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Pourquoi Total reste une société « très » française

DECRYPTAGE

Pourquoi Total reste une société « très » française

Selon toute vraisemblance, les médias français se sont rangés du côté de leur mastodonte et tout porte à croire que la plupart d’entre eux ont du mal à « gober » que certaines analystes l’accusent de faire de la politique.

Ces médias pensent si l’on se réfère au commentateur de France info que les Algériens à court d’arguments pour expliquer l’impasse dans laquelle se trouve actuellement l’issue de leur crise, imputent à la France des manœuvres pour s’y inviter. Ces médias font certainement allusion au propos du général-major de l’armée, vice-ministre de la Défense nationale Ahmed Gaïd Salah qui, dans ses différents discours notamment celui du 30 mars, a évoqué « des réunions suspectes tenues clandestinement pour comploter contre les revendications du peuple et adopter des pseudo-solutions en dehors du cadre de la constitution afin d’entraver les démarches de l’Armée Nationale Populaire et ses propositions de sortie à la crise et, partant, exacerber la situation et la rendre plus compliquée ».

A cette fameuse réunion du 30 mars justement, la presse a parlé de la présence d’un membre important du lobby français et d’un voyage qu’auraient effectué Saïd Bouteflika et Mohamed Lamine Médiene dit Toufik à l’Elysée. On a parlé aussi de la présence de Mohamed Chafik Mesbah, ancien officier de la DRS et actuellement homme d’affaires, vivant en France. Il se trouve justement que ce ne sont pas les Algériens qui sont à l’origine des déclarations, que la société Total fait de la politique mais c’est son PDG, Patrick Pouyanné lui-même qui l’a confirmé dès son installation après le mort accidentelle « suspecte et mystérieuse » dit-on de Christophe de Margerie  lors d’un crash en octobre 2014.

En effet, lors de sa rencontre à peine un mois après, soit en novembre 2014 avec Vladimir Poutine, il déclarait : «Même si Total est une société privée, mais c’est la plus grande entreprise française et elle représente d’une certaine manière le pays lui-même ». En promettant de faire « tout son possible » pour contribuer à améliorer les relations entre les deux pays au plus bas en raison de la crise en Ukraine. » 

Quelques mois après, lors de l’assemblée Nationale Constituante (ANC) tunisienne, précisément à l’occasion des débats sur la souveraineté des ressources naturelles, Total récidivait. Du fait que l’article 13 de cette constitution attribue la propriété de  ces ressources naturelles au peuple, il était logique dans la première version soumise au débat que les contrats et les conventions y afférents devaient être d’abord « soumis à la ratification de l’assemblée nationale à la majorité absolue de ses membres et sont impérativement rendus publics ».

Plusieurs députés avaient confié à la presse que des compagnies pétrolières dont la société Total serait le chef de file avaient manifesté leur mécontentement. « Il fut donc proposé que seule la commission spécialisée du corps législatif ait accès aux contrats ».

Enfin, pour nous limiter qu’à ces exemples, le 10 février 2019 lors du grand jury RTL, le Figaro et LCI, Patrick Pouyanné qui était attendu par l’audimat français sur l’évolution des prix du baril et, partant celui de des carburants à la pompe, s’est mis à donner son avis sur les réformes que le président Macron comptait entreprendre en les jugeant « courageuses » mais insuffisantes «pour entraîner les autres» Il a estimé cette offensive économique macronienne comme trop exagérée, ne créant pas assez de confiance. Pour le patron de Total, il y a trop de lois fiscales qui découragent l’investisseur qui, lui, cherche plutôt la stabilité. Durant ce round de questions/réponses aucun exposé sur l’industrie pétrolière et gazière, la transition énergétique, ou d’autres sujets annexes au métier de base de cette société n’a été fait. 

1- Même son retour en force en Afrique est lié à la stratégie française 2040

Avec l’acquisition des actifs d’Anadarko, écrit la journaliste Eléonore Hughes, le 5 juin dernier « Total confirme son ancrage sur le continent africain. En plus de sa présence historique dans les anciennes colonies françaises et dans des pays comme le Nigeria et l’Angola, le groupe se lance désormais sur de nouveaux terrains de chasse comme l’Ouganda, l’Afrique du Sud ou le Mozambique. Les multinationales entendent bien continuer à exploiter de nouveaux gisements de pétrole et de gaz, et l’Afrique et son environnement restent une cible privilégiée pour leurs projets destructeurs, destinés à alimenter les marchés des pays riches. Ses habitants n’ont malheureusement pas fini d’en faire les frais. »  

Par cette transaction en Algérie, elle cherche à assurer une influence politique par une diversification de son portefeuille d’activité. Nous rappelons pour la circonstance qu’en 2018 elle a conclu un accord pour le développement du champ de Tin Foué Tabenkort (TFT) où elle détient 49%  avec une assurance d’une commercialisation conjointe du gaz produit à partir de 2021. Elle contrôle déjà 35% du condensat dans le même champ.

Après une conciliation fortement lobbyiste, elle vient d’occuper une place importante dans le pôle oranais dans la production des lubrifiants et la création toute récente d’une joint-venture avec Sonatrach dans le domaine de la pétrochimie, le steam cracking. Elle est aussi présente dans le champ du gaz de  Timimoune avec 38% des parts. Elle a acquis l’année dernière 12,25% des actifs de Maersk Oil dans la région d’Ourhoud qui viennent s’ajouter au GNL une année avant des parts d’Engie et cela certainement ne s’arrêtera pas là.

La Chine, la Russie, l’Ukraine l’Allemagne, l’Argentine concurrencent la France dans d’autres produits, notamment le blé, les hydrocarbures étant la seule ressource qui permettent de payer ses importations, la France par le biais de Total vise évidemment à s’en accaparer pour mettre fin à son casse tête économique d’aujourd’hui. Par contre, ailleurs en Afrique, elle rafle le GNL pour son stockage dans le cadre de la transition énergétique 2040 initiée par l’ancien ministre de l’Ecologie Nicolas Hulot, échéance durant laquelle aucune voiture française ne roulera au diesel mais le tout  éclectique à partir d’une transformation thermique du gaz que Total compte stocker.

2- Pourtant Total n’est qu’à un peu plus de 28% françaises seulement…

«Notre nationalité existe. Nous sommes la seule major non anglo-saxonne. La France est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Et notre activité de gaz et de pétrole est vue par les pays producteurs comme un domaine de souveraineté. Total participe aux relations qu’entretient la France avec ces pays tout en bénéficiant de celles-ci », se réjouit Patrick Pouyanné. Total se comporte en France dira le chercheur Alain Deneault « comme un gouvernement bis » bien qu’elle soit dirigée par un actionnariat international pour lequel cette France n’est qu’un espace parmi tant d’autres. Cependant, si elle est généreuse dans les dividendes qu’elle distribue à ses actionnaires dans le monde lorsqu’il s’agit des contrats en Afrique, c’est à l’Elysée que cela se passe.  

Auteur
Rabah Reghis

 




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