Un président ne devrait pas dire cela, sommes-nous tentés d’écrire. La moitié de l’entretien de Tebboune au quotidien français L’Opinion s’est résumé à des considérations et commentaires sur la politique intérieure française. Il a passé son temps à distribuer les bons et les mauvais points sur le personnel politique français. Comment est-ce possible ? Est ce son rôle ?
Revue des déclarations
« Nous avions aussi établi une feuille de route ambitieuse après la visite en août 2022 de mon homologue français, suivie de celle Elisabeth Borne, alors Première ministre, une femme compétente connaissant ses dossiers. »
« Il y a des déclarations hostiles tous les jours de politiques français comme celles du député de Nice, Eric Ciotti, qui qualifie l’Algérie d’« Etat voyou » ou du petit jeune du Rassemblement national [Jordan Bardella] qui parle de « régime hostile et provocateur ». Et ces personnes aspirent un jour à diriger la France… Personnellement, je distingue la majorité des Français de la minorité de ses forces rétrogrades et je n’insulterai jamais votre pays. »
« Moi, je m’interroge sur la manière dont Madame Le Pen va s’y prendre si elle parvient au pouvoir : veut-elle une nouvelle rafle du Vel d’Hiv et parquer tous les Algériens avant de les déporter ? L’Algérie est la troisième économie et la deuxième puissance militaire africaine. Nous sommes conciliants, nous allons doucement, nous sommes prêts à dialoguer mais le recours à la force est un non-sens absolu. »
« Ce sont des « analphabétises ». Les responsables du RN ne connaissent que l’utilisation de la force. Il y a encore dans l’ADN de ce parti des restes de l’OAS pour laquelle il fallait tout régler par la grenade et les attentats. »
« Le président américain n’a pas d’arrière-pensée liée à l’immigration algérienne aux Etats-Unis alors que le programme du RN, depuis feu Jean-Marie Le Pen, s’attaque systématiquement à l’islam et à l’immigration, avec comme bouc émissaire l’Algérie. »
« Il y a peu d’entrées illégales, la plupart de mes compatriotes arrivent en France avec des visas pour étudier ou exercer comme médecins, avocats ou ingénieurs, sans que cela pose de problème aux autorités
« Je ne veux pas imposer à la France des Algériens en situation irrégulière. Nous avons d’ailleurs accordé 1 800 laissez-passer consulaires l’année dernière. Mais il faut respecter les procédures légales. Bruno Retailleau, [le ministre de l’Intérieur], a parlé de l’Algérie comme d’un « pays qui cherche à humilier la France » : il a voulu faire un coup politique en forçant son expulsion. Il vient d’être retoqué par la justice française qui n’a pas justifié l’urgence absolue de sa mesure d’expulsion. Gérald Darmanin, son prédécesseur à ce poste, avait aussi débuté son ministère en cherchant à nous forcer la main, puis il est venu à Alger et, in fine, nous avons trouvé le bon modus operandi. Nous aimerions aussi que la France accède à nos demandes d’extradition comme l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne. Or, curieusement, nous constatons que Paris donne la nationalité ou le droit d’asile à des personnalités qui ont commis des crimes économiques ou qui se livrent à de la subversion sur le territoire français. Certains, d’après nos informations, ont même été recrutés par vos services comme informateurs »
« Certains politiciens prennent le prétexte de la remise en cause des accords pour s’attaquer à ces accords d’Evian qui ont régi nos relations à la fin de la guerre. Ces accords de 1968 sont une coquille vide qui permet le ralliement de tous les extrémistes comme du temps de Pierre Poujade. »
« Boualem Sansal n’est pas un problème algérien. C’est un problème pour ceux qui l’ont créé. Jusqu’à présent, il n’a pas livré tous ses secrets. C’est une affaire scabreuse visant à mobiliser contre l’Algérie. Boualem Sansal est allé dîner chez Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France à Alger, juste avant son départ à Alger. Ce dernier est lui-même proche de Bruno Retailleau qu’il devait revoir à son retour. D’autres cas de binationaux n’ont pas soulevé autant de solidarité. Et enfin, Sansal n’est français que depuis cinq mois… »
« La Grande mosquée n’est pas une officine. Le recteur actuel, Chems-Eddine Hafiz, a été choisi de manière concertée avec son prédécesseur, Dalil Boubakeur, et l’Etat français ».
« L’Etat algérien n’a pas voulu laisser des associations douteuses faire de l’entrisme à la Grande mosquée et a toujours pris en charge son entretien. Lorsque j’étais ministre de la Communication et de la Culture, j’ai instauré ces aides. Elles servent notamment à rénover les bâtiments. La France officielle n’a jamais fait d’objection et se rend régulièrement aux invitations du recteur. La Grande mosquée n’est pas une officine. Le recteur actuel, Chems-Eddine Hafiz, a été choisi de manière concertée avec son prédécesseur, Dalil Boubakeur, et l’Etat français. Je l’ai reçu après sa nomination. L’ex-ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, était étonné de cette nomination à l’époque. Il trouvait cela incongru, pensant que le nouveau recteur était anti algérien car il était binational. »
« Au sujet du recteur de la Grande Mosquée de Paris : « Le climat actuel est malsain. Peut-être d’autres pays arabes sont en train de jouer avec le feu en voulant affaiblir le recteur actuel avec la complicité de Bruno Retailleau qui veut lancer des enquêtes sur ses biens, pour le remplacer à terme. »
« Pour moi, la République française, c’est d’abord son président. Il y a des intellectuels et des hommes politiques que nous respectons en France comme Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Raffarin, Ségolène Royal et Dominique de Villepin, qui a bonne presse dans tout le monde arabe, parce qu’il représente une certaine France qui avait son poids. Il faut aussi qu’ils puissent s’exprimer. Et ne pas laisser ceux qui se disent journalistes leur couper la parole et les humilier, particulièrement dans les médias de Vincent Bolloré dont la mission quotidienne est de détruire l’image de l’Algérie. Nous n’avons aucun problème avec les autres médias, qu’ils soient du secteur public ou privé. »
Tout porte à croire que cet entretien répond à un agenda. Il est destiné avant tout aux Français puisque l’actualité algérienne y est réduite à sa plus simple préoccupation.
La rédaction