Pour Larbi Chenafi, cet homme pas du tout ordinaire, tout était prétexte pour créer l’évènement, et bien entendu l’animer avec l’incroyable talent qui fut le sien.
Dire vrai, Larbi Chenafi, que chacun de nous désignait uniquement par son nom de famille, était tout simplement cet esprit et cette nature qui avait viscéralement horreur du vide pour ainsi, durant ces belles années de notre tendre jeunesse, l’avoir vu exceller dans l’art de tordre le cou à l’ennui, l’oisiveté et l’attentisme qui accablaient manifestement la vie de toute une jeunesse dans nos villages d’Ath Yenni.
Inutile de rappeler qu’en ce temps-là, on n’avait, pour fuir un quotidien parfois lassant, que cette unique chaine de télévision RTA dont les piètres programmes nous donnaient plutôt des haut-le- cœur. Et pourtant nous étions heureux car on pouvait beaucoup compter sur Larbi, ce grand garçon du village, ce type décrit par tous de merveilleux, qui veille, comme toujours, pour concocter un sympathique programme culturel ou sportif pour égayer la vie des villageois.
Il fallait bien reconnaitre qu’il avait plusieurs cordes à son arc pour ne plus jamais s’étonner en le voyant régulièrement intervenir sur plusieurs registres.
N’était-il pas le premier des nôtres à encourager la création artistique en étant celui qui a su ingénieusement mettre en place ces scènes de spectacle en bois pour permettre à nos artistes émergents de se produire plus confortablement et surtout d’avoir un retour direct du public sur leur prestation ?
Bien sûr, Larbi devait être présent à son poste pour jouer, comme à l’accoutumée, ce rôle d’animateur qui lui était exclusivement et légitimement réservé car c’était simplement la meilleure assurance de découvrir ce spectacle attendu de tous. Il savait pour cela jouer sur la surprise et trouver les mots qu’il faut pour merveilleusement susciter l’émotion auprès du public.
Un sympathique verre dans le nez qui est déjà légèrement monté à la tête, Larbi débordant d’énergie s’empare, du micro pour nous offrir un show bien unique où se mêle l’humour, la poésie, la JSK et même souvent le bon sens. Il n’omettait d’ailleurs jamais, comme pour valoriser outre mesure, de présenter l’artiste du jour comme étant la crème de la crème des artistes.
Durant ces inoubliables soirées, on n’arrêtait pas de dire que les absents avaient complétement tort d’être ailleurs pour n’avoir pas , comme nous tous, pu vivre ces ambiances qui étaient un vrai régal.
Qui n’a pas encore en tête ces nombreuses compétitions sportives pour ainsi parler de ces matchs de football intervillages ou inter-quartiers qu’il a su, dans des conditions peu appropriées et avec des moyens bien insuffisants, organisé pour répondre aux besoins criants des jeunes et moins jeunes en mal de loisirs sportifs ?
Permettez-moi de rappeler ce mémorable match en nocturne qu’il a que trop bien préparé, et que nous avons eu l’énorme plaisir de le voir se dérouler au stade d’Ath Frah. Il faut peut-être noter qu’il a, pour cela, beaucoup compté sur la grande complicité du cher et regretté Rabah Herbi, l’ami de tous, qui a généreusement apporté des solutions logistiques en assurant le transport des joueurs dans son utilitaire Mazda et l’éclairage des lieux par le groupe électrogène de son atelier de ferronnerie.
En ce temps qui ne date pourtant que d’avant-hier, aux yeux de nombreux jeunes, Larbi était autant le plus et le mieux informé de toutes ces actualités pour curieusement et attentivement lui prêter l’oreille. A raison, Il faut reconnaitre qu’on écoutait là un homme d’une intelligence avérée qui manie avec brio l’art de la narration et de la diffusion de l’info qu’il savait subtilement remettre au goût du jour en la mettant à sa sauce.
Certain découvrent tardivement que Larbi fut, sous le pseudonyme de Larbi Berber, rédacteur de nombreux articles de presse au profit du quotidien national « Liberté ».
D’une bonne surprise à l’autre, on comprend alors pourquoi notre phénoménal bonhomme séjourne encore et toujours dans nos cœurs et nos esprits. Bien heureux alors qu’il ne soit pas trop tard pour dire, à notre vrai artiste, merci pour toutes les bonnes doses de bonheur qu’il nous a tous donné.
Yazid Sadat