Emoi, depuis vendredi 20 septembre, dans la société civile tunisienne après que l’on a appris que des députés préparaient un projet de loi visant à modifier la loi électorale et ce, alors que la campagne pour la présidentielle a débuté. Une volonté d’ajustement décidée par Kaïs Saïed qui n’est pas sans arrière-pensées.
- Des appels à manifester contre Kaïs Saïed ce dimanche 22 septembre dans tout le pays et à l’étranger ont été lancés par plusieurs organisations de la société civile, partis politiques et activistes.
Un « scandale », une « absurdité », une « fraude »… Les juristes et membres de la société civile tunisienne ne mâchent pas leurs mots pour décrire leur stupéfaction, suite à l’annonce d’un projet de loi visant à amender la loi électorale à, un peu plus de deux semaines, du scrutin présidentiel.
L’initiative émane de 34 députés. Ils proposent qu’en cas de litige, la validation de l’élection présidentielle soit désormais actée par la Cour d’appel de Tunis et non, comme c’est le cas maintenant, par le Tribunal administratif.
Pour rappel, le Tribunal administratif – que ces députés veulent sortir de l’équation – avait validé les candidatures de trois autres prétendants à Carthage en plus des trois en lice actuellement, une demande rejetée par l’instance en charge d’organiser l’élection et qui laissait présager une possible invalidation, par le Tribunal administratif, des résultats de l’élection présidentielle à venir.
Cela rappelle étrangement la récente expérience algérienne. Après l’annonce de résultats contradictoires et approximatifs par l’ANIE, autorité de surveillance des élections, le régime a délégué la publication officielle des résultats définitifs de la présidentielle à la Cour constitutionnelle.
Cela n’a pas été sans faire de cette élection une piètre parodie, un scandale inédit dans l’histoire des mascarades électorales algériennes. Abdelmadjid Tebboune a été proclamé gagnant et président avec un taux global de participation de 46,10%.
Les deux seuls candidats autorisés à concourir face à Kaïs Saïed ont publié un communiqué commun dans lequel ils rejettent ce projet et s’engagent à le contester s’il venait à être entériné.
Un nouveau moyen de se faire réélire ?
Si les amendements sont adoptés, avant l’échéance du 6 octobre, cette éventualité s’éloignera, le pouvoir exécutif ayant davantage la main sur la justice traditionnelle que sur le tribunal administratif, de l’avis de certains analystes. Les mêmes observateurs voient, dans ce projet de réforme, un nouveau moyen d’assurer la réélection, sans contestation, de Kaïs Saïed, l’actuel locataire de Carthage.
Miad Ben Abdallah, analyste politique qui officie sur le plateau d’une émission en ligne dédiée à la présidentielle, tente de trouver ses mots : « C’est comme si pendant un match de foot, l’arbitre décidait que l’équipe qu’il voulait faire gagner avait le droit de tirer un pénalty à la 99ᵉ minute. Imaginez l’arbitre qui dit alors : ah, les règles ont changé. Le gardien de but de l’équipe doit désormais fermer les yeux pendant le pénalty ! »
Sur le même plateau, Abderrazak Kilani, ancien bâtonnier du barreau tunisien, voit ainsi dans les derniers développements une fébrilité du pouvoir : « Les résultats des élections font peur à Kaïs Saïed qui s’imaginait déjà réélu. Donc il a délégué la question des litiges électoraux au ministère de la Justice parce qu’il sait que celui-ci a la mainmise sur la justice. »
Plusieurs associations et partis tunisiens ont déclaré « l’état d’urgence populaire » et ont appelé à manifester, demain dimanche 22 septembre, à Tunis, contre ce qu’ils estiment être une dérive du pouvoir. Des rassemblements ont déjà eu lieu la semaine dernière pour dénoncer les pratiques autoritaires de Kaïs Saïed et son maintien au pouvoir.
Avec RFI