La chaîne d’information en continu, Cnews, a annulé dimanche, à la toute dernière minute une interview dans l’émission «Face à Rioufol» avec Ferhat Mehenni, leader du MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie), Ferhat Mehenni.
C’est une première dans un média privé français ! Ferhat Mehenni, opposant au régime algérien, a été censuré par la chaîne d’information Cnews. Comment est-ce possible dans un pays qui se targue d’être le sanctuaire de la liberté de la presse ? Qui peut être derrière cette censure en règle de Ferhat Mehenni, président du Mouvement pour l’indépendance de la Kabylie ?
Une vidéo prise dans les coulisses du plateau montre Ivan Rioufol, journaliste de la chaîne qui explique ne rien comprendre aux raisons de cette annulation soudaine. Il soutenait que la direction était au courant depuis une semaine. On voit également Ferhat Mehenni était déjà présent sur les lieux prêt à passer à l’antenne. C’est dire que la décision d’interdire le passage à l’antenne de Ferhat Mehenni a été prise à la dernière minute.
«C’est la première fois que cela arrive. Invraisemblable. Je pense qu’il y a dû avoir une pression d’Alger» s’étonne Rioufol face à un Ferhat Mehenni interrogateur avant de lancer : «C’est l’Elysée… L’Algérie a dû intervenir».
Le président du MAK, Ferhat Mehenni, a pris la parole en rendant public une vidéo d’une vingtaine de minutes, où il commence par remercier la chaîne française de l’avoir reçu pour ensuite s’exprimer sur les principaux points défendus par son mouvement.
Le bras long d’Alger ?
Les supputations ont enflammé la toile au sujet de cette censure en règle. Même si aucune raison n’a été avancée par la chaîne de télévision pour justifier cette annulation, tout porte à croire qu’on peut y voir un lien avec le réchauffement des relations entre Alger et Paris. Certains supputent, comme l’a déclaré Ferhat Mehenni, un appel de l’Elysée à Yannick Bolloré, propriétaire de la chaîne et par ailleurs ami des présidents.
Si cela s’avérait vrai, ce qui est au demeurant très probable, puisqu’aucune autre raison ne nous paraît justifier cette censure, il y a lieu de s’interroger sur l’influence du régime sur Paris. Le bras long d’Alger peut donc frapper partout.
La diffusion de cette émission à une semaine avant la visite de la Première ministre française, Elizabeth Borne, en Algérie aurait pu irriter le régime algérien qui d’ailleurs qualifie le MAK d' »organisation terroriste ».
Ce précédent va-t-il nous replonger dans les années sombres où des opposants étaient assassinés à l’étranger ?
Rappelons-nous en 1987, Ali Mecili, bras droit de Hocine Aït Ahmed, a été assassiné au cœur de Paris. Son auteur n’a jamais été arrêté. Et Aït Ahmed avait désigné les services algériens comme étant les auteurs de cet assassinat. Krim Belkacem a été étranglé par des éléments de la Sécurité militaire le 18 octobre 1970 dans sa chambre en Allemagne. Mohamed Khider a été abattu à Madrid le 3 janvier 1967.
Beaucoup voient en effet dans cette décision une tentative de préserver l’entreprise de restauration des relations avec l’Algérie à la veille d’une éventuelle augmentation des livraisons de gaz algérien vers la France, directement concernée par la crise énergétique qui inquiète l’Europe.
Tout porte à croire que non seulement la liberté de la presse en a fait les frais mais aussi et surtout que Ferhat Mehenni a fait les frais de ce rapprochement entre les deux pays. Cette censure pourrait augurer de nouvelles actions visant à empêcher les activités de l’opposition de la diaspora algérienne en France.
Sofiane Ayache