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Qu’est-ce « qu’İssaba » en Algérie et sur l’Algérie ?

OPINION

Qu’est-ce « qu’İssaba » en Algérie et sur l’Algérie ?

Pour communiquer avec l’au-delà, les Gaulois interpellaient des druides chargés de réglementer les conflits internes, d’accompagner les détresses humaines par l’exercice de la justice et l’entretien de croyances prédisant que le ciel tomberait sur les têtes celtiques lorsque s’affaisseront les colonnes panthéoniques soutenant la voûte céleste.

Une peur équivalente semble aujourd’hui inquiéter en Algérie un vice ministre de la Défense craignant que les coups de boutoir « hirakistes » effondrent, vendredi après vendredi, les assises du système, que l’écroulement de ses appareils annonce la fin d’un monde dans lequel les ordonnateurs de l’ici-bas décident de la pluie et du beau temps, verrouillent à double tour les médias anti-flagorneurs et enferment pareillement les gêneurs de tous bords.

Pendant que la Bande (el İsaaba) d’escrocs et de manipulateurs végète en prison ou au tribunal de Blida, d’autres ligues mobilisent les énergies, défilent en rangs serrés depuis plus de six mois, réclament à tue-tête un changement radical mais se retrouvent, via un énième glissement sémantique, assimilées aux anciens conspirateurs de l’ordre établi. La grossière comparaison, dont seuls les propagandistes zélés ont la recette, sème volontairement le trouble, brouille les entendements de manière à focaliser l’objectif sur une Présidentielle synonyme de sauvegarde du régime.

Principale armature de celui-ci, l’Armée tente, à partir du Haut commandement, de re-sceller les piliers du temple. Elle empêche de la sorte que coulisse sur les roues libres de la transition le renversement démocratique attendu, qu’un réel renoncement mette en sourdine le Panel coopté afin d’arrimer le dialogue à un scrutin redonnant aux décideurs la légitimé totalement perdue le 09 juillet dernier.

Cette capture d’écran là figera les séquences contestataires, les rembobinera en consensus mou. En lieu et place de celui-ci, nous préconisons toujours la signature d’un protocole d’accord à obtenir après une confrontation entre les membres de l’état-major et un comité provisoire composé d’historiques, militants de terrain et intellectuels.

Ce tronc commun négociera pied à pied face à des interlocuteurs le dos au mur dès lors que les manifestants battront le pavé plusieurs jours de suite. Les rassemblements pourraient alors faire craquer de l’intérieur la « Grande muette », assurément fragiliser les certitudes d’un corps en apparence uni. İl est en réalité constitué de femmes et hommes aux visées carriéristes distinctes, traversé de maux affectant l’ensemble de la société.

Aussi, la distribution des tracts aux policiers en faction lors des défilés urbains (tracts accrocheurs sur lesquels seraient inscrits que, contrairement aux privilégiés de la nomenklatura, ils n’ont pas les moyens d’envoyer filles et fils étudier à l’étranger, que le « Hirak » leur garantira justement une meilleure éducation en Algérie) les inciterait peut-être à rejoindre mentalement le soulèvement général.

Revenir aux vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves (jouer notamment sur la corde sensible) permettrait sans doute d’orchestrer une stratégie susceptible de rivaliser avec les manœuvres de roublards rompus aux déstabilisations, passés maîtres en termes de divisions et fakes news. À l’encontre du pilonnage « Une présidentielle dans les plus brefs délais », il faudrait en effet marteler « Primauté du civil sur le militaire », insister continument sur ce message.

Tant que les généraux ne seront pas évincés de la scène décisionnaire, dévoiements, embrouilles et enfumages annihileront les volontés de rupture, saperont la décantation des champs politique, économique, culturel et artistique Donc, avant de multiplier les propositions de sortie de crise par le biais d’acronymes ou collectifs (Pacte de l’alternative démocratique, Forces du changement, Charte pour une perspective démocratique ou Avant-projet de charte citoyenne pour une Algérie libre et démocratique, Alliance des démocrates algériens de la diaspora, İnstance de médiation et de dialogue, Forum des élites pour le mouvement populaire, Observatoire national de la société civile, etc…), il nous paraît préférable de s’adresser d’abord à « Dieu » plutôt qu’à ses saints.

Ne plus tergiverser, tourner en rond ou autour du pot, c’est prendre la voie rapide de la négociation, aller au vif du sujet, s’entretenir les yeux dans les yeux avec une tutelle hiérarchique à caserner, à recentrer sur ses prérogatives, faute de quoi s’abattront en Algérie et sur l’Algérie non pas le plafond de verre ou une Révolution : seulement les ruissellements de l’identique sous les artifices du nouveau.

Auteur
Saâdi-Leray Farid. Sociologue de l’art

 




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