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Populisme et gestion à court terme : une stratégie vouée à l’échec

Le discours prononcé aujourd’hui (mardi 24 décembre, Ndlr) par le chef de l’État lors de la rencontre entre le gouvernement et les walis n’a fait que renforcer l’écart criant entre la rhétorique officielle et les réalités du terrain.

Bien que chargé d’un vocabulaire populiste et d’une volonté affichée de proximité avec les citoyens, ce discours illustre une gouvernance davantage préoccupée par son image que par une transformation profonde et durable du pays.

L’annonce selon laquelle “plus de 6,5 millions de citoyens ont bénéficié des réformes dans les zones d’ombre” mérite une analyse critique. Si le chiffre peut impressionner, il reste dénué de contexte précis : quels indicateurs mesurent ces prétendus progrès ? Ont-ils réellement transformé le quotidien des citoyens ? La vérité semble bien éloignée de ces proclamations, car de nombreuses zones rurales et marginalisées continuent de souffrir de l’absence d’infrastructures de base, d’accès à l’eau potable ou aux services de santé. Le simple fait que certains responsables aient “considéré que le développement des zones d’ombre ne relevait pas de leurs responsabilités” démontre une gestion laxiste et une absence de mécanismes de reddition de comptes.

Le chef de l’État a également insisté sur la lutte contre ce qu’il a qualifié d’attaques numériques, allant jusqu’à affirmer que “l’Algérie ne peut être déstabilisée par un hashtag”. Ce type de déclaration, bien qu’émotionnelle, détourne l’attention des problèmes réels qui minent la stabilité sociale : chômage endémique, inflation galopante, crise du logement et inégalités persistantes.

Ce n’est pas un hashtag qui fragilise l’Algérie, mais bien l’incapacité de ses institutions à répondre aux aspirations d’un peuple en quête de justice sociale et d’opportunités.

En outre, l’appel à finaliser les façades des bâtiments inachevés et à financer la construction abandonnée apparaît comme une politique de façade, au sens propre comme au sens figuré.

Derrière cette mesure symbolique se cache une vision étroite et limitée, où la priorité est donnée à l’apparence des villes plutôt qu’à une réflexion de fond sur les politiques d’aménagement urbain ou sur les raisons structurelles de l’échec de ces projets immobiliers.

Par ailleurs, la volonté affichée d’instaurer un dialogue avec les jeunes en incitant les walis à “écouter leurs préoccupations” est, en théorie, un pas dans la bonne direction.

Mais comment croire en la sincérité de cette démarche quand les canaux d’expression démocratique sont largement verrouillés ? Tant que les institutions locales resteront opaques et que la société civile sera marginalisée, ces promesses risquent de rester de simples déclarations d’intention.

Enfin, l’évocation des “résidus de l’ancienne oligarchie” qui continueraient à nuire aux responsables locaux est un aveu d’impuissance inquiétant. Ce discours, visant à désigner des boucs émissaires, masque mal l’absence d’une justice indépendante capable de garantir la transparence et de rétablir la confiance.

Si des menaces pèsent réellement sur les walis, pourquoi les institutions censées les protéger sont-elles inefficaces ?

Plus inquiétant encore est l’utilisation systématique du passé glorieux de la guerre de libération pour légitimer un régime en perte de vitesse. Le recours à des slogans comme “le sang des martyrs” pour protéger l’image du pouvoir témoigne d’un manque d’idées novatrices et d’une incapacité à construire une vision tournée vers l’avenir. Le patriotisme ne peut éternellement masquer la stagnation politique et l’épuisement social.

Pour que l’Algérie dépasse cet état de gestion à court terme et de rhétorique populiste, elle doit entreprendre une réforme profonde de ses institutions.

Cette réforme doit placer les citoyens au cœur des décisions, avec des mécanismes transparents et inclusifs. Sans cela, les discours resteront des mots creux, incapables de répondre aux attentes d’une société qui aspire à bien plus que des façades rénovées et des promesses non tenues.

Mohcine Belabbas

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