L’actualité en France et en Europe, à la fin du premier quart de ce XXIe siècle, nous donne l’occasion de nous pencher sur ce qui se passe dans le domaine des comportements sociaux dans les sociétés humaines au niveau des Etats, au niveau des nations.
L’objet de cet article se doit d’être limité, étant le fruit de la subjectivité individuelle. A l’origine, en regardant les résultats électoraux en Europe mais plus particulièrement en France, il y a cette assertion, souvent entendue, que l’Histoire se répète ! Ainsi en France, précisément, l’été 2024 serait une sorte de répétition de juillet 1940 ! Certains pourront ajouter que les répétitions d’ordre historique ne sont que partielles, se produisant en particulier à des époques et suivant des circonstances bien différentes. Le contenu de cet article va être pour l’essentiel le suivant : bref retour sur juillet 1940 et juin-juillet 2024. Présence des dominants et de dominés, à travers le temps. La stratégie des dominants face aux dominés.
Comment se comportent les dominés vis-à-vis des nantis de pouvoirs et de biens. Réflexions et propositions pour plus de démocratie, de justice sociale, de meilleure répartition des richesses produites par l’ensemble des humains. Pour un meilleur, vivre ensemble.
Deux dates, deux situations différentes
Juillet 1940 : La poignée de main de Pétain à Hitler symbolise le bon accueil de l’extrême-droite française au nazisme. Ce fut l’aboutissement de l’affaiblissement du Front Populaire de 1936. Ce dernier devait son existence non seulement à l’entente relative entre la SFIO, le PCF et le Parti Radical mais surtout au mouvement social des victimes du capitalisme : les travailleurs, les exploités, essentiellement, des grandes et moyennes entreprises. Puis c’est le gouvernement conduit par Blum qui ne se montre pas solidaire de la République Espagnole alors que parallèlement les nazis allemands et les fascistes italiens viennent renforcer Franco, adversaire de ladite République.
Succéderont alors à Blum, un autre, radical- socialiste Chautemps, puis à nouveau Blum et enfin le radical-socialiste Daladier qui ira à Munich, cette rencontre, bénéfique à Hitler, permettant à ce dernier d’être à l’origine de la guerre mondiale 39-45. Pas étonnant que le successeur de Daladier sera l’homme de droite, Paul Reynaud, lequel refusera de serrer une main d’Hitler.
Après cela, cette guerre de 39-45, la Résistance, la présence bien comprise du Parti des Fusillés dans la Libération de notre pays, la première place de ce Parti dans les élections à l’issue de cette Libération, ne va pas servir de leçon à l’allié de gauche qui va préférer une entente avec le MRP (centre-droit) et obtenir le poste de président du Conseil. Blum à nouveau c’était mieux que Thorez ou un représentant de ce Parti des Fusillés ! En 1947, les ministres communistes sont même exclus du gouvernement après les implications majeures de ceux-ci dans ce modèle social français qu’ont été notamment, Ambroise Croizat et Marcel Paul.
Il s’agit de la création de la Sécurité Sociale et renforcement du domaine public avec plusieurs nationalisations. A la Libération, l’extrême-droite est plutôt faible et le Parti Communiste est la première force politique !
Juin-juillet 2024, la situation bien différente de celle d’octobre 1945. A droite, son extrême est la première force ; quant à gauche, le parti communiste est la force qui pèse le moins au sein de ce nouveau Front Populaire. L’anticommunisme ! Rien de tel, semble-t-il, pour générer et offrir le pouvoir à l’extrême-droite !
Présence des dominés – des dominants à travers le temps
Leur appellation l’indique les dominants sont aux commandes dans les sociétés humaines et cela pratiquement tout le temps ! Ils sont pourtant nettement minoritaires. Durant cette monarchie en France qui va de Clovis à Louis XVI, soit pendant plus de treize siècles, les dominants que sont la noblesse et le clergé ne représentent qu’un cinquantième de la population totale du pays.
Les dominés n’apparaissent dans le passé historique dans les pays dont le nôtre que durant de brèves périodes que sont les révoltes, les jacqueries, les révolutions. En France, il y eut les jacqueries dans le monde paysan, les révoltes en ville, à Paris, notamment, durant lesquelles en notre capitale, les rois et leur cour allaient se mettre à l’abri au château de Vincennes, par exemple.
Quand le peuple réprimé avait compris qui était le plus fort, que le calme était revenu, les dirigeants des dominants reprenaient leur place ! Voici quelques éléments, quelques périodes où les dominants ont eu maille à partir avec les dominés qui n’en pouvaient plus des contraintes imposées par les dominants, manifestaient, résistaient, arrivaient à prendre le pouvoir, même brièvement. La Révolution Française ! Elle dure dix années : 1789-1799.
Durant cinq années : 1789-1794, jusqu’à la disparition de Robespierre, les dominés seront à l’origine de profonds changements dans notre pays. Ils vont impressionner les peuples du monde entier. Durant les cinq années suivantes, progressivement les dominants vont reprendre le pouvoir, personnifié ensuite par Bonaparte, Napoléon. Après, plus tard, c’est une nouvelle révolution, celle de 1848 ; une brève période d’un peu moins de quatre ans : de février 1848 à décembre 1851.
L’intervention des dominés va mettre fin à la monarchie de juillet. Louis-Philippe 1er va abdiquer. Sera proclamer la 2è République. Les trois valeurs républicaines Liberté, Egalité, Fraternité apparaitront au fronton des édifices publics, l’esclavagisme, aboli par les révolutionnaires en février 1794, rétabli par Napoléon en mai 1802, va être, définitivement aboli en avril 1848. Cette Révolution va connaitre sa fin avec ce Coup d’Etat en décembre 1851.
Son auteur, le Président élu, futur empereur, Napoléon III. Autre événement d’importance notoire, la Commune de Paris en 1871 : 18 mars- 28 mai. Les dominants à nouveau républicains avec à leur tête, Adolphe Thiers sont dominés par leurs collègues allemands… Le peuple de Paris proclame la Commune de Paris.
Les dominés en deux mois et 10 jours changent radicalement la société à Paris, la démocratie sociale est localement, la réalité. Les dominants, en force, reprenne le pouvoir ; c’est la répression, la semaine sanglante à Paris. Cette répression, cette victoire des dominants à laquelle est associée, la religion catholique va être symbolisée, magnifiée par l’édification à Paris sur la Butte Montmartre de la basilique du Sacré-Cœur. Par ailleurs, à noter qu’en une semaine à Paris autant de victimes qu’en France au cours des dix années de la période révolutionnaire.
Dans notre France, les monuments, les voies urbaines portent davantage les noms de Napoléon, de Thiers que celui de Robespierre. Notre France, une démocratie, certes mais une démocratie bourgeoise, une démocratie des dominants. En 1905, un autre événement, lui aussi d’importance, va contrer la complicité du religieux et du politique des dominants, va interrompre la contribution des deniers publics au fonctionnement du domaine religieux. Ce sera la Loi dite de séparation des Eglises et de l’Etat. Pourtant les dominants n’ont, depuis, cessé de bafouer cette loi.
Ainsi à l’issue de la guerre de 1914-1918, l’Alsace et la Moselle redevenues française n’ont pas rejoint la laïcité de notre pays, le Concordat napoléonien est la Loi. Les deniers publics assurent pour une bonne part le fonctionnement du domaine religieux. De plus, en décembre 1959, la Loi d’aide à l’enseignement privé dont essentiellement le religieux est une réelle subvention à un culte.
Nous voici maintenant en 1936, le Front Populaire avec l’intervention du mouvement social va contrer les dominants. Pourtant la compromission rampante de ce front avec les droites et à l’internationale (Munich en 1938) va aboutir à l’Etat Français de Pétain ; exit donc la République. Pourtant cette situation de la collaboration avec l’occupant allemand ne va pas empêcher la Résistance dont celle des Francs-Tireurs-Partisans.
A la Libération, les dominés d’hier vont être partie prenante déterminante du gouvernement. Des avancées sociales notoires sous ce gouvernement en 1945- 1946 vont permettre aux dominés d’être moins dominés ! Ceux-ci vont à nouveau se manifester en 1968, sans toutefois mettre en cause le pouvoir des dominants. Ces derniers sont toujours aux commandes, actuellement. Notre démocratie est au moins du type, régime autoritaire. C’est le moins que l’on puisse dire.
Comportements des deux protagonistes
Maintenant, des éléments du comportement, de l’attitude des deux protagonistes.
Tout d’abord, la situation chez les dominants. Le moins que l’on puisse dire c’est que leurs composantes sont en concurrence. Cependant face aux dominés, ils sont en convergence, sinon unis. Ils ont l’intelligence de la situation. L’attitude aussi des dominés leur est tout à fait bénéfique. Ils peuvent de plus compter sur des structures, sur des comportements, des valeurs sociales présentes depuis la nuit des temps. Les dominants peuvent compter dessus.
Ainsi sont, par exemple, bienvenus le patriarcat, les religions, l’anticommunisme, la xénophobie et le racisme… Ainsi le patriarcat apporte avec lui la soumission, les inégalités en tous les domaines… Les religions contiennent ces contraintes bénéfiques pour l’exploitation humaine que sont les obligations, les interdictions et pour certaines, l’apologie de la souffrance, le fatalisme…
L’anticommunisme en France se nourrit des dérives à l’encontre de la démocratie, à l’extérieur de notre pays. Il permet ainsi le renforcement de toutes les forces plus ou moins proches des dominants.
Par ailleurs, quelle force politique en France peut se présenter comme n’ayant aucune trace de sang sur les mains ? Je laisse le soin au lecteur de répondre à cette question. La xénophobie et le racisme viennent à point pour nourrir l’extrême-droite, le colonialisme… Avec ces alliés, avec leur intelligence les dominants ont tous les atouts pour que perdure leur domination…
Et maintenant, ce qui se passe chez les dominés, leur attitude, leur comportement. Le sujet mériterait que l’on s’y attarde bien plus que ces éléments, présentés ci-après. Entre les dominés, c’est la désunion. Il semble ne pas se rendre compte que cette désunion ne les sert pas, bien au contraire. Leur égocentrisme fait le jeu des dominants. Diviser pour régner est un adage bien connu. Les dominants en profite.
Quant aux dominés, ils persistent dans leur division. C’est le cas dans les syndicats de salariés. Ces derniers seraient tellement mieux pris en compte par le patronat en étant au sein d’un seul syndicat. Il faut dire que l’intelligence des dominants sait ce qu’il faut faire pour que cette multiplicité syndicale persiste.
Au sujet de cette pluralité syndicale, notons l’intervention tout au moins indirecte de proches des dominants. Ainsi en 1924 la création de la CFTC avec l’aval de l’Eglise Romaine. Et en 1948, l’aide précieuse de la C.I.A. permettant la création de Force Ouvrière. Bref l’intelligence des directions syndicales est pointée du doigt. Toujours dans le domaine des entreprises, le faible taux de syndicalisation interroge.
Cette situation est-elle le fruit du chacun pour soi, du fatalisme, de la débrouillardise, de l’égoïsme individuel. Toutes, il est nécessaire de le dire, font le jeu du patronat ! Quant aux partis politiques, les circonstances liées à l’Histoire, à l’actualité récente, expliquent leur multiplicité.
Certains admettent que la domination des dominants va perdurer. Ceux-là ne sont pas contre l’union des dominés, de l’union de la gauche ; par contre le goût du pouvoir les conduit à accepter leur participation en lien avec certains dominants. Ce sont des réformistes. D’autres sont plus révolutionnaires, sont contre le capitalisme des dominants.
Plus de convergence entre eux serait souhaitable. A quoi sert d’être au sein de groupes, très minoritaires. Aux membres de chacun d’eux de s’interroger sur les conséquences du « chacun pour soi » face aux dominants !
Pour terminer, concernant les dominés et ce, relativement, dans leur combat contre le système du capitalisme. Ceux-ci s’en prennent davantage aux conséquences du capitalisme qu’aux causes, qu’au capitalisme lui-même. On peut penser qu’une telle démarche n’est efficace qu’à court terme et il alimente, d’ailleurs, la persistance de ce système prédateur.
Un autre futur est-il envisageable ?
Il y a nécessité tout d’abord d’alimenter diverses réflexions sur le changement envisagé. Le système économique du capitalisme est particulièrement visé. Il est responsable de l’évolution catastrophique du vivant, du climat sur notre planète. S’agissant du système prédateur, il y a nécessité de s’en prendre aux prédateurs au sommet de la pyramide : ce sont, en particulier, les actionnaires des entreprises.
Par ailleurs, il y a la nécessité que toutes les structures syndicales et politiques et ce sans exclusive, se rencontrent, se concertent. Aucun intérêt à rester à l’extérieur de cette convergence, sinon à donner raison aux dominants pour qui la division est hautement souhaitable.
Face aux dominants, il y a nécessité pour les dominés d’être unis même si des divergences existent. Que continuent d’exister plusieurs structures syndicales et politiques, pourquoi pas ! Par contre il y a nécessité de structures de convergence.
Ne pas permettre aux dominants de profiter de la faiblesse des dominés. Par ailleurs les alliés des dominants que sont les religions, le patriarcat, l’esprit colonial, la xénophobie et le racisme devront être sérieusement mis en cause. Les outils pour un meilleur vivre-ensemble devront être mis en œuvre ! Plus de présence du sens des responsabilités et moins d’égoïsme de chacun sont hautement souhaitables ! C’est l’avenir de l’humanité et de notre planète qui est en jeu !
Fred Brûlé