L’absence d’entretien, l’abandon, voire la destruction du patrimoine archéologique est en bonne voie. Bientôt, les chercheurs en archéologie ne trouveront pas grand-chose à expertiser ou étudier.
Il n’y a pas que la Casbah qui soit devenue un dépotoir. Le laisser-faire et l’indifférence de l’administration devant le patrimoine national ne sont plus une vue de l’esprit mais une réalité que tout un chacun peut observer en flânant sur les sites archéologiques algériens.
Tipaza, site pourtant classé Patrimoine mondial en 1982 a été inscrit en 2002 –et jusqu’en 2006- sur la liste du Patrimoine en péril. Pour autant, ni la ministre de la Culture, encline à donner des leçons sur la culture, ni les services en charge du patrimoine ne semble s’en inquiéter.
Déjà, on s’en souvient, le réaménagement de son port a entraîné la destruction irrémédiable de vestiges puniques. Les alertes des spécialistes ont été balayées avec mépris par les autorités.
La bétonisation de la partie sud du village et du rempart sud de la cité antique, l’extension des constructions illicites à l’intérieur même des parc archéologiques gardés, font le reste pour faire disparaître ce patrimoine qui semble gêner le narratif historique que soutiennent les différents régime depuis l’indépendance. Les archéologues et passionnés des vieilles pierre ont alerté aussi sur la mutilation du sarcophage des époux dans le parc ouest, la destruction d’une partie de la mensa funéraire à Sainte Salsa, sans qu’aucun responsable ne s’en émeuve.
Dégâts incommensurables
Un atelier de conservation et de restauration des mosaïques a été ouvert au cours de l’été 2018, avec le soutien de la Fondation Getty, après transformation d’une bâtisse coloniale construite au milieu et sur des vestiges antiques appartenant probablement aux grands thermes de Tipasa.
La nouvelle doxa est de faire de ces lieux immémoriaux, de simples espaces commerciaux. Lamentable destin ! Les conséquences sont déjà visibles sur d’autres grands sites comme Timgad, Lambèse ou Djémila). Les autorités penchent désormais plus à « trouver des solutions économiques de rechange et adapter de nouveaux mécanismes d’exploitation des sites du patrimoine » que la protection et la promotion de notre patrimoine. A l’exemple de la « location aux enchères de la villa Angelvy et ses espaces. Un restaurant et une cafétéria seront créés au sein de la villa Angelvy avec une panoplie d’autres commerces…
Rappelons que l’urgence signalée depuis longtemps est d’installer à la Villa Angelvy une annexe au Musée de Tipasa dont l’exiguïté ne permet pas d’exposer nombre d’œuvres en sommeil depuis trop longtemps dans les réserves, s’alarme un archéologue.
De graves manquements, ont été signalés officiellement en 2021 par l’Unesco, dans la gestion du site de Tipasa classé au Patrimoine mondial :
- Activités illégales
- Activités de gestion
- Destruction délibérée du patrimoine, vandalisme, pillage
- Habitat
- Impact d’activités touristiques et de loisirs incontrôlés
- Infrastructures de transport maritime
- Mauvaises conditions de conservation des vestiges archéologiques
- Techniques de restauration inappropriées…
La menace de déclassement plane sur ce site. Mais comment réagirait le Centre du patrimoine mondial s’il savait que la pluie tombe désormais à l’intérieur du Musée de Tipasa, sur la mosaïque qui recouvre le sol de l’unique salle d’exposition ?
En attendant, peut-être que le ministère de la Culture et des Arts que dirige Mme Soraya Mouloudji se bougerait pour faire quelque chose ! Peu sûr malheureusement.
Samia Naït Iqbal