L’Algérie et la France, une grande tragi-comédie dans un théâtre à ciel ouvert où les rôles sont distribués d’avance du bourreau, de la victime, du sauveur. La roue de l’histoire tourne mais le centre est fixe. A la fois, acteur, spectateur et metteur en scène.
Deux Algéries se côtoient, une Algérie officielle et une Algérie clandestine dans une France aux deux visages la douce France et la France amère. Les deux assistent côte à côte au défilé du 14 juillet 2022. Les projecteurs s’éteignent. Le ministre de l’intérieur regagne son bureau, il a du pain sur la planche. Les députés se retrouveront au parlement, ils ont une loi à voter pour la rentrée. Une loi qui fait des vagues. Il y a des hauts et des bas. Cela fait débat, cela fait sérieux. Les dés sont jetés.
La nuit tombe. Il fait chaud, une chaleur inhabituelle, c’est la canicule, les plages sont envahies. La mer est calme en surface, agitée en profondeur. Les moteurs s’allument. Des familles embarquent (des médecins, des ingénieurs, des informaticiens, des journalistes, des belles filles, des garçons à la force de l’âge, des femmes enceintes), destination la France via l’Espagne.
La voie est libre. Le lendemain plusieurs algériens débarquent sans papiers, sans visages, des revenants, des miraculés, laissant derrière eux des parents âgés, des enfants de bas âge, des diplômes d’Etat, des fonds de commerce etc ), en Espagne, une Espagne pourtant en brouille avec Alger mais nostalgique de la présence arabe en Andalousie, l’âge d’or de la civilisation musulmane en Europe.
D’autres périront noyés en haute mer. Ils seront porté disparus. Le spectacle est terminé, les rideaux sont levés, les masques tombent. La jeunesse découvre que les diplômes de l’Etat ne débouchent pas sur des emplois productifs, que le travail de la terre a été enterré, que les usines sont transformées en bazars, que le pays n’est pas gouverné, que nous vivons exclusivement de l’argent du pétrole et du gaz.
Nous sommes sans planification stratégique depuis la fin des années 70. Elle navigue au gré des vents sans boussole et sans gilets de sauvetage sur une mer agitée à bord d’une embarcation de fortune dans laquelle se trouve de nombreux jeunes à la force de l’âge, serrés comme des sardines, à destination de l’Europe, ce miroir aux alouettes, pour finir soit dans le ventre des poissons soit avec un peu de chance en France notre mère-patrie.
Une France qui divise, qui irrite, qui blasphème, qui éblouit, qui fait rêver, qui embauche, qui nourrit, qui distrait fuyant un beau pays arrosé du sang des martyrs béni de dieu, riche à millions et vaste comme quatre fois la France, qui sacrifie l’avenir de ses enfants et de ses petits-enfants pour un verre de whisky, une coupe de champagne, ou un thé à la menthe.
La remise à flots du navire Algérie suppose évidemment une répartition judicieuse de la population et une exploitation rationnelle de ses ressources humaines laissées en jachère par les politiques économiques suicidaires menées à tambour battant à la faveur d’une manne pétrolière et gazière providentielle en cours de tarissement dans un avenir proche. Aujourd’hui l’Etat et la société se retrouvent le dos au mur.
Un Etat virtuel face à une société réelle. Le suicide collectif d’un peuple jeune pacifique civilisé traversant la méditerranée à la nage dans l’indifférence totale du monde dit « libre et civilisé » discourant sur la démocratie et des droits de l’homme tout en riant sous cape en se disant tout bas, ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des bestioles qu’il faut se débarrasser sans se salir les mains, sachant que dans un Etat de « droit », où nul n’est censé ignorer la loi.
« La peine encourue en cas d’euthanasie est la réclusion criminelle. C’est plus facile d’y être favorable quand on ne prend pas la responsabilité d’un tel geste » Silvain Ricard. Qui n’a pas en « mémoire » ce mot « d’alacrité » prononcé par François Hollande à propos d’un président moribond aujourd’hui décédé. Des mots qui font et défont des hommes. Des champions du double langage, de la supercherie, de l’hypocrisie et du mensonge. Nous comprenons l’aisance et la facilité avec lesquelles ils dupent les dirigeants africains obnubilés par leur vie d’opulence.
Dr A. Boumezrag