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Questions sur l’affaire Ayache : un mort qui ouvre les yeux des vivants

POLEMIQUE

Questions sur l’affaire Ayache : un mort qui ouvre les yeux des vivants

Sans prétention aucune et loin de toute spéculation, j’espère à travers ce retour d’expérience offrir aux lecteurs quelques éléments d’information et une certaine vision sur le malheureux évènement  qui a ébranlé les Algérien(e)s : la chute d’Ayache dans un puits orphelin, sis au village Oum Echemel dans la commune de Houamed (Msila). 

L’énigme du chameau qui passe par le chas d’une aiguille

Ayache a rendu l’âme, Dieu seul sait en combien de temps, après avoir fait une chute spectaculaire d’environ 100 pieds (30m) dans un  puits artésien en décembre 2018. Cet évènement recèle un sens énigmatique dont la clé semble perdue du fait que la victime était supposément en solitaire. Qui sont les enfants qui ont donné l’alerte et sont-ils auditionnés ? Est-ce possible d’entendre des cris (onde acoustique transversale) dans un tube à 100 pieds de profondeur ? À qui appartient ce puits désaffecté voire sans dispositions sécuritaires ?

Comment la victime s’est rendue à l’intérieur du puits ? Selon des sources concordantes, Ayache est âgé de 26 ans et il a une carrure moyenne; quant au tube d’acier, il fait 35 cm de diamètre.

Les données anthropométriques d’un homme comme Ayache révèlent une largeur des épaules (biacromiale) qui dépasse 16 pouces (40 cm). Par quel miracle Ayache s’est engouffré dans ce tube ? Cette incohérence permet de dire qu’il n’est pas irrationnel de penser à un acte de malveillance. Seule une enquête pourrait répondre à ces interrogations afin que ce mystère ne reste pas entier.

Démêler le vrai du faux

Assurément le puits en question est un véritable espace clos avec une voie restreinte d’accès qui est la bouche. Il y a des risques pour quiconque y pénètre en raison de sa conception, de son atmosphère, de l’insuffisance de ventilation naturelle, de l’obscurité, d’éventuelle présence de gaz délétères et d’autres risques.

Il existe trois façons de faire le sauvetage en espace clos à savoir : l’auto-sauvetage, le sauvetage de l’intérieur et enfin le sauvetage de l’extérieur. L’option sauvetage de l’extérieur a été retenue en écartant les deux autres qui sont impossibles.

Le cas d’Ayache nécessite un sauvetage technique, soit un plan, des moyens matériels spécifiques, une formation en espace clos des intervenants et une supervision adéquate. Pour ainsi dire, tout pompier n’est pas nécessairement sauveteur. Le directeur de l’information de la DGPC a déclaré ce qui suit : «Tous les protocoles et délais d’intervention ont été respectés pour sauver le jeune Ayache…». Malheureusement, l’opération s’est soldée par un échec! Le sauvetage en espace clos doit se faire (sans délai et sans protocole) en d’autres termes, il suffit de mettre en œuvre un plan tactique éprouvé et des moyens appropriés pour éviter toute improvisation.

Le sens de la déclaration du responsable de la DGPC est très ambigu voire peu cordial envers le retour d’expérience et ce malgré l’existence de plusieurs lacunes organisationnelles qui sont à déplorer!

Les lacunes évidentes versus le gros bon sens

Le sauvetage technique s’est transformé en sauvetage conventionnel avec pelle et pioche.  Pour dégager autour du tuyau, il fallait recourir au service d’une mini excavatrice qui fait gagner  du temps.

Le pompage de l’eau n’a pas été optimal et l’excavation n’a pas été raisonnablement asséchée pour éviter l’instabilité des parois et les éboulements.

La zone de danger ou zone rouge n’a pas été balisée avec un périmètre de sécurité ce qui dénote l’absence de fermeté. Comme conséquence, les nombreux curieux n’ont pas été éloignés du bord surplombant l’aire d’intervention, ce qui a mis de la pression supplémentaire sur les intervenants.

Dans le feu de l’action, expédier ou laisser des hommes aller au fond d’une excavation profonde sans que les parois ne soient étançonnées où sans que les pentes ne respectent l’angle de repos du sol est de la négligence criminelle. C’était lamentable de voir des personnes au fond de ce trou insécure! Dieu merci, les intervenants n’ont pas subis d’ensevelissement.  

A propos de la déclaration suivante : «La première mesure a été de l’alimenter en oxygène  lui permettant ainsi de survivre pendant 5 jours», c’est techniquement inadéquat. Pour maintenir Ayache en vie, il fallait avant tout  s’assurer qu’il y a un déficit d’oxygène de moins de 19,5% puis de ventiler avec plutôt un air respirable. L’usage d’un détecteur de 4 gaz permettant le  mesurage de l’oxygène et d’autres contaminants doit être prévu et, au besoin, les résultats de celui-ci peuvent servir pour références futures.

Le recours à la caméra thermique qui avait permis la localisation de la victime aurait pu être remplacée par l’usage d’une caméra d’inspection telle que l’on utilise dans les drains et canalisations. Cette dernière est en mesure de transmettre en direct des images parlantes. Quant à la caméra thermique, elle sert pour la localisation d’un corps, cependant elle peut induire l’observateur en erreur ou causé une déflagration en cas d’atmosphère explosive et si le modèle utilisé n’est pas antidéflagrant

L’essentiel en abrégé

Si Ayache n’a pas instantanément succombé à ses blessures lors de sa chute alors, les conditions dans lesquelles a passé ses derniers jours sont indescriptibles. Pire qu’une tombe, le tube d’acier dans lequel a rendu son âme est rouillé de l’intérieur : la rouille et les bactéries consomment l’oxygène du puits et sont derrière la déficience de cet élément vital.

En raison du coincement de la victime dans une fâcheuse position, le syndrome «Bywaters» ou syndrome de compression en concomitance avec la déficience en oxygène et de son état psychologique détérioré sont capables de l’achever en très peu de temps.

La mort d’Ayache ne sera pas vaine. Les premiers répondants doivent se servir de cette tragédie comme piédestal pour améliorer leurs compétences en matière de sauvetage en espace clos.

En situation de catastrophe, il faut savoir communiquer et  rendre les faits intelligibles au lieu d’accentuer la nébulosité. Un bon communiqué de presse est apprécié comparativement à la «tchatche».  

Le cercle vertueux symbolisé par l’acronyme PDCA  ne signifie pas «Prière de ne rien changer à la démarche», mais il vise  l’amélioration. A savoir : s’organiser, se former, s’entraîner, se corriger et s’équiper pour faire face aux risques atypiques.

D.G.

Ici-bas un schéma des grandeurs anthropométriques  
 

 

Auteur
Djamel Gaham, spécialiste en espace clos

 




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