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Quand l’Algérie tousse, la France chope une fièvre (II)

DECRYPTAGE

Quand l’Algérie tousse, la France chope une fièvre (II)

Depuis son escapade de quelques heures à Alger, en décembre 2017, le président français a annulé toutes ses visites officielles dans la capitale algérienne.

A force de répéter, à tout bout de champ, sa version officielle sur ce qui se passe en Algérie du type «pas d’ingérence», «le peuple algérien est souverain dans ses choix», la diplomatie française cache mal un malaise officieux qui le préoccupe au plus haut niveau.

Cette inquiétude a même gagné ses « anciennes colonies » qui tremblent d’un printemps qui se passe à quelques kilomètres de leurs frontières. Le Maroc qui, d’habitude, saisit ces occasions pour jeter de l’huile sur le feu, s’est tu cette fois-ci jusqu’à organiser des tables rondes pour vanter le militantisme de Bouteflika durant la guerre de libération et son passage dans ce pays. La Tunisie de Caïd Essebsi a carrément interdit tout rassemblement en soutien au peuple algérien.

Depuis une semaine, l’Elysée est en alerte rouge. Le Président français suit personnellement et de très près ce qui se passe en Algérie, dit-on dans le cercle proche de Macron. Non seulement le président lit tous les rapports diplomatiques sur le sujet, mais fait très inhabituel, il a téléphoné lui-même mardi 26 février à l’ambassadeur de France sur place, Xavier Driencourt pour connaître son appréciation de la situation. Il lui a également demandé de venir d’urgence au Quai d’Orsay pour informer le ministre, Jean-Yves Le Drian.

Si bien que le mercredi 27 février, le diplomate a fait l’aller et retour Alger-Paris, très discrètement. Pourquoi cette attention particulière ? «Rien de ce qui se passe en Algérie n’est indifférent pour la France et donc pour le Président, poursuivent des sources. Les enjeux pour nous sont considérables.

Avec l’Algérie, nos liens historiques, économiques, politiques, sécuritaires sont très importants. La France a des intérêts sur place, elle abrite aussi une forte communauté algérienne et franco-algérienne. Pour nous, la stabilité de l’Algérie est donc un enjeu majeur, compte-tenu notamment de la proximité géographique et des liens humains entre les deux pays. Et puis, il y a l’enjeu sécuritaire, y compris sur le plan régional.

Nous avons besoin d’une coopération avec l’Algérie pour la lutte contre les groupes terroristes dans le Sahel. » n’arrêtent de souligner de nombreux diplomates. L’ambassadeur, Xavier Driencourt, semble être la première personnalité politique étrangère qu’a reçu Abdelghani Zaalane fraîchement désigné pour remplacer Sellal limogé subitement.

Il est en quête de la moindre information pour rendre compte à l’Elysée qui ne croit pas à la thèse d’un limogeage à cause d’une simple fuite d’une conversation audio entre l’ancien directeur de campagne de Bouteflika et le patron des patrons Ali Haddad.

Pour eux, Sellal a jeté l’éponge suite au raz-de-marée du 22 février car de part son expérience des trois derniers mandats, il ne voyait pas comment il pourrait animer les meetings avec un cadre géant du candidat collé derrière lui.

Des sources diplomatiques qui préfèrent garder l’anonymat pour les mêmes raisons stratégiques, confient que les services de sécurité français sont présents en Suisse et suivent de près ce qui se passe au 8ème étage de l’hôpital universitaire de Genève et font quotidiennement des rapports à l’Elysée.

La réponse qu’a donnée l’ambassadeur algérien en France Abdelkader Mesdoua au journaliste de CNEWS, El Kabach, à la question crue «Bouteflika est-i encore vivant ?» est probablement la version officielle que livrent les rapports des services de sécurité français. Ils ont la certitude que Bouteflika a fui le 24 février l’Algérie qu’il est bien vivant, qu’il suit la situation grâce à un état-major formé à l’étage supérieur de cet hôpital suisse.

Ali Bounouari qui vit à Genève, a déclaré à un journaliste la veille du rassemblement du vendredi 1er mars qu’il avait perçu de nombreux diplomates algériens aux alentours de cet hôpital.

Pour eux, Bouteflika, doté d’un esprit complotiste depuis son jeune âge, ne fait pas confiance à l’armée algérienne qui pourrait le renverser sous la pression de la rue.

Il ne rentrera pas en Algérie avant d’être assuré d’une stabilité totale de la situation sur place. Il reste cependant l’avis des experts qui connaissent bien l’Algérie pour y avoir vécu comme le Tebessi Hasni Abidi qui pense que «les pôles au pouvoir quoiqu’habitués à ne rendre de comptes à personne, ne savent pas comment répondre à l’irruption pour la première fois depuis 1988 d’un acteur imprévisible».

En somme, ni la France, ni Bouteflika lui-même et encore moins sa clientèle n’ont prévu un tel scénario qu’offre la rue algérienne déterminée à en finir avec le système.

Auteur
Rabah Reghis

 




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