées, nids-de-poule, des routes éventrées par le surplus des eaux usées s’échappant  des bouches d’égout, avec leurs relents et odeurs nauséabondes aggravées davantage par la canicule de l’été , inondant sur leurs passages chemins et places publiques.

Comble de l’ignominie , depuis 8 ans, le seul parc d’attraction est tristement abandonné à la précarité et l’usure du temps. Tout comme le parc aquatique inactif pour une histoire d’électricité pour les uns, et pour sa désaffectation en lots fonciers compte tenu de son lieu stratégique pour les autres.

L’unique station thermale Lahdeb à Rouissat sur la RN1 vers Ghardaia est agonisante, et finira bien par fermer ses portes, faute de maintenance et d’une réelle prise en charge de la direction du tourisme.

A quelque 500 mètres du siège de la wilaya, l’anarchie de l’unique marché de Belabbes Benithour ne semble point interpeller les élus locaux pour sa restauration et sa modernisation aux grands biens de ses utilisateurs. Que dire du projet budgétivore depuis 2004 de la route Ouargla-El Goléa qui n’en finit pas…

Cette série d’infortunes est exacerbée davantage par le chiffre effarant des jeunes chômeurs dont il est mal aisé de quantifier aujourd’hui le nombre. L’emploi des jeunes, un vernis moral dont s’est teinté le gouvernement dans son « traitement social » du chômage, reste la seule alternative, encore génératrice de postes de travail temporaire, procurant à l’administration une main d’œuvre, bon marché, corvéable à merci pour une rémunération à consistance d’aumône.

Et, on ne peut en vouloir à l’homme de la rue, de se nourrir de rancoeur, de dépit et d’insoutenables frustrations de sa détresse, de sa mal vie, et du fardeau  de sa jeunesse oisive Point de travail, point de salut à la misère, point de culture, point de distraction.

En somme, un vague à l’âme poussant bon nombre de vieux, de jeunes et de moins jeunes, à noyer leurs peines et leurs joies dans une bouteille de Mascara ou d’un joint de kif et de chira, pour s’évader l’espace d’un temps dans le monde de l’illusion, et pour conjurer le sort de leur cité damnée par tant de démesures, de disparités et d’incertitudes des lendemains. Forcément, l’oisiveté est mère de tous les vices.

La clochardisation de Ouargla bat son plein depuis des lustres, et sous l’œil complice du wali, installé depuis 2015 à la tête de l’exécutif de la wilaya et des bustes creux de l’APW.

Il est, désormais, plus acquis que la revalorisation des activités et le développement de l’emploi dans cette région restent tributaires d’un champ d’intervention beaucoup plus large et de politiques intégrées multi sectorielles, sous la conduite d’un wali et d’un exécutif visionnaires, en finir avec le temps de complaisance uniquement dans la gestion, et tenir compte de toutes les dimensions de la réhabilitation du cadre de vie, et de la couverture des besoins sociaux de la population sous toutes ses formes économiques, culturelles et sportives.

C’est dire que pour la damnée cité de Ouargla, le bout du tunnel n’est pas pour demain !

 

Auteur
Brahim Ferhat

 




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