Il y a des moments, nous rappelle l’histoire, où le despotisme gouverne à tel point la personnalité des tyrans que chaque cellule de leur cerveau, paraît la proie d’impulsions et de pulsions redoutables.
Dans ces moments-là, ils perdent tout sens de l’affect, toute leur humanité, comme l’a décrit singulièrement Bachir Hadj Ali dans l’Arbitraire, à travers les personnages sulfureux du sanglier, du rouquin, de Belzébuth ou encore du chat sauvage, dit la gouape. Tous méprisent profondément l’humain en même temps qu’ils le craignent.
Ils continuent leurs besognes comme des automates. Ce ne sont pas des hommes de leur temps mais de leur époque. Ils sont les seuls à s’y accrocher, à vouloir la perpétuer, et, à travers nous, nous l’imposer par la plus vile des volontés, la plus répugnante des politiques d’asservissement, et la plus perverse des logiques conscientes ou inconscientes du passé.
Toute capacité de rédemption, en eux, est introuvable. Leur conscience est complètement anéantie, elle ne sert qu’à perpétuer l’arbitraire dans son attrait le plus immonde. Nous avons atteint le summum de la répression. Le peuple, rien que durant ce premier mandat de Tebboune, a déjà subi l’épreuve du feu et du sang, et ce que le feu et le sang ne détruisent pas, ils le renforcent.
Après les quatre mandats insoutenables de Bouteflika, dans lesquels le pays n’est sorti de l’ombre que pour sombrer dans le tragique, on se demande si l’histoire ne se répète pas sous forme de farce, dans la « nouvelle Algérie » de Tebboune. Le servilisme journalistique, l’adulation, les marches au pas cadencé, les bonimenteurs et les caméléons qui changent de couleur sont devenus les nouveaux courtisans qui aspirent plus que tout à l’instrument de leur soumission.
Le destin ne nous envoie pas de hérauts, mais cette escalade dangereuse de la répression, tout ce qu’elle nous démontre en réalité, c’est que notre avenir sera semblable à notre passé, et que les exactions et violations des droits humains commis moult fois avec dédains et voracité, seront commises encore une fois avec indifférence et impunité.
Ces crimes que l’on essaie de taire resteront, pour eux et pour l’histoire du pays, l’emblème visible de leur conscience belliqueuse. La plus basse des œuvres est bien celle de l’amnésie des consciences qui donne à chaque crime commis sa monstrueuse progéniture. Et pourtant si ce n’est qu’une question d’amnésie, quelle ignominie de penser que l’amnistie peut faire taire leurs horreurs du passé.
C’est pour cette raison que la désobéissance civile est inéluctable, elle devient une nécessité humaine. À défaut de quoi, nous intégrerons le fait d’être dominés. Nous trouverons normal l’asservissement et nous finirons par admettre le mal comme une fatalité, voire comme une banalité. Les circonstances fabriquent l’homme, et en ces temps particulièrement tragiques, quatre années après la naissance du Hirak, avec plus de 300 détenus d’opinion dans les geôles de Tebboune, il nous faut inventer quelque chose qui n’existe pas encore.
L’histoire nous a appris que nos dirigeants, malgré la bassesse de leurs œuvres, ne sont jamais loin d’un mandat de trop, et nous, jamais aussi proches d’une révolte de plus.
Mohand Ouabdelkader