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Quand le doute est une folie et la certitude une vérité

Doute

Image par photosforyou de Pixabay

Dans les rouages bien huilés d’un système où la médiocrité règne en maître, le doute est devenu une anomalie. Ceux qui questionnent, remettent en cause ou, pire encore, proposent des alternatives sont rapidement étiquetés comme des esprits troublés, incapables de « comprendre » la réalité du monde.

À l’inverse, la certitude, même absurde, même arbitraire, s’érige en vérité indiscutable, sanctifiée par la bureaucratie et protégée par l’inertie collective.

Le doute, crime de lèse-conformité

Le doute, pourtant, est la condition première de toute pensée libre. C’est lui qui pousse à interroger l’ordre établi, à dévoiler les failles d’un système défaillant. Mais dans une société où l’injustice est devenue une norme et l’arbitraire une routine, douter, c’est déranger. Le sceptique est perçu comme un trouble-fête, un agitateur, un « fou » qui menace l’équilibre si rassurant des certitudes imposées.

Dans un environnement où l’incompétence prospère sous le couvert de règles rigides, la certitude protège. Elle évite de réfléchir, d’affronter des vérités inconfortables. Elle permet de justifier l’injustifiable et de transformer l’absurde en logique administrative. « C’est la règle », disent-ils, comme si cela suffisait à légitimer l’inhumanité du processus.

Ceux qui imposent leur vision avec une certitude inébranlable ne sont pas seulement déconnectés de la réalité : ils l’ont reconstruite à leur image. Ils croient en leur propre discours, s’enfermant dans une logique circulaire où tout doute est perçu comme un danger. Leur certitude devient une folie collective, une fiction si solidement ancrée qu’elle fait passer l’injustice pour la norme, et l’immoralité pour une nécessité.

L’inversion des valeurs

Dans ce monde à l’envers, le doute est vu comme un signe de faiblesse, alors qu’il est la marque de la lucidité. Remettre en question les certitudes, c’est refuser de se soumettre à l’absurde, c’est refuser la folie d’un système qui sacralise l’injuste au nom de la stabilité. Pourtant, c’est précisément cette remise en question qui pourrait enrayer la machine infernale.

Nietzsche l’avait bien compris : ce n’est pas le doute qui rend fou, mais la certitude aveugle. Tant que l’on confondra l’obéissance avec la sagesse et la remise en question avec la folie, l’immonde continue de s’installer durablement.

Alors, que reste-t-il ? Le courage de douter, encore et toujours, même lorsque tout semble condamner à la certitude. Car c’est dans le doute que naissent la vérité et, peut-être, l’espoir d’un monde moins absurde.

Un appel à la réflexion critique

Il est essentiel de comprendre que cette folie de la certitude ne touche pas seulement les sphères politiques ou administratives, mais imprègne également la culture populaire et les mentalités. Dans un monde où l’opinion médiatique et les discours dominants se multiplient, ceux qui osent poser des questions, qui remettent en cause les évidences, sont souvent réduits au silence, qualifiés de « radicaux » ou de « dérangants ». Le doute est devenu une anomalie qu’il faut corriger, comme s’il était une maladie à éradiquer.

Mais c’est précisément dans ces moments de crise intellectuelle que la pensée véritable peut émerger. Ce n’est pas en suivant le flux uniforme des certitudes préconçues que l’on parvient à la vérité, mais en cultivant le doute comme une démarche active. Loin d’être un signe de faiblesse, le doute est un signe de résistance, de refus de la facilité intellectuelle. C’est un acte de courage de chercher la vérité, même quand elle dérange.

La folie des certitudes : un système en échec

Quand la certitude devient une arme pour maintenir l’ordre établi, c’est tout un système qui se révèle en échec. Ce système, aveugle à ses propres contradictions, fonctionne sur une logique de maintien du statu quo où l’injustice est acceptée, voire légitimée, et où ceux qui tentent de la dénoncer sont condamnés au rôle de parias.

La société devient une machine à broyer les esprits critiques et à glorifier l’obéissance. Le plus absurde devient « normal » et toute résistance est traitée comme une pathologie. La certitude devient l’armure de ceux qui détiennent le pouvoir, tandis que la remise en question devient un luxe réservé à ceux qui, n’ayant rien à perdre, osent encore penser par eux-mêmes.

Le doute comme voie de libération

La question est donc de savoir si nous serons capables de retrouver le courage de douter. Car le doute, loin d’être synonyme de confusion, est la clé de la liberté intellectuelle. Il est le refus de l’oppression des idées figées, il est la possibilité de remettre en cause l’injustifiable et d’imaginer un monde différent. Dans une société où la certitude semble faire loi, oser le doute, c’est prendre une position radicale, c’est refuser de se conformer à une vérité qui n’en est pas une. C’est une manière de restaurer la pluralité des idées, de remettre en question les dogmes et de favoriser l’émergence de solutions nouvelles.

Ainsi, au lieu de se soumettre aux certitudes d’un monde injuste et défaillant, le véritable acte de résistance consiste à douter, à refuser les idées toutes faites, à chercher une vérité qui échappe aux contraintes d’un système qui préfère l’immobilisme. .

Une invitation à penser autrement

Dans ce monde où tout semble être réglé par des certitudes figées, il est plus que jamais nécessaire de rappeler que la pensée libre, critique et douteuse est notre plus grande arme contre l’absurde. Car lorsque le doute est vu comme une folie et la certitude comme une vérité, c’est un système tout entier qui est prêt à sombrer dans la folie – une folie collective alimentée par l’aveuglement et l’indifférence.

Le chemin vers un monde plus juste et humain commence par la remise en question des certitudes. Le doute n’est pas une faiblesse, il est le fondement même de notre liberté de penser.

Dans un système où la parole est réprimée, où toute dissidence ou critique est étouffée au nom de la « stabilité » et de l' »ordre », il est inévitable que la pensée elle-même soit progressivement interdite. Si parler devient un acte subversif, alors penser devient un crime. C’est là que réside l’une des plus grandes dérives d’un régime autoritaire ou d’un système défaillant : la transformation de la pensée en un domaine d’illégitimité, où seule la certitude imposée peut exister, et où toute remise en question est perçue comme un danger.

L’interdiction de la pensée, loin d’être un phénomène isolé, est une étape logique et inéluctable dans l’instauration d’une folie systémique. Si le discours libre est éliminé, la pensée devient elle-même une forme de transgression. C’est dans ce contexte que le doute, cette capacité fondamentale de questionner et de chercher, devient un terrain miné. L’invitation à la folie est donc lancée par le système : ne pas douter, ne pas questionner, ne pas penser autrement. Accepter la réalité telle qu’elle est imposée.

L’aliénation mentale : le psychiatre et son patient, complices malgré eux
Dans ce cadre d’intolérance à la pensée libre, l’aliénation mentale devient un enjeu fatal. Non seulement la parole est réduite au silence, mais la pensée devient un terrain où l’individu perd pied. L’aliénation se tisse dans la soumission à un ordre rigide, où chaque pensée dissidente est vue comme une déviation pathologique. Et c’est là que l’on voit la perversité du système : il transforme véritablement la souffrance de l’individu en pathologie à soigner, plutôt qu’en symptôme d’un mal plus large.

Le psychiatre, dont le rôle est de guérir, se trouve ainsi piégé dans cette mécanique. Au lieu de soigner des symptômes de rébellion intellectuelle ou d’émancipation de la pensée, il devient le garant d’une norme mentale imposée.

Dans ce contexte, il est possible de voir la relation entre le psychiatre et son patient comme un théâtre de la domination : le patient se trouve aliéné par un système qui lui interdit de penser autrement, et le psychiatre, loin d’être un sauveur, devient un complice de cette aliénation. L’un et l’autre sont pris dans un même engrenage où la pensée elle-même est perçue comme un danger.

Dans un tel système, le psychiatre peut parfois devenir, paradoxalement, une figure d’autorité, tout comme le charlatan qui manipule les masses en jouant sur leurs peurs et leurs certitudes. L’aliénation mentale n’est pas simplement un problème individuel, elle devient un outil de contrôle social. Le charlatan – qu’il soit médecin, dirigeant ou autorité quelconque – se sert de la « folie » des individus pour maintenir un pouvoir absolu. En prétendant apporter des solutions, il assoit son autorité en même temps qu’il instille un doute permanent sur la légitimité de la pensée libre.

Là encore, le charlatan, en « soignant » les esprits perturbés par la pensée libre, devient le dernier maillon d’une chaîne dont la folie est le produit de la certitude. Il ne propose pas un remède, mais un anesthésiant. Dans un monde où la parole est interdite et où la pensée doit se conformer, la « guérison » devient un outil de normalisation, un contrôle des esprits qui étouffe la liberté de penser.

Le prix de la conformité

Dans un système où la parole est muselée et où la pensée devient suspecte, la folie collective s’installe progressivement. Cette folie est la conséquence directe de l’imposition d’une certitude absolue, d’une vérité imposée par ceux qui détiennent le pouvoir. Le psychiatre, le charlatan et le système dans son ensemble deviennent les acteurs d’un théâtre où l’aliénation mentale est la règle, et où la liberté de penser est une transgression.

Ainsi, après l’interdiction de la parole, c’est l’interdiction de la pensée qui prépare le terrain pour l’aliénation. La folie, loin d’être un acte individuel, devient une conséquence du système lui-même, où la certitude s’écrasante finit par détruire l’individu. Le charlatan et le psychiatre, dans cette danse morbide, sont les gardiens d’un ordre figé, où l’âme humaine est prisonnière de ses propres certitudes. Et la question demeure : quand la pensée devient un crime, quelle est la véritable folie ?

Dr A. Boumezrag

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