« Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant ? » Voltaire, Le dictionnaire philosophique.
Tout ça, pour ce qui me concerne, a commencé en Algérie au début des années 90. Mon pays natal se débattait tout seul contre l’abjection islamiste qui a foutu en l’air plus de 250.000 vies de femmes et d’hommes qui ne demandaient qu’à sourire aux joies qui promettaient de les attendre. Des dizaines de milliers d’innocents ont été sacrifiés sur l’autel d’une religiosité exacerbée qui servait quelques chefs de clans djihadistes assoiffés de sang.
Ҫa a commencé comme ça, au détour des après-midis caniculaires, dans les rues des villes blanches écrasées par l’enclume du soleil. Ça a commencé sans prévenir par un accoutrement bizarre avec lequel les hommes s’affublaient, une gandoura blanche sur un pantacourt et, aux pieds, des baskets. Sur les épaules, le plus souvent, un blouson en skaï noir. Ça s’est poursuivi, pour les femmes, par la disparition brutale du haïk algérois et de la m’laya sétifienne. Et ça été remplacé par une sorte de mantille inconnue jusqu’alors qui a envahi tout l’espace disponible.
C’était une sorte de voile venu tout droit de l’orient et qui ressemblait plus à un costume de deuil.
Chez l’homme, la barbe hirsute a fait son apparition et le langage châtié, d’habitude très proche de la gouaille, s’est métamorphosé en versets ânonnés. Toute la conception de la vie en société tournait désormais autour des préceptes coraniques, interprétés différemment suivant celui qui détient la parole en face de vous et qui élève la voix tel un muezzin.
Ҫa a commencé par l’obligation faite aux femmes de se conformer à des coutumes importées des contrées les plus rétrogrades de la planète. Mise au pied du mur, la gente féminine s’est vue assignée à n’être plus qu’une ombre, une apparition furtive dans le clair-obscur des quartiers dirigés par des camarillas obscurantistes et violentes.
On a doté les cheveux libres des femmes d’un hidjab dont ma mère et ma grand-mère n’ont jamais entendu parler, on les a obligées à se faire transparentes et à ne plus lever les yeux sur les hommes attablés devant leurs verres de thé à la menthe ou leurs cafés serrés. On leur a interdit de se farder et de mettre en avant la beauté de leurs regards.
Puis ça a dégénéré très vite. Les ignorantistes, armés et financés par les saoudiens et les qataris, se sont transformés en afghans. Ils ont vociféré, craché leur bile, insulté tout ce qui ne leur ressemblait, mis les femmes et les hommes en demeure de se soumettre, menacé les intellectuels et mis à exécution leurs présages. Ils ont violé, égorgé, éventré tous les patriotes qui refusaient leur abominable chantage.
Ils ont fait exploser la tête bien rempli des professeurs d’université et des journalistes confondus. Ils ont semé dévastation et désolation de Tamanrasset jusqu’à la Mitidja et de Oum Teboul à la frontière tunisienne jusqu’à l’Oranie joyeuse. Et les Algériens se sont retrouvés seuls face au sabre et au poignard. Pendant que les femmes et les hommes libres se faisaient trucider de l’autre côté de la Méditerranée, la France et l’Occident péroraient sur le « Qui tue qui ? ».
Puis l’ignominie est arrivée de ce côté-ci de la grande bleue. On a vu ici ou là les prémisses des qamis surmontés de barbes échevelées. Les gens les regardaient avec bonhomie. Puis les premiers fichus en dentelle ont fait leur apparition ici aussi ensuite le voile intégral. La République fermait les yeux sur l’éclosion de ces signes surannés et les réactionnaires islamistes y voyaient une promesse d’allégeance d’un pays prêt à se mettre à genoux.
Rien d’exotique pourtant dans le recul forcé d’une civilisation sur la terre même des Lumières. Et le sang a été versé là où les glorieux révolutionnaires au bonnet phrygien ont pris d’assaut toutes les Bastilles du passé. Communiant avec son credo, voilà le faux anachorète transformé en vrai soldat d’Allah.
Plus le sang coule, plus le soudard de l’ancien temps a envie de le faire couler de nouveau. L’escalade était devenue prévisible. Charlie-Hebdo, Mantes-la-Jolie, le Bataclan, Nice au 14 juillet 2016, le couple de policiers égorgés à Magnanville devant un enfant, Trèbes et l’héroïsme du colonel Arnaud Beltrame, Strasbourg, des noms de lieu qui nous remettent en face de la laideur et de l’ignominie de l’islamisme le plus agressif et le plus belliqueux.
Où que l’on aille, le séditieux islamiste est toujours le même : agressif, récalcitrant aux idées de liberté, subversif, n’ayant comme seule Constitution que la parole, vraie ou fausse, mais en tous les cas, manipulée par ceux qui le somment de haïr toute forme d’humanité. Il est grand temps que les responsables des pays qui ont inventé le concept des Droits de l’Homme se ressaisissent pour que la barbarie ne dicte plus ses lois.
En ces temps de fatras institutionnalisé et de lâchetés diverses, où le cancer n’est pas traité alors que ses métastases se multiplient, tout le monde attend une impulsion particulière : celle de la reprise en mains du destin des citoyens de ce pays.
Que les Lumières ne s’éteignent jamais et que Voltaire ne soit jamais enterré une seconde fois.
Kamel Bencheikh, écrivain