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Quelle place et quel avenir pour notre agriculture ? (II)

Grand angle

Quelle place et quel avenir pour notre agriculture ? (II)

Pour ce qui concerne les plaines fertiles de la Mitidja et d’Annaba, tout le monde sait qu’elles furent les premières à être sacrifiées par les spéculateurs du foncier immobilier. Le bon exemple, c’est de faire un constat de la situation des anciens vergers situés entre Alger et Blida.

3.1 Pour la zone 1

L’élevage de bovins est tout indiqué. Il s’agit d’encourager et assister des entrepreneurs dans 50 fermes d’élevages de bovins dans des projets types pour 500 vaches laitières dont environ 425 génisses

  • Centre d’alimentation incluant fosses d’ensilage, stockage des aliments, salle de contrôle
  • Abris et structures de traite, y compris équipement
  • Traitement du fumier
  • Bureaux administratifs, garage et autres zones de stockage
  • Infrastructure – routes d’accès, approvisionnement en eau et systèmes électriques

En régime permanent une telle ferme atteindra une production de 26 L de lait/vache/jour donc une production annuelle de 4,8 millions de litres de lait frais durant la première année de production, atteignant jusqu’à 30-35 litres par la suite. Production annuelle de 4-5 millions de litres de lait, production journalière d’environ 14,000 litres. Emploi – environ 40 employés. Coût estimatif d’équipements d’un tel projet de ferme : 2.5 millions d’euros.

3.2 Pour la zone 2

Autrefois grenier à blé de l’empire romain, les hauts plateaux algériens font face à des aléas pluviométriques qui désormais doivent se tourner vers des exploitations irriguées.

Il me semble impératif d’aider les entrepreneurs de la région à réaliser des modules de 500 ha de champs ouverts de cultures irriguées (maïs, soja, graminées …) pour les centres d’alimentation des laiteries et des élevages de volailles pour deux cycles de croissance par an – environ 14 tonnes par an et par hectare (pour le maïs) avec environ 120 employés.

Le module de champs ouverts inclut les éléments suivants :

Préparation du terrain : défrichage, drainage

Infrastructures: électricité (connexion au réseau national, transformation et distribution), eau (forages, pompes, filtres, transport et distribution), routes internes

Mécanisation : tracteurs, planteurs, moissonneuses, pulvérisateurs, chariot de grains…

Centre logistique et de gestion : stockage et séchage de grains, véhicules divers, hangar pour intrants…

Système d’irrigation à pivot avec panneaux de contrôle électromécanique et système de gestion automatique qui dépend de l’ondulation du terrain et de la source d’eau ainsi que de la taille totale du terrain : une unité de pivot peut irriguer entre 0.5 et 5 hectares.

Tous les intrants, y compris les semences, les engrais, les produits chimiques et autres seront assurés aux agriculteurs de la région. De plus, un transport efficace pour transporter les récoltes des champs vers un centre de séchage et stockage est essentiel pour préserver un niveau élevé de production.

A l’Est le triangle Constantine-Sétif-Biskra pourrait être alimenté par les eaux du barrage de Beni Haroun et les autres réservoirs environnants.

Dans ce même triangle, il serait judicieux de développer l’arboriculture et notamment, consacrer progressivement 1 million ha à l’oléiculture sur 20 années qui offrirait environ1 million d’emplois directs ou indirects. Cette branche oléicole doit occuper une place importante dans la vie économique et sociale de notre pays eu égard à la tradition de plantation de l’olivier dans le centre et l’est de l’Algérie. La valeur nutritive de l’huile d’olives, la valeur des exportations, des emplois créés et les revenus engendrés, confère à cette activité une portée stratégique dans la conduite de la politique agricole du pays.

Nous présentons ci-après un business-plan succinct pour un hectare irrigué, avec occupation 1250 plants/ha.

Hypothèses: Infrastructure d’eau et d’électricité à proximité du terrain (investissements en transport et traitement d’eau non compris)

  • Pépinière mettant à disposition les meilleures variétés de plants
  • Plantation super intensive

Technologies:

Irrigation du type « goutte à goutte »

Plantation mécanisée guidée par satellite

Structure de palissage et tuteurage

Rendement d’huile par hectare:

  • 4ème année: 1.2 T
  • 5ème année: 1.8 T
  • 6ème année et plus: 2.2 T

Coût estimatif : 12,000 euros par hectare soit pour 1000 ha : 12.000.000 euros

Revenus à partir de la 6ème année : 8,700 euros par hectare (prix de vente de l’huile: 4 euros /L)

Cela revient à un revenu brut par hectare de 4,000 euros par hectare

3.3 Pour la zone 3

Les cultures sahariennes offrent d’innombrables possibilités si on leur accorde l’intérêt et les moyens nécessaires.

Dans le grand Erg oriental, plus précisément à Gassi Touil, déjà en 1990, Sonatrach avait effectué des essais de fermes céréalières avec des entreprises américaines qui ont produit plus de 80q/ha de blé utilisant des semences enrobées importées, pour sols stériles, utilisant l’eau de forages albiens à haute pression et refroidi par jets en l’air et irrigué par pivots circulaires mécanisés. Expérience pilote concluante : du blé dans un désert de sable. la continuité, il était prévu des plantations de palmiers dattiers, des cultures intercalaires de divers végétaux voire des élevages de bovins. D’aucuns pensant qu’il est plus rentable de recourir à l’importation, mirent fin à cette expérience sans hésitation.

Ainsi, il n’est plus nécessaire de démontrer les capacités de production de céréales irriguées dans les zones sahariennes. Cependant, il est opportun de parler des forages Albien qui apporteront l’eau profonde et des semences enrobées qui permettent l’usage des sols stériles. Les entreprises algériennes filiales de Sonatrach savent comment réaliser des puits albiens mais pour ce qui concerne les semences enrobées (nutriments et protection) l’Algérie doit investir et s’investir pour les produire en masse et qualité.

Concernant les autres cultures, maraîchères, oléagineuses, produits frais tout est possible et rentable. Les systèmes d’irrigation sont à parfaire et des investissements à consentir.

3.4 Pour la zone d’excellence

Pour toutes les raisons évoquées plus haut, l’Algérie a besoin de se doter d’une zone d’excellence en matières de recherche et développement agricole et d’élevage. Ce qui m’inspire, c’est une visite en 2000 d’un centre d’excellence en Illinois près de Chicago, où dans une ferme de plusieurs dizaines d’hectares se préparaient les nouvelles technologies de grandes cultures (graines, plants, OGM, fertilisants, pesticides, systèmes d’irrigation, semences, embryons, etc.).

Aujourd’hui, je suis convaincu qu’il faille, à pas de charge, rattraper un retard considérable sur les techniques avancées agricoles. C’est tout l’avenir du secteur agricole et la crédibilité d’un Etat qui se joue ici. Voici sommairement un programme de développement à lancer dans l’immédiat :

Une pépinière

Objectif : production de 1 500 000 plants annuellement (plants pour oliviers, pour arbres fruitiers et diverses légumes)

La pépinière de production s’étendra sur une surface d’environ 10 hectares où seront cultivées plusieurs variétés d’arbres fruitiers et de maraîchers. La pépinière fournira des plants pour les oliveraies, des végétaux de haute qualité adaptés aux divers climats locaux de l’Algérie.

Plants de légumes greffés et standards

Plants de cultures pérennes et herbacées

Plants pour arbres fruitiers (dont oliviers, amandiers, pistachier, noyers, etc.)

Ateliers centraux des techniques d’irrigation

Développement des techniques modernes d’irrigation

Laboratoire central aux prestations suivantes :

Santé animale

Production d’embryons et semences animales

Physico-chimie de l’alimentation animale

Physico-chimie des produits laitiers et dérivés

Physico-chimie et microbiologie dans les eaux et sols

Polluants organiques dans les eaux et sols

Centre d’études et de formation

Un centre d’études et de formation pour former jusqu’à 1000 étudiants par an dans différents domaines liés aux cultures et récoltes des diverses régions. Les études se tiendront en classes mais aussi dans les champs, les fermes, les exploitations tant sur le plan pratique que théorique.

Estimation du coût d’un tel projet

Pépinière (équipements) : 15 millions d’euros,

Laboratoire central : 5 millions d’euros (construction + équipements)

Centre d’étude et de formation : 4 millions d’euros (construction et équipements)

4. Comment emprunter un tel virage et par où commencer ?

Comme je l’ai précédemment écrit, deux composantes lourdes s’affrontent en l’Algérie : d’un côté les tenants de l’import-import et de l’autre côté des entreprises locales algériennes publiques et privées, des exploitants agricoles. Pour les consommateurs algériens habitués à consommer des produits importés, la culture de la préférence nationale n’est pas au goût du jour. De même qu’une grande majorité d’algériens considèrent la menace alimentaire comme une vue d’un esprit sombre : Le ciel pourvoira ! Le Venezuela, c’est très loin de nous !

Faut qu’il y ait une mobilisation citoyenne : Expliquer d’abord aux algériens ce qui se passe aujourd’hui et ce qui va nous arriver demain ! Alors, chacun de nous pourra contribuer aux luttes pour sauver notre pays, contribuer à inverser la tendance. Oui à l’abondance quand il s’agit de produits algériens ! Nous n’avons plus le droit d’ignorer que les importations de produits de consommation courante, enrichissent les oligarques et creusent notre tombe.

Savoir et s’impliquer pour veiller, prévenir, préserver, déjouer, protéger notre pays contre ses ennemis de l’intérieur et de l’extérieur qui le minent, l’exploitent, le dépossèdent, le pillent, le trahissent, l’affaiblissent. Prêter serment : plus jamais subir la menace de la famine qui flottait dans les airs des années 90 !

5.  Cet élan pour une relance du secteur peut-elle rétablir la confiance et rassembler les Algériens ?

Il s’agit d’abord d’engager une rupture avec notre mode de consommation alimentaire et rassembler notre peuple pour sortir définitivement d’une fragilité de dépendance alimentaire systémique qui menace notre existence.

Toutes ces mesures et actions ne sont pas forcement nouvelles, mais bien à notre portée et assurent, si elles sont réellement appliquées, une rupture avec le système rentier et une ouverture aux entrepreneurs agricoles algériens vers une économie réelle, une voie qui mène à l’espoir et à la confiance en l’avenir. Oui, une réelle relance du secteur agricole pourrait en partie renouer avec la confiance en l’avenir de notre pays.

Des signes d’espoir viennent cependant poindre à l’horizon. S’agit-il d’un feu de paille ou du scintillement permanent de notre bonne étoile ?

Jusqu’qu’en 2017, dans la wilaya de Ghardaïa, on a enregistré, durant la campagne moissons battage, une production de près de 155 000 quintaux de céréales sur une superficie emblavée sous pivot de 4 200 hectares, avec un rendement de 75 q/ha dans la localité de Hassi El Garaâ. La surface sous pivot consacrée à la production céréalière dans cette région, a connu une courbe ascendante. Des plantations d’oliveraies mécanisées qui apparaissent dans les wilayas de Chlef et Mostaganem sont des signes encourageant d’une amorce d’un renouveau du secteur agricole. Mais cela reste toutefois très insuffisant au vu des exigences à l’échelle nationale.

6. En conclusion, quel message aux Algériens

Débarrassé des idéologies passéistes socialisantes, le secteur agricole algérien pourrait retrouver ses titres de noblesses. Les campagnes et les villages ainsi que les oasis pourraient ne plus être ces lieux sinistrés de désolation, où le chômage et la précarité n’ont engendré que des contrebandiers notoires, ou des candidats aux œuvres basses des groupes islamistes extrémistes.

Les retombées économiques de la relance du secteur agricole pourrait repeupler ces villages abandonnés dans les années 90, faire revivre ces terres en jachère permanente, diminuer l’exode rural, convertir peut être ces arachnides fortunés de l’import &import des produits agricoles, en entrepreneurs dans le secteur et redonner enfin à l’Algérie une souveraineté perdue.

Il s’agit en définitive d’engager :

  • Une politique économique fondée sur le compter sur soi avec la R&D

Fusionner définitivement les ministères de l’agriculture, de l’hydraulique et de la pêche. Non aux importations qui nuisent notre développement agricole. Accompagner fermement les exploitants agricoles et les PME/PMI agro-industrielles.

  • Une politique agricole intégrée : Il est éminemment salutaire pour l’Algérie de s’agripper à une véritable politique agricole intégrée visant à croître ses capacités de production, densifier la matrice des activités, promouvoir les intrants et des produits agricoles algériens de qualité, produits et commer­cialisés à l’intérieur et à l’extérieur du pays, réduisant progressivement le déséquilibre de notre balance économique.
  • Mobilisation des compétences : mobiliser les compétences nationales autour du secteur agricole et attirer les techniciens et ingénieurs. Adapter et Développer les techniques modernes dans le secteur agricole (techniques d’irrigation, production de plants adaptés et semences, fabrication d’embryons d’espèces sélectionnées, graines OGM, etc.)
  • Partenariat national : Partenariat Public Privé (PPP), Aménagement de zones agricoles, réalisation de forages hydrauliques et approvisionnement en eau, gaz, électricité solaire.
  • Partenariat international : Engager des Partenariats d’exception à long terme avec des pays comme les USA, l’UE, la RP de Chine, la Corée du sud, l’Inde, le Brésil… Transfer de know-how. Adapter nos lois et nos codes pour attirer des partenaires investisseurs.
  • Plan « Marshall » pour l’agriculture : Plan de relance de grandes exploitations agricoles privées dans les céréales, les oliveraies, les cultures industrielles. Mise à disposition au profit du secteur agricole +60% ressources hydriques disponibles (barrages, forages, puits albiens…) avec une modernisation de systèmes intensifs d’irrigation. Encouragement des fermes d’élevage intégré (300-500 vaches de traite). Production d’aliments pour animaux d’élevage et poissons. Cultures sahariennes et intercalaires. Relever hautement le niveau technique des agriculteurs et des fermiers. Proposer des AGF (5) aux exploitants agricoles. Expansion de l’exploitation des ressources halieutiques notamment par une modernisation de la flotte, d’une formation pour les pécheurs et les éleveurs aquacoles.
  • Aménagement des marchés de gros et de zones agro-industrielles

Nous devons impérativement saisir nos valeurs et nos principes pour reconstruire un nouveau monde rural ouvert à l’innovation et au développement des techniques modernes, conjuguant enfin, la productivité et l’enrichissement par le travail et la production.

Cette contribution se veut participative, cherchant relais et soutiens pour élaborer ensemble une nouvelle politique nationale agricole tournée vers l’avenir.

 (*) Lies Goumiri est docteur d’Etat ès-sciences de l’Institut National Polytechnique de Grenoble (France) et diplômé de Sciences Po Paris. Il a occupé d’importants postes dans l’administration centrale, CEO dans plusieurs entreprises publiques et privées et institutions internationales. Il a été associé à plusieurs missions de l’ONUDI et enfin consultant pour divers organismes et sociétés étrangères asiatiques.

Auteur
Liès Goumiri (*)

 




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