“La politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique sanglante.”
Mao Tsé-Toung
Cela fait quelques semaines que la guerre fait rage en Ukraine sans que l’on sache précisément le nombre de victimes, civiles et militaires, d’un côté ou de l’autre. La guerre nucléaire est certes loin mais la guerre de l’information bat son plein, avec, là aussi, de part et d’autre, une propagande que seuls les naïfs peuvent gober sans se poser de questions.
La ville de Marioupol, posée à l’est de l’Ukraine sur la baie de Taganrog, coincée au nord par la région russophone et russophile du Donbass, faisant face à la Crimée, était il y a juste un peu plus d’un mois une ville où il faisait bon vivre. Les jeunes filles et les jeunes hommes se côtoyaient dans une insouciance propre à leur âge, les ainés se promenaient ensemble dans des parcs qui allaient accueillir le printemps renaissant et les artistes s’apprêtaient à exposer leurs peintures, à monter leurs pièces de théâtre, à chanter leurs ritournelles. Le vent frais de la mer d’Azov s’engouffrait dans les cours ouvertes de ces vieux bâtiments qui faisaient face au port d’où partaient des cargaisons de blé et d’acier. Aujourd’hui, cette ville est ravagée par les bombardements continus de l’armée russe.
Pendant que les belligérants se gaussent d’avoir gagné telle bataille ou telle autre, et que la boucherie est à son comble, cette guerre s’amenuise chaque jour un peu plus dans les unes des journaux français, peut-être même des journaux européens, et se fond dans d’autres actualités.
D’autres sujets font de plus en plus leur apparition dans la pertinence du présent : prix de l’énergie que la population a du mal à suivre, celui des matières alimentaires qui explose, une inflation sévère qui nous rejette à des décennies en arrière… Sans parler de l’actualité évidente des élections présidentielles françaises.
Nous sommes donc témoins d’un télescopage de l’actualité nationale française avec celle d’une conflagration entre deux pays de l’est européen et d’une tension de plus en plus indiscutable entre l’occident dirigé par les Etats-Unis dans le cadre de l’Otan et du reste du monde et, en particulier, avec la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud.
Les pays africains ou asiatiques ont refusé, pour la plupart d’entre eux, de condamner le jusqu’au-boutisme de la Russie pour diverses raisons et en particulier, celle du non-alignement.
Les trois sujets sont évidemment totalement enchevêtrés et vont donner une nouvelle dimension aux relations internationales futures. Sans compter que les pays européens vont très lourdement allonger des lignes budgétaires pour soutenir la flambée des coûts de l’énergie et les tiraillements sur les prix des matières premières ainsi que les pénuries prévisibles de certaines denrées dont les Russes ont la primauté. Sans parler des pays du sud qui vont se trouver au bord de l’explosion, qui en baveront des ronds de chapeau pour la crise alimentaire qui se dessine.
L’Algérie, par exemple, dont le blé est le constituant de base de toute la nourriture, va boire le calice jusqu’à la lie, par le simple fait que la totalité des importations du blé proviennent de Russie.
Beaucoup de questions se posent dans cette perspective que nul ne peut prévoir. Sauf que nous assistons à la naissance d’un nouveau monde – selon la formule usée jusqu’à la corde.
Kamel Bencheikh, écrivain