Plus de soixante ans après l’indépendance, le pays demeure sous la coupe d’un régime autoritaire masqué derrière une démocratie trompeuse.
Le blocage persistant de l’alternative démocratique, dissimulé derrière un multipartisme de façade, révèle une confiscation structurelle de la souveraineté populaire. Cette situation résulte de la conception singulière qu’ont les tenants du pouvoir de la démocratie et de l’Etat. Ici, la démocratie est pervertie, et l’Etat, dévoyé par le populisme et la démagogie, devient un outil d’accaparement des richesses nationales. Ce modèle repose sur l’intrication des pouvoirs, l’opacité de la gestion et une pratique institutionnalisée du népotisme.
Les défis du mouvement démocratique ?
Le mouvement démocratique, entravé par l’asphyxie politique, le verrouillage médiatique, l’absurdité institutionnelle et ses propres divisions, n’a pu créer les conditions nécessaires pour sortir du totalitarisme. Cet échec est d’autant plus marqué par la dispersion du militantisme, laquelle est exacerbée par des acteurs jouissant de la bienveillance du pouvoir ; ils se sont détournés de l’indignation collective pour promouvoir avant tout leurs intérêts individuels.
A cela s’ajoutent d’autres obstacles qui freinent la construction d’un rapport de forces favorable à une véritable alternative démocratique. L’un des plus notable réside dans l’individualisme des figures politiques, qui privilégient des démarches en solo, en exploitant leur notoriété acquise des plateaux de télés offshores, elles se privent ainsi de renforcer un front commun démocratique.
Un autre frein majeur provient de la persistance d’un militantisme ancré dans des liens affectifs, résistant à toute rupture avec des organisations repliées sur elles-mêmes. Cette fidélité obstinée empêche l’émergence d’un renouveau politique et retarde l’éclosion d’une nouvelle classe politique.
Enfin, les groupes sociaux vivant dans l’opulence grâce à l’économie informel ou à leur proximité avec le pouvoir s’opposent farouchement à tout changement, de peur de perdre leurs privilèges. Ces acteurs, parmi lesquels des pseudo analystes et des cadres opportunistes, œuvrent activement à bloquer toute perspective de démocratisation. Après chaque mouvement populaire, ils n’hésitent pas à inciter l’armée, qu’ils adulent et exaltent, à restaurer le statu quo, même au mépris de la volonté populaire et de la constitution.
Les partis politiques, coincés dans l’étau du système autoritaire, se trouvent piégés dans une quête de pouvoir vaine face à un régime retranché. Soumis à des restrictions politiques et médiatiques drastiques et confrontés à des mutations institutionnelles absurdes qui consacrent la volonté de l’autocrate, ils finissent par se vider de leurs militants et deviennent des instruments de dépolitisation.
Face à cette impasse, marquée par les divisions et l’absence de mobilisation collective, une dynamique de renouveau organisationnel et stratégique devient impérative pour démocratiser l’Etat et la société. Cette refondation nécessite une dynamique de masse dans ce contexte où les barrières physiques et politiques se renforcent, et où la répression écrase systématiquement les mobilisations pacifiques. Une telle mobilisation pourrait en effet réussir à se frayer un chemin dans l’espace étriqué du seul jeu politique que le pouvoir tolère.
Le Rassemblement des forces démocrates revitaliserait alors les luttes et permettrait au militantisme de retrouver sa pertinence en tant que moteur de changement. Dans cette optique, l’objectif est clair : faire triompher la démocratie d’ici la fin de l’actuel mandat présidentiel, car tout report prolongé compromettrait gravement la stabilité et le développement du pays.
En s’appuyant sur la souveraineté des militants, cette dynamique, adaptée au contexte et aux ressources disponibles, permettrait de contrecarrer les tentatives du pouvoir visant à neutraliser la classe politique, et de lever l’hypothèque pesant sur le combat démocratique de ceux qui l’ont détourné de ses idéaux.
C’est en adoptant cette dynamique de masse que le combat démocratique pourra, de manière pacifique, déconstruire le régime autoritaire en place et désarmer les acteurs opportunistes qui ont rejoint les partis, non pas pour défendre les idéaux démocratiques, mais pour les plier aux intérêts du pouvoir et préserver leur position et leurs privilèges.
Pour un congrès d’unification pour une alternative crédible
Dans cette optique, un congrès d’unification est crucial pour rassembler les forces démocratiques au sein d’un parti commun, organisé de sorte à structurer les opinions favorables à la démocratie et les faire évoluer en une alternative politique crédible.
Il sera bâti autour d’un programme commun et d’une ligne politique résolument démocratique.
La stratégie devra principalement s’orienter à promouvoir les libertés et l’égalité, des valeurs émancipatrices qui permettent de hausser l’individu au rang de citoyen actif et de transformer la société en une volonté collective souveraine.
Organisé en un espace fonctionnel affranchi des rigidités structurelles, ce parti permettrait de contourner les verrouillages politiques et médiatiques qui inhibent la sphère publique, renforçant ainsi les chances de succès du combat pour la démocratie.
Développant une réflexion collective, nourrie par l’engagement de tous les militants, il pourra libérer l’immense potentiel du mouvement démocratique et offrir un cadre accueillant pour les démocrates unis sous une même bannière politique. L’attrait sur les élites dont l’apport est essentiel pour le combat sera infaillible lorsque la réflexion sur la démocratie met l’accent sur le binôme liberté-égalité, valeurs constitutives de l’Etat de droit.
La vision et l’ambition de ce parti politique pour le pays doit commencer à être visible en son sein, dans son fonctionnement, dans sa dynamique interne. Et comme il sera formé à partir de l’association de plusieurs espaces civiques et politiques et d’individus aux profils sociaux, académiques et professionnels hétérogènes, il doit alors consacrer en son sein un fonctionnement démocratique authentique, garantissant le libre débat, et doit prévoir dans la prise des décisions des procédures qui consacrent la participation de tous, et intégrer l’expression de courants politiques et un mode d’élection permettant la représentation des minorités. Les statuts doivent être clairs à ce sujet.
Dans la configuration de ce régime où l’élection présidentielle domine, un accord électoral unifié contre le pouvoir autoritaire est nécessaire.
Enfin, les principes de souveraineté nationale, de la démocratie et d’égalité hommes-femmes doivent être des fondements intangibles de ce projet commun.
Hamid Ouazar