Lundi 19 mars 2018
Pour une dynamique citoyenne du changement
Que le navire de la nation soit difficile à manœuvrer n’implique pas qu’il faille décourager ou courber l’échine devant la fatalité. Mais cela ne signifie pas non plus qu’il faille d’une navigation à vue, synonyme de je-m’en-foutisme et d’errance dans l’absurdité. Il est au contraire d’autant plus nécessaire pour nos gouvernants de définir aujourd’hui un cap clair et de s’y tenir. C’est cela, avant tout, la lucidité et l’exercice du patriotisme.
Les discours politiques ne suffisent pas, et si ces derniers veulent vraiment le bien pour le pays, il leur faut s’engager aux côtés de la jeunesse et la mobiliser pour le changement, affronter les problèmes de cette Algérie malade sans langue de bois ni demi-mesure : «Chasse le diable de ton jardin, dit un proverbe turc, tu le retrouveras dans le jardin de ton fils». Autrement dit, si nos responsables tentent d’éviter ou de reporter sine die, comme ils ont coutume de le faire jusque-là, la résolution de l’équation inextricable de la crise actuelle, ils la donneront sans aucun doute en héritage aux générations suivantes, à nos enfants.
Or, multidimensionnelle, notre crise s’avère très compliquée et nécessite des diagnostics profonds et des remèdes d’urgence efficaces. D’autant qu’elle n’est pas fondamentalement politique ou économique comme on tend à le croire, mais surtout culturelle, c’est-à-dire, dans nos têtes, pardi ! C’est pourquoi cette génération de jeunes sans repères, réduite à se retrouver à la marge, contre elle-même, sans grande possibilité de parler ni de rêver, moins encore proposer ses choix à ces élites nombrilistes, ne pourra qu’éprouver un vide intérieur sidéral qui se transformera, le cas échéant, en ressentiment et en colère. La faire participer à la prise de décision, aux défis de la patrie, à son édification, à ses joies comme à ses larmes, est donc plus qu’indispensable, c’est ma foi vital.
Après des années de «réformettes» et de «contre-réformettes» des plus diverses à propos de tel ou tel secteur, telle ou telle crise, les Algériens se voient comme attachés à ce «zéro qui ne tourne pas en rond» pour reprendre l’expression de mon compatriote, l’écrivain Malek Haddad. C’est-à-dire, toujours dans la stagnation, sans aucune évolution notable ni horizon limpide. Les miens souffrent, souffrent beaucoup et chaque jour qui passe fait monter cette souffrance à son paroxysme. Il s’agit peut-être, aujourd’hui, pour nos élites aux manettes du grand navire de revenir à l’essentiel : qu’attendent les Algériens de leur pouvoir ?
Quel sens donner à ce mot «réforme», galvaudé partout mais ayant, semble-il, perdu toute sa portée ? Celle-ci, la réforme s’entend, doit-elle se concentrer exclusivement sur la gouvernance, l’administration, l’intelligentsia ? Ou bien, être aussi ce lieu de convergence, carrefour entre l’éducation, la citoyenneté, l’honnêteté et l’ouverture au progrès de la société ? Voilà pourquoi un grand débat national doit être lancé, lequel constituera la pierre angulaire d’une refonte globale de l’Etat.