Site icon Le Matin d'Algérie

Pas en notre nom !

Drapeaux

L’organisation Pour une alternative démocratique en Algérie a rendu public un communiqué sur la crise qui secoue les relations algéro-françaises et se démarque des positions de la diplomatie algérienne.

La diplomatie algérienne, née dans les affres de la guerre de libération, y a acquis ses lettres de noblesse en ayant su mener la Révolution jusqu’à la proclamation de l’indépendance. Elle savait encore, jusqu’à il y a quelques années, conjuguer fermeté, intelligence stratégique et hauteur de ton, ce qui lui valait une notoriété certaine sur la scène internationale.

L’état actuel de dégradation de la diplomatie algérienne confirme la règle selon laquelle la politique étrangère est le reflet fidèle de la situation intérieure. Le charivari déshonorant qui tient lieu aujourd’hui de politique étrangère reflète l’état désastreux de la gouvernance interne du pays.

Le niveau atteint par cette diplomatie s’illustre notamment dans la récente et consternante déclaration du ministère algérien des Affaires étrangères, en réponse à l’arrestation d’un agent consulaire par les autorités judiciaires françaises. Ce communiqué constitue un nouveau dérapage grave, indigne des responsabilités qui incombent à une institution censée porter la voix d’un État souverain avec dignité, mesure et clarté.

Au lieu d’un positionnement fondé sur le droit international, le dialogue diplomatique et la défense rigoureuse des intérêts nationaux, le texte diffusé se caractérise par un langage outrancier, truffé d’invectives, et comportant des propos plus qu’inappropriés à l’encontre d’un citoyen algérien. Rien ne saurait justifier les termes méprisants, dégradants et choquants employés à son encontre dans ce communiqué d’une Institution de la République.

Nous refusons que cette réaction soit une parole portée en notre nom. Cette déclaration, qui reflète en réalité les positions de représentants ne disposant de la légitimité que d’une minorité — moins de 10 % de la population algérienne — ne représente ni nos valeurs, ni notre vision de l’État, ni l’idée que nous nous faisons de l’honneur diplomatique algérien. Elle constitue une atteinte directe à notre dignité collective et ternit l’image de notre pays sur la scène internationale.

Il ne s’agit pas ici de contester le droit de l’État algérien à défendre ses représentants, ni de minimiser la gravité d’une arrestation dans une affaire qualifiée de terroriste, encore en cours d’instruction, et qui pourrait, le cas échéant, être contestée sur le terrain juridique. Ce qui est en cause, c’est la réaction émotive, non maîtrisée, usant de propos agressifs et irresponsables, traduisant un état de panique. Cette réaction va jusqu’à exiger une intrusion du politique dans la justice française, à l’image de l’instrumentalisation habituelle de la justice algérienne. Il s’en est suivi la décision d’expulser une douzaine d’agents diplomatiques français qui devait appeler à la réciprocité.

Tout cela traduit le caractère éruptif, brutal et irréfléchi des décisions ainsi que l’indigence morale du discours officiel, devenue la marque déposée de l’« Algérie nouvelle ».

La déconfiture de la diplomatie algérienne ne se limite pas à l’imbroglio avec la France, révélateur d’une crise majeure dans la France-Algérie. La connivence et la complaisance habituelles entre les intérêts des dirigeants algériens et ceux de l’État français trouvent aujourd’hui certaines difficultés à se pérenniser, et à « couvrir », comme cela a été souvent le cas, certaines affaires délictuelles voire criminelles, à l’instar de « l’affaire Mecili ».

Une diplomatie algérienne émanant véritablement du peuple devrait œuvrer à ce que la relation avec la France — partenaire incontournable pour des raisons historiques, humaines et géographiques — soit construite sur des intérêts partagés dans les domaines économique, culturel, intellectuel et géostratégique. Loin de toute posture d’allégeance ou de condescendance et d’octroi de privilèges, il est urgent d’exiger une relation assainie, équilibrée, tenant compte des intérêts respectifs des deux peuples.

L’intégration nord-africaine a également fait les frais d’une diplomatie en dérive, en quête permanente d’un ennemi extérieur pour légitimer le maintien du régime. L’Algérie est aujourd’hui brouillée avec l’ensemble de ses voisins africains, perdant ainsi son aura postindépendance, et réduisant son influence à une portion congrue. La tension persistante avec le Maroc, qui a également ses responsabilités, constitue un frein majeur à toute perspective d’intégration régionale, pourtant vitale pour les deux peuples en matière de vision politique d’avenir, de développement économique et humain ainsi que dans l’assurance de la sécurité régionale.

L’ensemble nord-africain, qui aurait pu constituer un bloc régional capable de défendre ses intérêts géopolitiques dans un monde complexe et prédateur, est ainsi un espace ouvert à toutes les convoitises et influences de puissances étrangères, souvent génératrices de graves conflits.

En Libye, au Mali, au Niger ou au Burkina Faso, les interventions des puissances extérieures — qu’il s’agisse de la Russie, de la Turquie néo-ottomane ou d’émirs influents — attisent les tensions et aggravent les crises locales. Considérées comme des « partenaires de confiance » par la diplomatie algérienne, ces puissances interviennent pourtant fréquemment comme vecteurs d’instabilité dans notre profondeur stratégique.

Au Proche et Moyen-Orient, l’Algérie est marginalisée dans les grandes décisions du monde dit « arabe », notamment dans la défense du peuple palestinien, et ce malgré son siège actuel de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Alors que certains pays de cette région gagnent en influence et modernisent leurs politiques internes, l’« Algérie nouvelle », en perte d’influence, s’enfonce dans l’obscurantisme. Compromettant gravement l’avenir, les autorités algériennes s’emploient, par des décisions intempestives et idéologiques, à détruire des générations entières via un système éducatif livré aux forces rétrogrades.

Dans le même temps, notre diplomatie multiplie les signaux d’allégeance à une administration états-unienne d’extrême droite, en ouvrant largement le pays à une exploitation de ses richesses qui n’aurait comme limite que le ciel : « the sky is the limit ».

Concernant les autres grandes puissances — Russie, Chine, Inde, Brésil —, la réponse claire à la demande d’adhésion de l’Algérie aux BRICS en dit long sur la perception qu’ont ces États de la place de l’Algérie et de son équipe dirigeante dans leur système de valeurs.

Il ne s’agit pas uniquement d’une diplomatie en faillite, mais bien d’un régime à bout de souffle, miné par une illégitimité chronique, un autoritarisme manifeste, le culte du tout-répressif et un déni persistant de la souveraineté populaire. Un régime aux comportements erratiques, improvisés, souvent dissonants avec les enjeux contemporains, qui peine à formuler une vision cohérente, à défendre nos intérêts de manière constante, ou à susciter le respect à l’échelle nationale comme internationale.

Cette diplomatie brouillonne et agressive nuit également à la diaspora algérienne, qu’elle expose à des représailles symboliques, administratives ou sociales dans leurs pays de résidence. Loin de les protéger, elle les stigmatise ou les réduit au rôle d’instruments d’une posture conflictuelle, alimentant méfiance et marginalisation.

Ce système autoritaire ne se contente pas d’isoler notre diplomatie : il fragilise aussi l’État, affaiblit ses institutions, muselle les contre-pouvoirs, criminalise la parole citoyenne et infantilise l’opinion publique.

Il gouverne par la peur et l’improvisation, dissimule ses échecs derrière une propagande creuse et transforme l’espace politique en champ clos, interdit à toute alternative réelle. Il impose le silence, réprime la pensée critique, et ne propose aucun horizon mobilisateur. Ce pouvoir s’accroche à ses privilèges avec un entêtement dangereux, au détriment des intérêts supérieurs de la Nation.

En vérité, il devient urgent de rendre la parole au peuple algérien. Ce n’est que par une transition démocratique et pacifique, authentique et assumée, que notre pays pourra retrouver sa légitimité, sa cohérence, sa dignité, ainsi qu’une diplomatie responsable.

Il est impératif de reconstruire le contrat politique sur la base d’un dialogue ouvert, sincère, inclusif et respectueux de toutes les sensibilités, afin que l’exercice du pouvoir ne soit plus confisqué par une minorité retranchée dans l’opacité et l’archaïsme.

Il est vital d’engager cette transition démocratique de façon aussi résolue qu’immédiate. Cette déliquescence généralisée et l’humiliation permanente mettant à mal notre fierté d’Algériennes et d’Algériens doivent cesser. Il en va du devenir de la Nation et de la sauvegarde de l’État. La parole doit revenir, impérativement et rapidement, au peuple.

PADA -Pour une Alternative démocratique en Algérie

Paris, le 16 avril 2025

Quitter la version mobile