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Pourquoi Bouteflika a désigné Ahmed Ouyahia Premier ministre ?

Remaniement

Pourquoi Bouteflika a désigné Ahmed Ouyahia Premier ministre ?

C’est la troisième fois qu’Ahmed Ouyahia est nommé à la chefferie du gouvernement; une fois par Liamine Zeroual et deux fois par le président Bouteflika. 

Si les spéculations sur l’état de santé du président se font insistantes, les dernières décisions en haut lieu ne laissent pas tout autant indifférent. Et la nomination d’Ouyahia laisse pantois. En effet, qu’est-ce qui a bien poussé le président Bouteflika à « redésigner » Ahmed Ouyahia Premier ministre après l’avoir limogé deux fois, d’abord en 2006 puis en septembre 2012 ? N’y a-t-il donc plus personne de nouveau pour diriger le 18e gouvernement Boufeflika en 18 ans ? Sans pouvoir donner de réponse précise, il est manifeste que quelque chose ne tourne pas rond en haut lieu. Ces changements à la pelle augurent de sérieuses lignes de fratures.

La rente s’épuisant, le vertige du désordre s’installe. Le limogeage brutal et précipité de Tebboune, voire toute cette affaire autour des attaques contre des hommes d’affaires et sa visite inopinée et « informelle » à Matignon, puis un improbable voyage dans un pays improbable qu’est la Moldavie semblent cacher autre chose que ce qu’on veut bien nous dire. Y aurait une volonté de brouiller le tableau de bord ? Ou s’agit-il là du résultat d’une dégradatiion de la santé du président disparu des écrans depuis plusieurs semaines et donc, la précipitation du calendrier, d’où cette fuite en avant ? Cela voudra-t-il dire qu’Ouyahia, homme du sérail, est chargé de préparer une présidentielle anticipée ? Ou tout simplement la suite logique d’une « guéguerre » perdue contre les « hommes d’affaires » ? Beaucoup de questions sur un système qui a perdu forme de transparence dans son centre de décision.

En vrai, on n’est plus dans la direction d’un pays, mais dans l’acharnement sur un corps malade. Des institutions fragilisées, un président malade et invisible, des décisions venues d’en haut, censées être officielles relayées par des canaux officieux, des ministres impuissants devant les magnats, un peuple qui n’a plus confiance ni espoir …

Le traitement chaotique et la montée en cadence, depuis un mois, des tirs de barrage contre l’ex-premier ministre laisse croire que les détenteurs du « pouvoir de l’argent » « voulaient sa peau » à tout prix. Souvenons-nous, alors que le pays affrontait les incendies et la crise se fait aiguë, Abdelmaldjid Tebboune réserve sa première sortie officielle à la grande mosquée d’Alger pour presser les Chinois de la terminer même en partie avant la fin 2017 pour permettre au président de l’inaugurer. Comme si c’était la question la plus capitale à traiter. Très vite, il est rattrapé par l’urgence des dossiers. il se déclare décidé à séparer le monde de l’argent de la politique. C’est son deuxième faux-pas, et c’est le frère du président qui le lui fait comprendre. Tebboune ne sera resté que 80 jours au palais du gouvernement, passant la moitié du temps à démentir les informations distillées ici et là. Il n’aura participé qu’à un seul conseil des ministres, le seul d’ailleurs de l’année 2017. C’est dire que le président est au minimum de sa forme contrairement à ce que distille régulièrement Ould Abbès dans ses messes médiatiques.

Ouyahia, comme une fatalité ?

Tout comme la nomination de Tebboune en mai dernier, personne ne s’attendait en effet au retour Ahmed Ouyahia. On l’avait même dit en froid avec le clan des Bouteflika avant son retour en mars 2014 comme chef du cabinet du président. Mais il est surtout connu pour être un serviteur zélé, un homme qui ne répugne pas à mettre les mains dans le cambouis et pour qui les arcanes du pouvoir ne sont pas de la science fiction. Mais qu’est-ce qui a bien présidé à ce retour précipité ? s’interroge la rue déjà bien en peine en cet été caniculaire. L’accélération de l’agenda présidentiel ? La crise économique ? L’inquiétude des capitales occidentales ? La montée en puissance des hommes d’affaires ?

Pour ceux qui le connaissent, Ouyahia n’est pas Abdelmadjid Tebboune. Ce dernier s’est laissé isoler en s’attaquant frontalement à la nomenklatura des affaires, sans réussir. Madré mais impopulaire, Ouyahia l’a fait avec succès par le passé en se débarrassant notamment d’Orascom en 2012, un groupe pourtant qui avait accès au président. Réussira-t-il a tenir tête au groupe qui tient le Forum des chefs d’entreprises, devenu un puissant lobby d’argent ? Homme des rouages rompu à la négociation et habitué à évoluer dans les capitales occidentales notamment, Ouyahia est manifestement cet homme qui pourrait rassurer Washington et Paris et le milieu d’affaires.

Pied-de-nez au FLN

Le limogeage comme la désignation d’un Premier ministre devrait se faire après consultation du parti majoritaire, autrement dit le PFLN. La constitution est claire sur le sujet. Dans son article 90 alinéa 5, la constitution est clair, le président « nomme le Premier ministre, la majorité parlementaire consultée, et met fin à ses fonctions ».

Le RND est arrivé deuxième aux dernières législatives, il n’est donc pas majoritaire. Si on était dans un fonctionnement normal des institutions, Ouyahia n’aurait pas été désigné Premier ministre. dans ce cas comme dans celui du limogeage de Tebboune, il est très peu probable qu’Ould Abbès ait été consulté. Dans cette affaire comme dans le reste, on sait que la Constitution n’a jamais été ce texte fondamental, intouchable et au-dessus du président.

Par ailleurs, il faut rappeler que même si les deux partis sont liés au pouvoir, il y a une ligne invisible entre le FLN et le RND. Ouyahia n’a jamais en réalité été dans les bonnes grâces des dirigeants du FLN. Et en dépit de leur appartenance à ce fameux groupe appelé un temps la « majorité présidentielle », on se souvient des amabilités qu’avait lancées Amar Saadani contre Ahmed Ouyahia. En cela, cette nomination est un coup de canife dans le dos de ce PFLN dont le président « d’honneur n’est autre que Bouteflika.

Auteur
Yacine K.

 




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