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Pourquoi le Premier ministre Ouyahia ne maîtrise-t-il pas le dossier du Cemoc ?

Débat

Pourquoi le Premier ministre Ouyahia ne maîtrise-t-il pas le dossier du Cemoc ?

Le cinquième sommet entre l’Union africaine et l’Union européenne (UA-UE) a eu lieu les 29 et 30 novembre 2017 à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Ce sommet UA-UE a réuni les dirigeants européens et africains, afin qu’ils délimitent les orientations futures de la coopération entre les deux continents, en présentant les priorités communes pour le partenariat UA-UE dans quatre domaines stratégiques: perspectives économiques pour les jeunes, paix et sécurité, mobilité et migration, coopération sur la gouvernance. Pour discréditer la diplomatie algérienne, le régime politique a fait appel au Premier ministre Ouyahia pour participer à ce sommet.

Dans le cadre des travaux de ce 5e sommet, le Premier ministre algérien a indiqué, le jeudi 30 novembre 2017, à Abidjan, que «l’Algérie a octroyé plus de 100 millions de dollars pour aider cinq pays de la sous-région du Sahel à lutter contre le terrorisme ». Une somme mirobolante mise en jeu par le régime pour sa survie. Il a relevé également que « l’implication solidaire de l’Algérie dans la lutte antiterroriste, dans la sous-région sahélienne, est organisée depuis plus de 10 ans à travers le Comité d’état-major opérationnel des armées (Cémoc) et d’autres mécanismes de coopération ». Des déclarations dont l’imprévisibilité et la sottise servent les intérêts du régime politique. Des dépenses effrénées pour quel succès ?

A l’instar du ministre des affaires étrangères Abdelakder Messahel, le premier ministre s’aventure imprudemment dans des répétitions et concocte un mélange aberrant de propagande et d’affirmation contraire à la réalité. Une partie de la population algérienne observe avec sidération l’aptitude d’Ahmed Ouyahia à rendre tiède même la meilleure des notions du droit international. Ce premier ministre est-il finalement capable d’opérer une synthèse diplomatique ?

Dans le même temps, M. Ouyahia a souligné « à titre comparatif et sans polémique aucune » que l’UE a annoncé une aide de 50 millions de dollars pour la force G5 Afrique, relevant que cette aide provient de 28 pays de l’UE « sans être sûr si elle est débloquée ou non ». La comparaison est constamment un exercice risqué. Cette comparaison est nulle et n’a aucun sens : le premier ministre n’hésite pas à comparer le pays à l’UE. Cette comparaison donne l’impression de concourir à un caprice gratuit. Le parallèle qu’établit le premier ministre Ouyahia mérite d’être étudié.

Le CEMOC : quelle stratégie pour quel résultat ?

Il est important de rappeler qu’au moment de la création du Cemoc en 2010, Ahmed Ouyahia a été reconduit en qualité de Premier ministre, au lendemain de l’élection présidentielle du 7 avril 2009 au 3 septembre 2012.

Si initialement, le Cemoc tant vanté par le Premier ministre avait pour but de résoudre les difficultés qui entravent la sécurité de la région, on ne peut nier que plusieurs analystes politiques se posent la question sur le résultat de cette structure militaire. Les perspectives sont multiples et la sécurité demeure une priorité pour la population. Le régime politique algérien refuse de transcender le légalisme des textes internationaux pour s’attacher à la réalité.

Si l’Algérie a dépensé sur sept ou huit ans, plus de 100 millions de dollars d’aide à cinq pays (Tchad, Mali, Niger, Mauritanie, Libye) de la sous-région du Sahel pour former une dizaine de compagnies de forces spéciales et leur donner d’énormes équipements, la France (membre de l’UE),est en première ligne dans cette intervention au Mali. L’armée française rédige depuis 2013 permet le maintien sécuritaire de la région. Actuellement près de 3000 militaires sont déployés, dans le cadre de l’opération Barkhane. Sans ce déploiement nombre de pays de la sous-région aurait sombré dans le chaos.

Pour ne citer que quelques chiffres : en 2012 le coût des opérations extérieures (OPEX) de la France s’est chiffré à 870 millions d’euros, contre 1, 2 milliard en 2011. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoyait une dépense de 630 millions (avant l’intervention au Mali). Cette fallacieuse comparaison qui émane d’un ancien ‘’diplomate spécialiste de l’Afrique ‘’ n’est pas surprenante, car le régime politique prône l’égalité de la médiocrité au sein du gouvernement.

Cependant, que faut-il penser du rapport intitulé « Force du G5 Sahel : trouver sa place dans l’embouteillage sécuritaire » publié par le centre de recherches ‘’International Crisis Group ‘’, le 12 Décembre 2017 ? Qu’apporte ce rapport aux pays de la région ? Il est utile d’analyser la portée du rapport et ses conséquences possibles.

Le rapport mentionne que, le Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc) mené par l’Algérie ‘’n’a jamais vraiment décollé’’. À cause de l’atonie volontaire du régime politique algérien, ce dernier s’est montré incapable d’équilibrer ses relations avec l’Afrique, alors que l’Algérie y a de nombreux intérêts. Faut-il rappeler qu’en 18 ans de règne, le président Bouteflika n’a fait aucune visite d’Etat dans les pays africains ? Concernant les mesures prises par certains Etats africains pour combattre le terrorisme et prendre en charge le rapatriement des migrants clandestins, le premier ministre Ouyahia ‘’a salué cette initiative, tout en espérant que ce ne sera pas une opération ponctuelle.’’

En attendant, le premier ministre Ouyahia peut-il évoquer une quelconque opération menée par le Cemoc fusse-t-elle ponctuelle ?

Sept ans après sa création, qu’a-t-il accompli le Cemoc ? Un comité vidé de son contenu qui est maintenu et qui immobilise les capacités de lutte contre le terrorisme. Ce comité d’Etat-major brille par l’absence d’opérations claires sur le terrain. Et de fil en aiguille, Le manque de crédibilité et d’efficacité de la diplomatie algérienne ajoute à cette incapacité de l’Algérie à influer sur la sous-région.

Pour le moment, le régime politique algérien privilégie le processus de Nouakchott rassemblant onze Etats du bassin du lac Tchad, du Maghreb et d’Afrique de l’Ouest et ainsi estimé plus ‘’inclusif ‘’. À défaut d’une alliance entre les pays de l’espace sahélien, la poursuite d’une meilleure cohérence régionale ‘’débouchera paradoxalement sur de nouvelles divisions entre voisins.’’ Selon le même rapport, le régime politique algérien est inquiet par l’effet négatif ou positif des actions du G5 Sahel sur la mise en application de l’Accord de Bamako de 2015.

Conclusion

Parmi les dossiers qui attendent la diplomatie algérienne en 2018 : la tenue prévue d’élections présidentielles dans le courant de l’année 2018 au Mali et l’état d’avancement du projet de création du Centre sahélo-saharien de lutte contre le terrorisme et de la criminalité organisée de la Communauté des Etats Sahélo-Sahariens (potentiel concurrent du Centre Africain d’Etudes et de Recherches sur le Terrorisme, basé à Alger). Deux chantiers que le régime politique algérien estime prioritaires lors de la nouvelle année. Cependant, le premier ministre saura-t-il mettre en œuvre ses convictions politiques professées lors de sa participation au 5e sommet UE-UA ?

Par rapport au chemin sillonné depuis le remaniement gouvernemental d’août 2017, il est permis d’être pessimiste en l’avenir. Cette analyse diplomatique peut-elle être contredite par le premier ministre et son ministre Messahel ? La lecture de rapports diplomatiques de think-tank par le ministre Messahel serait la meilleure résolution pour réussir l’année 2018 ?

Auteur
Mohamed-Salah Benteboula, géographe

 




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