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Pourquoi l’arbitrage de l’armée est juste mais tardif !

DECRYPTAGE

Pourquoi l’arbitrage de l’armée est juste mais tardif !

Le président Bouteflika est inapte à gouverner depuis avril 2013.

Il est juste parce c’est la vérité à laquelle les ailes au pouvoir sont restés aveugles voilà depuis le quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika qui était lui-même de trop. Pour rappel, le président souffre des séquelles d’un AVC depuis avril 2013.

Il est en retard parce qu’il y a péril en la demeure lorsque le peuple s’est rendu compte qu’il était réellement géré par des forces occultes qui ont osé le défier voire l’humilier dans le monde en tentant de lui imposer par procuration pour une cinquième fois un candidat sur une chaise roulante qui avoue lui-même : «Je n’ai jamais eu cette intention de me présenter candidat à la présidentielle ».

Depuis, les choses ont évolué, le peuple a décidé de prendre en main sa destinée et Bouteflika n’est plus la seule variable dans son équation mais tout l’ordre établi dans son ensemble pour refonder à sa manière une deuxième république en partant, s’il faudrait d’une autre passation du pouvoir à un nouveau Gouvernement provisoire de République algérienne (GPRA).

En termes simples, il a recouvré sa souveraineté et son pouvoir pour les déléguer à un nouveau régime en faisant partir ceux qui ont échoué de le fonder depuis plus d’un demi- siècle. Ce que propose l’armée n’a rien de nouveau  à ce qu’ont offert les lettres de Bouteflika jusqu’à présent, à l’exception d’une sortie humiliante pour un homme malade à qui la rue a réservé de plus honorable dès le début. Mais les pôles qui partagent son pouvoir se sont entêtés à le pousser vers cette sortie par la petite porte par lâcheté en tentant de se recycler à l’autre barrière.

En effet, l’application de la constitution dans l’esprit et la lettre n’est plus suffisante pour éteindre le feu dans la maison parce qu’elle inclut dans l’équation ceux que le « Hashtag Rouhou Gâa » ne voudra pas les prendre en charge.

Dans la déclaration d’Ahmed Gaïd Salah mardi 26 mars à Ouargla, il a qualifié l’article 102 comme la solution appropriée qui arrange toutes « les divisions » ou « parties ».

De quelles parties parle-t-on ? Surtout que le peuple récupère son pouvoir et sa souveraineté légitimes et qui ne veut plus la déléguer jusqu’à assainir la situation. Il n’a rien à négocier et ne reconnaît aucun pouvoir que le sien après un constat décevant qu’il vient juste de diagnostiquer.

L’application de cet article 102 dans son premier alinéa, c’est-à-dire un empêchement de Bouteflika de poursuivre ses fonctions normalement, n’est plus un constat. Il ne nécessite même plus une réunion du conseil constitutionnel pour la simple raison que le concerné lui-même s’est reconnu inapte.

Lorsque le peuple dit que dans ce cas il ne faut pas suivre la constitution à la lettre, il ne juge pas la loi mais un cas déterminé qui se présente et il est exceptionnel. Lorsque aussi  plus des ¾ du corps électoral crient dans la rue, on est plus dans un cas normal. Or si on applique cette article 102 de la constitution à la lettre, la transition sera conduite par le haut pour reproduire le même ordre établi. Auquel cas, on n’aura pas réglé une crise qui traîne en Algérie depuis l’été 1962 lorsqu’on a tripoté un torchon de constitution pour confisquer la légitimité populaire par une minorité qui ont fait leur beurre depuis.

Encore une fois l’application de l’article 102 à la lettre est une reconduction du système en vigueur et qui rend toutes ces protestations populaires vaines.

Il faut préciser par ailleurs que ce n’est pas les Etats contemporains qui ont inventé la démocratie mais elle date de plus 5000 ans. Ce fût Athènes qui est la première à consentir au partage du pouvoir. Cette société qu’on qualifie d’antique a réussi à régler les problèmes de la société  dans lesquels les démocraties les plus mûres aujourd’hui n’y arrivent pas : l’alternance au pouvoir, le chômage, la surconsommation les Fake news etc. Pourquoi ? Parce que dès que le pouvoir délégable s’exprime, la démocratie se soumet et met en veilleuse toutes ses règles d’airain. Ce n’est pas le cas des démocraties d’aujourd’hui basées sur les manœuvres et les coups bas pour sortir d’une crise qu’elles appellent « la stratégie ».

Ce n’est donc pas une nécessité absolue de suivre la constitution algérienne à la lettre dans la procédure, les délais etc, mais prendre tout le temps nécessaire pour procéder une transition par le bas en commençant par désigner un présidium de personnalités crédibles reconnues en tant que telles par la société.

Elles auront de leur côté à mettre en place une constituante en rentrant dans l’Algérie profonde  dans un délai raisonnablement prédéfini d’avance et consensuel. La gestion courante du pays pourrait être confiée à des technocrates qui ne manquent pas en Algérie.

Sans cette option ou une autre similaire, tous les efforts entrepris pour les générations futures par une population meurtrie et humiliée auront été vains.

Rappelons que l’organisation, la discipline, la continuité et surtout la détermination du peuple algérien ont été saluées par le monde entier. Mardi le 26 mars, le prestigieux journal américain le New York Times titrait en première page une manchette « It’s time to break the chains’ ». Ceci dit cet arbitrage que l’armée vient de prononcer « s’il se réalise », est un grand pas, mais reste dans sa mise en œuvre très loin des aspirations populaires pour peu qu’il soit sincère.

Auteur
Rabah Reghis

 




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