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Pourquoi veut-on à tout prix couronner de succès la visite de Macron ?                                                                              

En soubassement, le contrat Sonatrach-Total

Pourquoi veut-on à tout prix couronner de succès la visite de Macron ?                                                                              

La loi n’a d’effet rétroactif que lorsque le législateur le prononce expressément dans celle qui la suit et y est en vigueur. Or  la loi 05-7 du 28 avril 2005 relative aux hydrocarbures stipule dans son article 101 que « les contrats d’association conclus avant la date de publication de la présente loi, ainsi que les avenants auxdits contrats conclus avant la date de publication de la présente loi, demeurent en vigueur jusqu’à la date de leur expiration. L’autonomie de la volonté des parties au contrat d’association est préservée par la présente loi ».

La Sonatrach et Alnaft disposaient de 90 jours qui suivent la création de cette dernière pour régulariser leur situation aux nouvelles dispositions  réglementaires (article 102). Il est donc déconcertant de voir des manchettes de journaux notamment nationaux lier la signature d’un contrat entre le groupe Total, Sonatrach et l’Espagnole Cepsa à la dernière visite à la dérobée  du président français Emmanuel Macron en Algérie.  

Qu’en est-il dans les faits ?

Le contrat entre Sonatrach, Total et Cepsa est signé en 2002 dans le cadre d’une Production Sharing Contract (PSC) de recherche gazière des blocs 325 et 329 situes dans le champ gazier de Timimoune plus précisément dans les gisements environnants dont Barouda et Hassi Yakour. Il s’agit en termes simples d’un partage de production à la tête de puits dans les proportions de 51% pour Sonatrach, 37,75% pour la française Total et 11,75% pour l’espagnole Cepsa. Si la presse ajoute aujourd’hui Alnaft, agence qui existe depuis 2005, et qui devait régulariser sa situation voilà près de 12 ans, ce n’est pas nouveau. Mais l’Algérie étant un pays gazier, vendant en volume plus de gaz que de pétrole, a toujours inclus dans ses contrats avec ses partenaires une clause dite « gaz » qui confie à Sonatrach la commercialisation du gaz produit. Pourquoi ? Pour qu’ils ne la concurrencent pas sur son marché, et en la matière pourvu que chacun trouve son compte.

Cet accord devait selon les engagements contractuels de chacun des partenaires rentrer en production en 2008. Il a été repoussé en 2010, date durant laquelle, l’agence Alnaft avait approuvé le profil de développement. C’est pour cela que sa signature aujourd’hui paraît déroutante à moins qu’on ait transformé cet accord en concession ce qui résultera d’une perte sèche pour le mastodonte national qui se contentera d’une simple fiscalité au lieu d’un partage à la tête du puits.

Les premières quantités de gaz devaient sortir en 2016, elles ont été repoussées en 2017 maintenant en 2018 et il n’est pas extraordinaire qu’après le passage de la fièvre de cette visite de Macron, cette date sera décalée sine die. Pourquoi ? Il y a eu moins de la moitié des puits qui ont été forés  soit 19 sur 37 prévus depuis  le début d’exploration en 2003. Ce champ devrait produire 1,8 milliard de m3 par an et représente un investissement de près de 1,5 milliard de dollars. Il prévoit la construction d’unités de traitement de gaz  confiée au groupe sud coréen Samsung Engineering pour un montant de 800 millions de dollars, en projet depuis 2014. Ce qui est curieux dans cette affaire et étant donné les montants engagés du moins dérisoires pour une entreprise de la taille de Sonatrach, pourquoi cette association ?

Pour rappel, Sonatrach est censée disposer d’une expérience avérée dans la recherche, l’exploration, l’exploitation, la liquéfaction et  surtout la commercialisation du gaz. Elle a construit en 1964 la première usine de liquéfaction dans le monde la Camel dédié au pôle gazier de l’Oranais. Elle maitrise les quatre procédés de liquéfaction. Que ramène de nouveau Total ou Cepsa sinon beaucoup moins de 500 millions de dollars ? Donc un coup de pub pour qui ? Uniquement pour mentir à soi-même.

Auteur
Rabah Reghis, Consultant et économiste pétrolier

 




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