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Que sera l’Algérie demain avec le modèle agricole actuel ?

Agriculture

Un vieux confrère retraité adresse une lettre aux jeunes agronomes. Il interpelle les nouvelles générations sur les méthodes agricoles.

L’agriculture saharienne n’est pas durable. Elle a ses limites écologiques et économiques. Tôt ou tard, elle se «cassera la gueule». Les terres du nord continueront à perdre leur fertilité sous le double effet des labours et d’un élevage insuffisant. La steppe se tarira d’abord du peu qu’il lui reste de végétation, ensuite de ses moutons.

Les oasis péricliteront, peut-être quelques-unes seront épargnées du naufrage. Dans les montagnes, une poignée de paysans kabyles, rescapés du déluge continueront leur voyage à travers les âges.

Dans les Aurès, on cultivera des pommes, sur les monts de Tlemcen des cerises dans la steppe des oliviers et à Tipasa des fraises. Toutes des friandises hors de portée des modestes bourses et combien même, elles ne couvriront jamais les besoins en énergie des 50, 60 et rapidement des 100 millions de bouches à nourrir.

Dans le grand Sud, des chameliers continueront leur errance millénaire dans l’indifférence générale, qui comme celle d’aujourd’hui sera pareil demain. Dans les campagnes, les paysans accompliront la prophétie de Bourdieu : « le déracinement ».

Probablement que le pétrole coulera encore mais il sera juste suffisant pour alimenter l’industrie des « botés »,  fabriqués en série, pour exporter le seul surplus que nous serons encore en mesure de produire : les harragas.

Jeunes femmes et jeunes hommes, vous qui arrivez aujourd’hui, vous qui n’avez connu ni la misère ni l’angoisse de la guerre contre « le roumi » sachez que le temps de paix dans lequel vous vivez est illusoire car jamais abouti.

Un autre « roumi » est venu plus terrible que le premier. Il a mis à terre nos rêves de jeunesse pour une agriculture écologiquement viable, socialement juste et économiquement forte.

Il se prépare maintenant, par ce modèle agricole ou plutôt cet anti-modèle, à paver l’enfer dans lequel vos enfants grandiront et vous, vous vieillirez.

A vous de choisir entre nos rêves ou leur enfer. Nous, nous sommes vieux aujourd’hui, mais nous pouvons encore témoigner des temps passés et même s’il vous semble que nous radotons quelque peu, sachez que nous savons encore interpréter le présent et éclairer le futur. Agissez ! Nous avons encore la force de vous accompagner.

El-Hadi Bouabdallah, agronome retraité

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