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Peut-on réformer l’islam sans éduquer le musulman ?

COMMENTAIRE

Peut-on réformer l’islam sans éduquer le musulman ?

« Iqra, iqra, iqra !  Wech yeqraw ? », telle fut la question que posa Mohamed Arkoun en son temps. Il n’en a pas fallu plus pour qu’il soit sommé de déguerpir comme un vulgaire malpropre de la conférence islamique organisée en Algérie dans les années 1970 par les gardiens de la « pensée islamique » unique. Parmi eux, Mouloud Kacem Naït Belkacem et Youssef Al-Qaradâwî !

Pourtant, il suffit de jeter un regard sur l’œuvre de Mohammed Arkoun, cet intellectuel qui s’inscrivit dans la tradition des lumières en tant qu’historien, islamologue et philosophe, pour s’imprégner du fait que toute réforme de l’Islam est mission impossible, si l’on ne réforme pas, en premier lieu, le croyant musulman. Et, cette réforme passe par un canal unique, celui de s’accorder sur un postulat universel, à savoir que la croyance est, avant tout, une affaire personnelle. Et, là on en revient toujours au même constat.

C’est que l’Islam est victime d’un panurgisme beat sur lequel reposent toutes sortes de comportements enflammés initiés par n’importe quel gugus qui se prétend détenteur de la vérité absolue. Inutile d’aller plus loin, sinon affirmer que l’écrasante majorité des musulmans n’a jamais lu le Coran. Comment peut-il en être autrement quand on sait que l’analphabétisme touche aussi la majorité des citoyens dans les pays du monde dit arabe ? Ne parlons pas de ces contrées éloignées de la Mecque dont les citoyens ne comprennent pas un traitre mot de la langue arabe, et qui, pourtant, se revendiquent bons musulmans.

Réformer les musulmans commence par l’acceptation par les ulémas des textes sacrés d’une confrontation avec leurs homologues éclairés, c’est à dire entre ceux qui se réclament de l’université d’El-Azhar et ceux qui ont une connotation proche ou lointaine avec des institutions telles que la Sorbonne.

À cet égard, il est utile de revenir sur la carrière de Mohammed Arkoun :

Mohammed Arkoun est né le 1er février 1928 à Taourirt-Mimoun, dans la commune d’Ath Yenni, Tizi-Ouzou, et mort le 14 septembre 2010 à Paris. Selon son souhait, il est enterré au Maroc.

Il est internationalement reconnu, comme le démontre, par exemple, les Gifford Lectures qu’il donna en 2001. Des cours intitulés « Inauguration d’une critique de la raison islamique ». Il fut, entre autres, professeur émérite d’histoire de la pensée islamique, à Paris III. Il enseigna l’« islamologie appliquée », discipline qu’il a développée, dans diverses universités européennes et américaines, en référence à l’anthropologie appliquée de Roger Bastide. Parmi ses sujets de prédilection, l’impensé dans l’islam classique et contemporain.

Mohammed Arkoun, humaniste, laïque, était un militant actif du dialogue entre les religions, les peuples et les hommes. Spécialiste de l’islam, il plaidait pour un islam repensé dans le monde contemporain. Il y a consacré de très nombreux ouvrages dont La Pensée arabe (Paris, 1975), Lectures du Coran (Paris, 1982), Penser l’islam aujourd’hui (Alger, 1993), ou encore The Unthought in Contemporary Islamic Thought (Londres, 2002).

 Mohammed Arkoun a enseigné à la faculté des lettres et sciences humaines de Strasbourg (1956-1959), au lycée Voltaire de Paris (1959-1961), comme maître-assistant à la Sorbonne (1961-1969), professeur associé à l’université de Lyon II (1969-1972), puis comme professeur à l’université Paris VIII et à Paris III – Sorbonne Nouvelle (1972-1992). Il a été membre du Wissenschaftskolleg de Berlin (1986-1987 et 1990) et de l’Institute for Advanced Study de Princeton, dans l’État du New Jersey, aux États-Unis (1992-1993), professeur affilié de l’université de Californie à Los Angeles (1969), de l’université Temple, de l’université de Louvain-la-Neuve (UCL) en Belgique (1977-1979), de l’université de Princeton (1985), du Pontifical Institute of Arabic Studies à Rome et à l’Université d’Amsterdam (1991-1993). Il a également dispensé de nombreux cours et conférences à travers le monde.

Inutile d’en reproduire davantage pour se convaincre du lourd bagage intellectuel et de la lucidité de cet homme qui a marqué son temps, mais dont l’œuvre tombe peu à peu dans le gouffre des oubliettes, noyée dans le discours ténébreux de moult incultes qui se croient détenteurs de la vérité absolue, et qui formatent les masses à leur image.

Comparez donc ce CV lourd à celui d’Ali Belhadj (lui qui n’a même pas réussi à décrocher son baccalauréat après moult tentatives) ou celui de Abdallah Djaballah ! et la boucle est bouclée.

Réformer le musulman a pour corollaire incontournable celui de la réforme de L’École, avec le courage politique d’y inclure des programmes qui inculquent à l’enfant les éléments fondamentaux de la tolérance, à travers des enseignements qui ne sclérosent pas son esprit dès les premières années de scolarité. Et partant, le mener petit à petit à une ouverture qui lui permette de s’intéresser aux travaux des Mohamed Arkoun, Djabelkehir, Fatima Mernissi, Hela Ouerdi, et tutti quanti, et d’examiner, de lui-même, au lieu d’avaler toutes sortes de sornettes débitées par des enseignants souvent mal formés, eux-mêmes sclérosés du cerveau.  

Mais est-ce vraiment cela que veulent tous ces docteurs ès-dictature du monde musulman ?

That is la véritable question !

 

Auteur
Kacem Madani

 




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