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Peut-on traduire la poésie de Lounis Aït Menguellet en arabe ?

Ait Menguellet

Les traductions de notre barde national en français sont nombreuses et variées. Des gouffres d’interprétations séparent les adaptations des uns et des autres. C’est dire la richesse et l’étendue métaphorique de l’univers « lounisien ».

Une question mérite d’être posée : des traductions en arabe sont-elles envisageables, et les transcriptions en alphabet d’Abu-l-Ala al-Maari peuvent-elles être fidèles aux poèmes originaux ? Et si oui, pour qui seraient destinées de telles translations quand on sait que le système éducatif algérien n’a produit, en majorité, que des analphabètes multilingues ?

Autant de questions qui vous turlupinent l’esprit quand vous apprenez que certains arabophones s’y sont déjà frottés et que d’autres s’attèlent à la tâche !

Au-delà du fait que de telles traductions doivent nécessairement recevoir l’aval de notre chantre qui, nous le savons tous, ne maîtrise pas l’arabe – ni l’algérien, encore moins le classique – il est à se demander par quel bout de tels projets sont appréhendés !?

Par ailleurs, si des travaux sérieux ont permis la transcription des poèmes dans l’alphabet de Mouloud Mammeri, dont Lounis lui-même se sert pour écrire ses textes, à ma connaissance, rares sont les transcriptions sérieuses en arabe. Il n’est pas besoin d’être expert en littérature de la péninsule arabique pour imaginer le charabia de telles transcriptions si elles venaient à voir le jour, du fait que, toujours à ma connaissance, l’alphabet arabe n’a pas été suffisamment enrichi pour prendre en charge l’étendue du spectre de phonèmes kabyles.

Si c’est pour nous concocter un travail folklorique sous forme de ratatouille indigeste, comme seuls les arabophones savent apprêter, autant ne pas entacher cette œuvre magique !

Retranscrivez-nous donc, ces simples vers et on en reparlera :

Zik wa i hedder-itt i wayeḍ

Ass-a di lkaɣeḍ

A tt-id-afen yineggura

Je vous laisse faire le décompte de syllabes incompatibles avec l’alphabet arabe classique ! Quant à d’éventuelles traductions, il appartiendra aux spécialistes d’émettre un avis objectif sur la question et aux proches de notre chantre de juger de leur recevabilité !

Toujours à propos de translation, attardons-nous sur le premier mot « Zik ». Comment le traduire ? « Fi kadim ezzaman » ? « Kan yaman kan » ? « Fi youm ewal » ?

Cela me rappelle une anecdote des années 1980, du temps où nos dirigeants s’étaient mis en tête d’arabiser les sciences exactes à Bab Ezzouar – j’enseignai alors un module d’électronique – nos « grands spécialistes » arabophones se démêlaient dans tous les sens pour nous démontrer la faisabilité de ce projet insensé. Un collègue clairvoyant leur posa une simple question : – « comment traduiriez-vous bande-passante » ? Sans se laisser démonter, un membre du comité de traduction répond « el 3issaba el-moumarira ». Parfait pour le mot à mot ! À part que le terme « 3issaba » se réfère à une bande de brigands ! Voilà que les fréquences électriques se transforment en bandits des grands chemins par la grâce d’une médiocrité à suicider les derniers neurones qui circulent encore dans la caboche ! CQFD !

Si c’est suivant tel schéma fangeux que les arabisants envisagent de traduire la poésie de maître Lounis et nous présenter le résultat comme un travail rigoureux et utile, bonjour les dégâts !

S.V.P., l’arabisation a fait suffisamment de ravages comme ça pour vous permettre la légèreté de corrompre le message universel de Lounis Aït Menguellet ! Traduisez Rimbaud, Verlaine ou Victor Hugo, ça sera plus simple pour vous !

Kacem Madani

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