Voulue comme un moment de ferveur politique empreint de solennité, la conférence de presse animée par le président de l’Anie pour annoncer les noms des candidats devant participer à la présidentielle du 7 septembre prochain a viré au burlesque, à un mauvais vaudeville.
Un premier camouflet
Quelle médiocrité ! Mohamed Charfi a mangé sa cravate hier devant un parterre de journalistes. Le mauvais film orchestré par le président de l’ANIE dans lequel l’improvisation le dispute à la mauvaise foi a obligé la très zélée Entv à interrompre le direct pour éviter de montrer le désordre et la confusion constatés lors de la rencontre avec la presse. D’ailleurs, le raout s’est terminé avant terme et sans la traditionnelle séance de questions réponses.
Une fin en queue de poisson qui vient écourter le malaise suscité par l’attitude d’un Mohamed Charfi visiblement contrarié par les chiffres concernant le décompte des formulaires contenus dans les dossiers de Belkacem Sahli qu’il trouve approximatifs et non réalistes. Avec cette conférence de presse, nous creusons encore danscles bas-fonds de l’incompétence.
« Karitha ! » avoue Charfi
Quelle honte ! Retenant difficilement sa colère, il s’exclama du haut de son pupitre face au micro ouvert et devant un parterre de journalistes et d’invités éberlués : « Karitha », c’est une catastrophe ». Cette expression de contrariété est lancée à l’oreille de l’un de ses collaborateurs venu lui apporter des précisions qui, ostensiblement, ne le satisfont pas. Voilà qui augure l’entourloupe.
La même scène ubuesque se répétera, en passant au dossier de Saïda Neghza. Bref, des couacs de communication à la pelle et un sacré désordre qui a, encore une fois, écorné l’image d’une institution qui souffre deja d’un sacré déficit de crédibilité depuis sa création.
En tout cas, le mauvais casting constaté jeudi dernier au siège de l’autorité nationale indépendante des élections contredit le discours triomphaliste de son président louant « la transparence et le professionnalisme », de son institution, vertus qui, selon lui, ont prévalu lors du traitement des dossiers des 16 prétendants à l’élection présidentielle.
Soupçons de fraude à l’ANIE !
Une certaine confusion règne au lendemain du verdict de l’ANIE adoubant trois dossiers de candidature et le rejet de 13 autres pour non conformité avec la loi.
Un verdict auquel réagira de façon véhémente, Saïda Neghza après le rejet de son dossier
Dans une vidéo postée sur sa page Facebook, la femme d’affaires a porté de lourdes accusations contre l’autorité électorale indépendante qu’elle accuse sans ambages de fraude.
Saïda Naghza a déclaré qu’elle ne garderait pas le silence sur son droit et qu’elle ferait appel de la décision de rejet de son dossier devant la Cour constitutionnelle.: « J’ai tous les documents qui prouvent le faux », proteste-t-elle.
Pour la présidente de la CGEA, « la décision de l’exclure n’était pas surprenante étant donné les pressions auxquelles ont été soumis les élus qui lui ont donné leur signature, puisqu’ils ont été convoqués et invités à déclarer que les formulaires étaient acheté ».
Elle a expliqué qu’elle a remis aux élus 780 formulaires, consignés dans un procès-verbal, pour tous les noms qu’elle a remis, ce qui la qualifie pour se présenter, puisqu’il faut 600 formulaires d’élus.
La femme d’affaires a été surprise par la déclaration de l’autorité électorale nationale selon laquelle elle avait soumis 665 formulaires. Elle a montré un document que cette même autorité lui avait remis indiquant qu’elle avait soumis 780 formulaires, en demandant : « Où sont les autres formulaires ? » C’est dire qu’on en n’a pas fini par les surprises.
Elle a également exprimé son étonnement que l’autorité électorale ait considéré qu’il y avait 168 formulaires annulés à cause de la signature répétée de plus d’un élu, ce qui est censé être impossible à cause de la numérisation qui révèle de tels cas, selon elle.
La présidente de la Confédération du patronat est allé jusqu’à remettre en cause les formulaires collectés pour le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune. Elle a déclaré : « L’un des candidats dit qu’il a été collecté 300 000 signatures pour lui. Je conteste que les gens les ont signés et je demande aux autorités électorales de les montrer ».
S’il se garde de commenter, la décision de l’instance de Charfi, préférant attendre pour le faire la réponse de la Cour constitutionnelle, Belkacem Sahli de la coalition des partis de la réforme et de la stabilité apporte des arguments chiffrés qui contredisent les conclusions de l’autorité de surveillance des élections.
Affirmant avoir « reçu avec grands regrets, la décision de l’Autorité nationale indépendante, portant sur le rejet du dossier de son candidat à la candidature pour l’élection présidentielle, la direction de l’ANR, confirme que « le dossier du candidat du groupe de la stabilité et de la réforme, le professeur Belkasem Sahli, a répondu aux conditions légales concernant les signatures des élus, puisqu’il a déposé 649 formulaires d’élus dans son dossier distribués dans 47 wilayas ».
L’Autorité indépendante a indiqué « dans sa décision du 24 juillet 2024 que le nombre de formulaires dans le dossier de notre candidat est 635 formulaires, 539 formulaires ont été acceptés et 96 ont été rejetés parce qu’ils ont été répétés avec d’autres candidats, ce qui est un argument invalide et est non acceptable.
La responsabilité incombe uniquement à l’autorité de surveillance des elections, car le procédé de contrôle numérique de l’autorité était censée empêcher le processus de répétition des signatures, comme le président de l’Autorité l’a déclaré lors de sa conférence de presse », explique le communiqué de l’ANR. Le jeu est fait.
Youcef Aouchiche et Adelali Hassani Cherif ou l’optimisme des faire-valoir
De l’art d’exceller dans le rôle de comparses et de faire-valoir, du personnage de second plan qui sert à mettre en valeur l’acteur principal, voilà la mission que le candidat du FFS, et celui du MSP ont accepté d’assumer de bonne grâce dans le cirque électoral du 7 septembre prochain.
Si Abdelmadjid Tebboune ou son équipe n’ont encore émis aucune réaction, ses deux concurrents, Youssef Aouchiche et Abdelali Hassani Cherif ont exprimé leur optimisme quant à traduire avec force leur présence, à l’occasion des élections présidentielles, après l’acceptation initiale de leurs dossiers.
Dans des déclarations à la presse, Aouchiche déclare,sans rire, qu’il s’est porté candidat à l’investiture présidentielle « pour défendre un projet national et un message d’espoir à tous les Algériens qui désirent des lendemains meilleurs. » Il a ajouté qu’il tenterait de « représenter le mieux possible le mouvement moderniste progressiste national-démocrate » et de faire de la prochaine échéance présidentielle « une opportunité de relance du débat public ». C’est que l’homme veut faire accroire aux Algériens que cette mascarade du 7 septembre est une élection transparente ! En matière de cynisme on a connu mieux.
Le très ambitieux Aouchiche oublie de dire aux militants du FFS et aux Algériens que sa participation contribuerait, notamment à une augmentation relative du taux de vote et à la fin du boycott des élections électorales dans la région de Kabylie. Sa participation se résumera à faire voter quelques centaines d’électeurs en Kabylie pour faire oublier le 0 % de participation à la mascarade de 2019 à l’issue de laquelle Tebboune a été désigné président par le général Ahmed Gaïd Salah. Youssef Aouchiche se leurre car personne n’est dupe.
De son côté, le chef du Mouvement pour la société pour la paix, affilié au mouvement islamiste, et son candidat à la mascarade présidentielle, a souligné que sa candidature est une opportunité pour poursuivre le message de novembre 1954 et construire une économie forte qui apporte la prospérité à tous les citoyen. Tiens donc, les islamistes se réfèrent maintenant à Novembre ! Quelle escroquerie !
Samia Naït Iqbal