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Quand l’Algérie festoie à… Paris !

De l’ONB à Samira Brahmia

Quand l’Algérie festoie à… Paris !

Quand l’Orchestre National de Barbès débarque à Ivry, avec dans les valises l’inégalable Sidi Bémol et l’énergisante Samira Brahmia, la soirée détonne et explose en dynamiques osmoses !

Comment fêter l’Algérie de nos rêves éperdus ? Comment retrouver l’atmosphère d’amitié et de camaraderie entre toutes les tribus d’Algérie ? Comment réunir amazighophones et arabophones du terroir en toute fraternité ? Comment effacer ces différences stupides qui nous déchirent et nous empêchent d’avancer ? Comment oublier, ne serait-ce que pour une journée, que les tenants du pouvoir s’acharnent à formater le pays pour le précipiter dans une « grotte » de décadence de laquelle il ne s’échappera jamais ? Le temps d’une soirée, cela est possible avec l’ONB, lequel vient de nous enchanter, ce vendredi 10 novembre au Hangar d’Ivry, d’une performance de haute facture, nanti d’une expérience qui se chiffre en décennies et autant de succès.

Quand on se laisse happer et emporter par leur concert, on est amené à conclure et savourer le fait que, plus que jamais, seule la musique sait adoucir les contours de mœurs et de traditions, pas toujours facile à fusionner ! Ni la religion, ni la politique et leurs professionnels experts ne peuvent accomplir ce que la musique parvient à faire, sans efforts ni galère ; celui de rassembler des hommes et des femmes, jeunes et vieux, dans une enceinte où toute barrière raciale, linguistique, idéologique ou politique, qu’elle fût spatiale ou temporelle, s’écroule sous le poids souverain d’une passion commune grisante qui transforme toutes sortes d’inimitiés factices en instants de communion et d’absolu partage complice !

Allez donc expliquer cela à Bouteflika ou Ahmed Taleb-Ibrahimi, lequel vient de pondre un texte qui nous fait réaliser que l’Algérie l’a échappé belle qu’il ne fût jamais porté au pouvoir suprême, tant il transpire une détermination ferme de la lignée ascendante dont il a tout hérité, de transformer le pays en territoire contrôlé exclusivement par Allah et ses heureux élus !  Ah Monsieur l’ancien ministre de l’éducation ! qu’il aurait été attrayant de vous ouvrir au débat, sans épée ni pistolet, et ainsi donner une petite chance aux héritiers spirituels de Keblouti de vous démontrer par « a+b = x » que votre papa, dont vous tirez une incommensurable fierté, vous le Docteur es-Vie, n’est, ni plus ni moins, qu’un égaré qui n’a rien compris à la Vie de l’homme sur Terre, encore moins à son incontrôlable destinée, irrémédiablement entremêlée avec celle des soubresauts de l’Univers et de ses innombrables galaxies ! Vous comprendriez alors que doper le citoyen d’artifices célestes, comme on s’acharne à le faire depuis les banou-Hilal, n’est pas le meilleur moyen de le soustraire de la misère, qu’elle fût économique ou intellectuelle !  

Diamétralement opposée à cette rythmique idéologique incohérente qui plonge le p’tit peuple dans un océan de tristesse et de vie maussade, chaque jour que Dieu fait, il est rassurant de réaliser, au fil des concerts, que la musique constitue un haut rempart contre les dérives comportementales de l’Homme, érigées en cultes et semées, çà et là, par ceux qui en tirent les ficelles pour leur exclusif bonheur. Et, s’il y a un groupe qui a su transcender toutes sortes de barrières linguistiques et génétiques entre les algériens, ce groupe porte le nom d’Orchestre National de Barbès ! Une petite troupe qui donne l’image d’une Algérie rêvée dans laquelle berbérophones et arabophones de tous bords festoient ensemble pour célébrer la vie sur des rythmes remplis de gaieté sur fond d’alacrité consommée à satiété !  À eux seuls, les 8 membres de ce groupe transpirent, avec énergie, tout ce que les dégénérés qui se succèdent au pouvoir ont complètement raté : construire une Algérie de fraternité, en s’acharnant à la livrer à des imams immatures qui ne savent rien faire d’autre que célébrer la mort par des litanies et des complaintes débordantes de tristesse, d’angoisse et de mélancolie ! Ceux du terroir ne suffisant pas, on en vient à importer d’Egypte et d’Arabie, tout en en chassant ses Kebloutis !

Quand l’ONB débarque au Hangar d’Ivry c’est la fête garantie ! D’autant que ce qui rend leurs concerts cocasses et gais c’est cette atmosphère d’excitation et de danse qui s’enclenche sur des « Salam-a3likoum a lehbab » détournés à bon escient pour les extraire d’un barycentre morose, à l’image de l’irrésistible et tonitruant « La-illaha illa-allah » de la « marhouma » Cheikha Remitti !

Ces « Salam a3likoum » et ces « La-illaha-illa-allah » dansants devraient d’ailleurs être partout récupérés pour les transformer en étincelles de communion festive, en totale opposition avec ces chants liturgiques conçus par des experts es-ténèbres pour ne faire rôder que tristesse, mort et enfer sur chaque lueur qui s’aventure à rayonner sur la Vie.

Tout autant que l’atmosphère énergisante qui règne sur scène, la salle se laisse rapidement gagner, à ambiance et délire époustouflants, pour vibrer et gesticuler dans tous les sens, donnant inlassablement la réplique au groupe en reprenant certains couplets faciles à entonner ! Les succès se succèdent aux succès. La communion avec le public bat la mesure d’un répertoire riche et varié. Un répertoire dans lequel le Français, l’Arabe et le Kabyle sont autant de stimuli osmotiques destinés à faire régner une harmonie parfaite entre ces têtes blondes et lisses des Françoise, Jaques ou Jacqueline avec les tignasses ébène-ou-châtaines crêpées des Hocine, Abdellah ou Samira !  Des instants époustouflants pendant lesquels les déhanchés experts se surpassent de rivalité, dans un mélange délicieux de gaieté, d’hilarité et de chaleur humaine !

Ces deux heures non-stop d’agitation vous vident le corps, mais elles vous requinquent immanquablement le cerveau ! Et puis, pourquoi ne pas l’avouer, et faire part de ce contentement subtil qui vous gagne quand vous apprenez que malgré une intonation parfaite du vocable kabyle, notamment pendant l’interprétation du légendaire tube de Slimane Azem « Ad-zi-sa3a », Samira Brahmia n’a pas appris le kabyle au berceau ! Elle est née dans les environs de Chlef. Ses parents sont arabophones. Comment, dès lors, ne pas se laisser subtilement pénétrer par le rêve qu’un jour peut-être, les langues du terroir reprendront racine partout en terre Amazighe pour re-germer et refleurir de ces siècles d’aliénations injectées de force par tant de maîtres auto-proclamés ?

Après le spectacle, il y eut aussi ces instants savoureux de taquineries bon enfant, quand la salle se désemplit et que vous êtes la dernière bande de copains à vider vos dernières bières, pendant que les artistes s’activent à ranger leurs outils sur scène. Instants vifs et malicieux pendant lesquels nous nous hasardons à attirer l’attention de Karim, l’un des jeunes membres du groupe, pendant qu’il s’affaire à dénouer les fils électriques de ses instruments de musique. Ne m’écoutant que d’une oreille semi attentive, l’ami Jiji lance une formule qui ne tarde pas à avoir l’effet escompté : -Il te regarde de haut ! formule-t-il, sourire malicieux aux lèvres.

Vexé par telle reproche, qu’il prend au premier degré, Karim se redresse et nous fixe d’un regard rempli de semonces. Il descend de scène avec agilité et nous rejoint. Il ne lui a pas fallu cinq secondes pour comprendre que le « haut » faisait référence à l’écart d’altitude spatiale entre la scène et la piste où nous nous trouvions, et que ce n’était qu’une boutade formulée par Jiji pour le faire réagir. Il n’en fallait pas davantage pour engager des échanges sains et transformer la fibre délicate et susceptible du terroir en instants de rires, d’esclaffes et d’exubérance impossible à contenir.

Un jeune Kabyle, nouveau débarqué en France, nous rejoint, bière en main. Il engage la conversation. Autour du destin de l’Algérie, évidemment ! Il n’échappe pas à la question « pourquoi es-tu parti ? ». S’en suit un discours clair et concis : -Comment voulez-vous rester dans un pays où la seule question qui préoccupe votre famille, lointaine ou proche, du frère au grand père, de l’oncle aux cousins, des cousines aux tantes, et que tout le monde vous pose à la moindre occasion, est de savoir si tu fais la prière ? alors que pour moi la vie se conjugue avec fête, danse et retour à l’état fondamental, comme ces moments magiques que je viens de vivre au concert festif de ce soir !

Il a tout résumé notre nouvel immigré, n’est-ce pas ? 

Bien avant nous, combien d’exilés ont quitté nos contrées ! D’autres le quittent aujourd’hui ! Les suivants le quitteront demain ! Comment peut-il en être autrement quand on vit mieux son Algérie ailleurs qu’au pays ?  Par la grâce de ces indécrottables Abdel-Mugabe qui étouffent le peuple pour le livrer pieds et poings liés aux experts FIS-tons de la génuflexion !

Reste à souhaiter qu’à l’image de ce concert festif et généreux de l’ONB, Sidi-Bémol et Samira Brahmia, Paris reste à jamais, la ville où se fête à ivresse …l’Algérie de nos tendresses !

Que la fête continue ! Elle s’enchaine vendredi 24 Novembre 2017, au studio de l’Hermitage, avec le tonitruant Sidi Bémol ! Avis aux amateurs de musique et de farandoles !

Auteur
Kacem Madani

 




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