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Pourquoi la France garde le silence sur l’Algérie ?

TRIBUNE

Pourquoi la France garde le silence sur l’Algérie ?

Un militaire algérien qui reçoit un civil français. Voici l’image des institutions algériennes. Photo archives.

Les seules vérités qui vaillent pour de véritables altérités sont celles que nous taisons sur nous-mêmes. La France est-elle devenue un pays de silence et d’ombre ? 

Face aux évènements actuels en Algérie, le silence du président Macron, de l’ensemble de la classe politique et des intellectuels français est assourdissant. L’aphonie actuelle servirait-elle le devenir des relations franco-algériennes ? Sous-entend-t-elle un franc soutien aux institutions des tyrans passés, et actuels ? 

Dans les années 90, fidèle à ses prédécesseurs, Jacques Chirac a martelé que la France a toujours été et restera l’avocate de « l’Algérie » auprès des institutions financières internationales. Aujourd’hui, « c’est l’Algérie qui décide de son avenir » dites-vous, Monsieur J.Y. Le Drian. De quelle Algérie parlez-vous ? De l’Algérie des oligarques actuels vide de projets et de perspectives ou de l’Algérie d’un peuple qui nourrit l’espoir  d’un État de droit ?

Le Quai d’Orsay feint-il toujours de ne voir là qu’une coquille vide ayant dévoré son peuple ? Sartre finira-t-il par convaincre nos intellectuels à changer de lunettes pour voir dans la dissidence des Algériens un événement fondateur dévêtu de tout héritage de musée, en rupture radicale avec la logique du système ? L’affligeante équation se résume en ceci : La France coloniale a combattu un peuple sans nation et a ensuite contracté sans le peuple avec une nation hors-sol. 

Le peuple algérien a compris que tout est question de regard, et une vision éminemment politique qui ne peut pas relever de l’arbitraire de quelques chefs. Elle relève d’un combat de soi contre soi à distance de l’État actuel. Se dépasser en luttant contre soi n’est pas chose aisée, n’est ce pas M. François Hollande ? On a attendu de vous que vous mettiez fin, à l’instar d’un Mandela, au sempiternel transfert toujours imposé au fil des générations, d’une histoire qui n’est pas la leur.

Vos louanges à un malade en déliquescence intellectuelle  me reste encore en travers de la gorge comme à celle de tout un peuple à qui vous avez implicitement dit qu’il a les gardiens du temple qu’il mérite. Hisser l’ex-autre au rang de l’autre à part entière est une question de regards mutuels qu’il serait urgent de laver des héritages des temps révolus et anachroniques face aux impératifs de la géopolitique du monde à venir. Sinon comment expliquer nos pulsions à aller guerroyer à des milliers de kilomètres dans des contrées où les dés de gros intérêts économiques sont jetés depuis des lustres alors qu’un potentiel inépuisable d’intérêts mutuels est à une heure de vol de la rive sud ?

La situation politique et économique de la France et de l’Algérie nécessite l’émergence d’hommes d’exception de part et d’autre, des hommes qui auraient  le courage politique et l’alacrité intellectuelle de faire outre des blessures de guerre pour bâtir de véritables passerelles d’amitiés et de coopérations limpides dans l’intérêt des deux peuples et non celui des banques et groupes occultes. 

Qu’attendez-vous Messieurs, pour prendre une position claire, à la hauteur des lumières du peuple de France, aux côtés d’un peuple martyrisé, opprimé dans son droit irréductible à jouir de son indépendance et à fonder une Nation à son image, ouverte aux réels rapprochements politiques et aux partages des mêmes horizons  pour venir à bout de l’ancien régime en Algérie ?

Je sais que vous allez brandir l’étendard de l’ingérence ! Mais l’ingérence a-t-elle une signification dans un monde aussi imbriqué que le nôtre ? L’Algérie ayant été, comme département français, partie intégrante du territoire de la France, sa décolonisation a été confondue avec l’indépendance du peuple. Il fut beaucoup plus acceptable pour la France de céder une colonie que de céder une partie de son territoire, ce qui confère sa consanguinité à l’inconscient collectif du Père donateur et du Fils acquéreur. Ce dernier a compris, dès son parachutage aux commandes, que sa survie est inhérente à celle du Père.

Toute altérité restera brouillée et tout dialogue impossible si l’on ne vient pas à bout de cette logique. Si l’on considère que le Père a reconnu sa faute en 1962 après 132 ans d’abus en paraphant son indépendance au peuple algérien, 57 ans après, le Fils ne l’a jamais rendu en main propre. Dans ces conditions, il va du devoir de la France d’exiger du Fils qu’il restitue au peuple algérien son indépendance et lui accorde son droit à l’autodétermination.

(*) Ouahcene Yahiaoui est enseignant à Paris

Auteur
Ouahcene Yahiaoui (*)

 




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