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Pourquoi l’accord de l’OPEP+, devenu possible, restera insuffisant    

DECRYPTAGE

Pourquoi l’accord de l’OPEP+, devenu possible, restera insuffisant    

D’emblée il faut signaler qu’en dépit des mauvaises nouvelles qui viennent ici et là pour des raisons tendancieuses que ses initiateurs considèrent utiles pour créer un déclic chez une population difficile à confiner pour limiter la propagation du coronavirus, les spécialistes économiques quant à eux observent du moins ce que rapporte l’agence Reuters que les Bourses européennes ont terminé en hausse ce mardi et Wall Street grimpe nettement à mi-séance alors que la pandémie de coronavirus semble donner quelques signes de faiblesse.

À Paris, le CAC40 a pris 4,61% à 4.346,14 points, sa plus forte progression journalière depuis le 24 mars. Le Footsie britannique a gagné 3,1% et le Dax allemand s’est octroyé 5,77%. L’indice  EuroStoxx de 50  a avancé de 5,17%,  le FTSE Euro First 300 de 3,64% et le Stoxx600 de 3,75%.Au moment de la clôture européenne, les trois indices phares de Wall Street gagnaient environ 5%.Les valeurs sont aussi en hausse y compris le dollar qui a gagné 0,54 % face au yen.

1 Qu’en est-il pour le pétrole ? 

Les cours du brut sont orientés à la baisse après le report à jeudi d’une réunion de l’OPEP et de ses alliés susceptible de déboucher sur une réduction sans précédent de l’offre mondiale afin de soutenir le marché. D’après le président du Fonds souverain russe, la Russie et l’Arabie saoudite, qui se livrent depuis plusieurs semaines une guerre des prix, sont « très, très proches » d’un accord. Pourquoi ? Parce que la Russie à atteint son objectif, celui de mettre a genoux les producteurs  de schiste américains et faire plier Trump et le congrès américain pour lever les sanctions contre elle. Ainsi, après leur réunion le vendredi dernier avec les producteurs de pétrole notamment du schiste américain qui lui ont recommandé de procéder à une manœuvre agressive contre l’Arabie Saoudite et la Russie pour les obliger de réduire leur production  afin de soutenir les prix du brut qui les ont mis en difficultés. Ils ont même refait appel à Rick Perry, le fameux secrétaire à l’énergie qui a récemment quitter l’équipe de Trump.

De par sa position offensive, les producteurs américains lui préconisent de commencer par un blocage des expéditions de brut saoudien vers les grandes raffineries du Nord. « L’idée qui gagne le plus de succès est de cibler Motiva », la plus grande raffinerie d’Amérique du Nord, a déclaré un cadre d’un producteur de schiste, rapporté par New York Times.  En fonction des résultats obtenus par  ce premier moyen de pression sur le royaume, les compagnies proposent carrément de suspendre l’aide militaire américaine à l’Arabie saoudite et d’imposer de nouvelles sanctions à l’énergie russe ou de lever celles existantes si le Kremlin coopère. Les États-Unis ont récemment imposé des sanctions à une unité commerciale de Rosneft, la société russe d’énergie contrôlée par l’État.

Le 3 avril, tard dans la soirée, on apprend par une dépêche de « RT France » que Donald Trump « était prêt à tout pour sauver l’industrie pétrolière américaine ». «Si Rosneft Trading n’a rien à voir avec le Venezuela, alors les sanctions qui sont basées sur sa conduite au Venezuela ou à l’égard du Venezuela devraient être levées», a déclaré le 2 avril, en conférence de presse, le représentant spécial des Etats-Unis pour le Venezuela, Elliott Abrams.

Un «deuxième responsable américain» cité par l’agence Reuters et parlant sous couvert d’anonymat a ajouté que la levée des sanctions pourrait être étendue à TNK Trading, autre filiale de Rosneft basée à Genève. Washington a en effet sanctionné entre février et mars ces deux entreprises du groupe Rosneft contrôlées par le gouvernement russe, mais dont une filiale de British Petroleum et un fond d’investissement qatari détiennent respectivement 19,75% et 18,93% du capital.

2 – L’Arabie saoudite par contre n’a subi que des pertes pour son entêtement

Après l’échec des négociations avec la Russie, l’Arabie saoudite a répondu très rapidement. Dès la semaine suivante, le royaume a abaissé fortement ses prix à l’export. Il a ensuite accélérer ses cadences de production: la semaine dernière, il a pompé plus de 12 millions de barils par jour, selon l’agence Reuters. Du jamais vu dans le pays. Dans le même temps, il a porté ses exportations de brut à un niveau record. En accentuant la chute des cours, Riyad espère convaincre Moscou de revoir sa position. Objectif: sauver l’OPEP+, qui dispose d’un pouvoir plus élevé sur la variation des prix du brut que l’OPEP seule. Sur le long terme, cela doit permettre de faire remonter les prix, et donc de regagner ce qui sera perdu à court terme.

La stratégie saoudienne n’était pas  sans risque. Même à 20 dollars le baril, l’Arabie saoudite ne perd, certes, pas d’argent: la production d’un baril ne lui coûte que 2,80 dollars. Mais le régime a aussi besoin d’un baril à plus de 80 dollars pour équilibrer son budget. Et pour mener ses ambitieux plans de diversification de l’économie. Aujourd’hui, par cette attitude le royaume s’est tiré comme en 2014, une balle dans le pied en accentuant le déséquilibre externe de son économie par un faible attrait des investissements et une dette publique qui a explosé. 

3- Le gâchis de cette guerre ne pourra servir de rempart d’un « creux à un chiffre »

Les analystes de Fitch Solutions, agence crédible, ont déclaré qu’une baisse de la demande et une augmentation de l’offre pourraient entraîner un excédent de pétrole de plus de 20 millions de barils par jour. Cela mettrait le marché du pétrole sous une « pression physique extrême », ont-ils écrit dans le rapport publié avant le report de la réunion de l’OPEP+.

«S’il est peu probable que la capacité nominale de stockage soit dépassée, il est possible que l’ampleur même de l’offre excédentaire submerge les chaînes logistiques mondiales, plongeant le Brent dans des creux à un chiffre », ont ajouté les analystes.

On peut en déduire que les réductions de l’OPEP+ dans la fourchette annoncée par Trump de 10 à 15 millions de baril par jour pourraient servir de garde fou pour ne pas franchir ce creux mais garderont les prix confinés dans un yoyo de 30-35 dollars le baril ce qui ne réglera ni les problèmes des producteurs de schiste et encore moins celui des producteurs de l’OPEP + dont les économies restent fortement dépendantes des recettes pétrolières comme le Venezuela, l’Algérie, l’Angola le Nigeria, l’Irak et la Libye pour ne citer que ceux là. Pourquoi ? Parce qu’une offre sera toujours excédentaire et l’usine chinoise qui progresse doucement dans son démarrage aura d’ abord à utiliser un stock accumulé durant la crise de la pandémie estimé à plus 900 millions de barils.

R. R.

Auteur
Rabah Reghis

 




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