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Quatrains à odeur de vin et de rose d’Omar Khayyâm

REGARD

Quatrains à odeur de vin et de rose d’Omar Khayyâm

« Un instant sépare la prière du blasphème,
Un instant transforme le certain en incertain.
Jouis de cet instant, mets-le sur un piédestal
Car la vie entière n’est autre que sa somme. » Omar Khayyâm

Parler d’Omar Khayyâm est un exercice délicat. C’est un poète que je connais depuis toujours. Quelques exemplaires de ses Roubaïyat ont toujours trôné dans ma bibliothèque et il m’arrive, plus que de raison, de les prendre, de les feuilleter, de les lire à haute voix et de me projeter aux côtés de cet immense esprit. Il m’est également arrivé de mettre sur les réseaux sociaux des Rubaiyat qui décrivent, sur le moment, mon état d’esprit.

Quand on pense à Omar Khayyâm, on a surtout, pour ne pas dire uniquement, le poète en tête. Or, Omar Khayyâm, né dans une famille d’artisans de Nichapur en 1048 et mort en 1131, est considéré comme un des plus grands mathématiciens de son temps.

En dehors de son traité d’algèbre, il a écrit plusieurs textes sur l’extraction des racines cubiques et sur les définitions laissées par Euclide. Il a été l’inventeur des tables astronomiques qui sont connues sous le nom de Zidi el Malikshahi. Il a dirigé l’observatoire d’Ispahan et, à ce titre, réformé le calendrier persan et a introduit à la manière du calendrier julien une année bissextile parce qu’il a mesuré avec précision la durée d’une année. 

Le poète est connu pour ses Rubaïyat qui signifient Quatrains en français. Ces derniers sont souvent cités en référence à son esprit critique et à sa libre pensée. Il est aujourd’hui, plus de dix siècles après sa mort, mondialement connu et traduit dans pratiquement toutes les langues. En France, Omar Khayyâm a séduit nombre d’intellectuels dont Marguerite Yourcenar qui a écrit : « Omar Khayyâm, à l’égal de l’empereur Hadrien, m’a tenté avec une insistance presque égale. Mais [sa] vie… est celle du contemplateur, et du contempteur pur. »

Cette fois, nous avons la joie de lire ces Rubaïyat sous les « variations » de Patrick Reumaux, aux éditions Emmanuelle Collas. En signe d’épilogue, Patrick Reumaux nous indique que sa « mère ressemblait à une princesse des Mille et Une nuits. Elle avait dans sa bibliothèque, une petite édition raffinée d’un Omar Khayyâm dont j’ai perdu la trace.

Mais j’en ai gardé l’image d’un minaret, et celle des yeux de ma mère, plus beaux que ceux d’une gazelle – très bruns ou très noirs ou les deux à la fois – et surtout, je sens encore, entre les pages de ce petit livre, l’odeur des roses, de monceaux de pétales de roses, qui ont traversé les années et qui, dans ma mémoire, se mêlent à l’odeur d’encens de ce collier de crottes de biques dont elle entourait un petit buste d’argile qui représentait l’une de ses amies.

Ma mère, quand elle se promenait dans les rues d’Alger… »

Et pour finir, quelques « variations » de ces quatrains :

« Cette herbe qui pousse au bord d’un ruisseau,

C’est comme si elle poussait des lèvres d’un ange.

Ne la foule pas avec dédain, elle est peut-être

Issue d’un terreau qui fut la bouche d’une belle. »

« Tu condamnes, nous faisons mieux.

Ivrognes, nous sommes plus lucides que toi.

Tu verses du sang humain, nous celui de la vigne,

À ton avis : le plus sanguinaire, c’est qui ? »

« On dit qu’au paradis il y aura des femmes aux yeux de gazelle

Et qu’il y aura du vin, et même du miel.

Si nous choisissons maintenant le vin et la belle,

N’est-ce pas anticiper ce que nous aurons ? »

 

Omar Khayyâm, Quatrains à odeur de vin et de rose, variations de Patrick Reumaux, Editions Emmanuelle Collas, mai 2021

Auteur
Kamel Bencheikh, écrivain

 




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