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Rachid Boutoudj : « Rien ne peut désancrer la littérature algérienne d’expression française »

Rachid Boutoudj
Rachid Boutoudj

Rachid Boutoudj est titulaire d’un doctorat en électronique à l’Université des Sciences et technologies de Lille, il vient par bonheur de publier chez, Le lys bleu, un beau recueil de poésie intitulé « La grisaille et l’azur » avec une préface de José Alfredo Vasquez Rodriguez.

« La grisaille et l’azur » est un titre qui interpelle en laissant entrevoir le beau voyage poétique entre l’ombre et la lumière, le tout écrit dans une langue française, ciselée, épurée, page après page jaillissent des élans poétiques insoupçonnés émerveillant le cœur et les yeux. Rencontre.

Le Matin d’Algérie : Vous venez de publier un beau livre de poésie, « La grisaille et l’azur », pouvez-vous nous parler de la genèse de ce livre ?

Rachid Boutoudj : Je savais que je devais écrire depuis le premier jour où j’ai foulé le sol de la France avec ma fraiche majorité en bandoulière.

En arrivant en France, j’ai élu domicile dans un foyer d’immigrés, ouvriers de nuit dans les filatures de l’Armentiérois, dans le nord.

Après l’ébranlement émotionnel lié à ces diverses fulgurances de la modernité qui émerveillent un montagnard qui venait de quitter la quiétude séculaire de son hameau, j’ai fait face pour la première fois de ma vie aux affres du déracinement et aux langueurs extrêmes de la nostalgie. J’ai aussi observé ces braves hommes asservis par la furie des manufactures. C’est dans ce contexte que j’ai alors commencé à griffonner des petits textes dans un petit calepin tout en lisant abondamment.

Après mes études universitaires, lors d’un séjour pour raison professionnelle dans l’est de la France, une région où l’hiver est bien plus rude qu’ailleurs, étreint par une profonde mélancolie, j’ai écrit le premier poème qui augure ce recueil et ce dernier m’a été inspiré par l’âpreté de la destinée de ma mère. Ensuite la muse a eu la lumineuse idée de venir me caresser joyeusement de ses petites ailes frissonnantes pour m’insuffler l’ensemble de ce livre.

Le Matin d’Algérie : Un mot sur José Alfredo Vasquez Rodriguez qui a préfacé votre livre, parlez-nous de cette rencontre ?

Rachid Boutoudj : Alfredo est un ami précieux. Nous nous sommes rencontrés sur un terrain de football. C’est un Espagnol originaire de l’Andalousie. Il est professeur dans le nord de la France. L’histoire et la littérature dans sa globalité sont des domaines qui le passionnent. Il a été mon premier lecteur. Au gré de nos rencontres il n’a jamais cessé de m’encourager à faire connaître du grand public mes poèmes. C’est ainsi qu’un jour j’ai suivi ses conseils. Pour lui témoigner ma gratitude j’ai spontanément songé à lui pour écrire la préface de ce recueil, mission qu’il a naturellement acceptée tout en disant que désormais notre amitié connaitra une certaine postérité. Je souhaite à chacun d’avoir un ami aussi loyal aussi bienveillant qu’Alfredo.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes installé dans le nord de la France depuis de longues années, peut-on dire que le nord vous a adopté ?

Rachid Boutoudj : Je suis arrivé dans le nord en 1991 et j’y vis toujours. L’hospitalité du nord n’est pas une légende. Des artistes, des chanteurs, des écrivains et simplement des anonymes ont fait l’éloge du nord. Les habitants de cette région sont d’une profonde générosité. Il y a certaines valeurs qui se transmettent de génération en génération et dans le nord celles-ci s’inscrivent naturellement dans un serment intangible. L’histoire de cette région a gravi dans le marbre la grandeur de l’âme et l’humanisme.

Le Matin d’Algérie : Vous êtes un scientifique, pourtant la littérature vous passionne, quels sont les auteurs qui vous ont influencé ?

Rachid Boutoudj : J’ai eu un parcours scientifique dans le domaine des électrons, des ondes et de la matière mais la littérature a toujours occupé une place privilégiée dans ma vie. Toute lecture qu’on a savourée ou qui nous a ému déteint sur notre vie d’une façon ou d’une autre. Comme bon nombre de mes semblables j’ai été saisi par la portée des écrits de Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Kateb Yacine et Rachid Mimouni. Les mots de ces écrivains phares résonnent encore dans ma tête.

En dehors de la littérature algérienne, les écrivains que j’affectionne sont fort nombreux mais s’il faut n’en citer que quelques uns je dirais : Albert Camus, Emile Zola, Victor Hugo, Fiodor Dostoïevski, Jean Giono, Franz Kafka, Marcel Proust, Fernando Pessoa…et j’ajouterai Marcel Pagnol dont la gaieté inextinguible me rappelle invariablement un pan de mon enfance.

Le Matin d’Algérie : Quel regard portez-vous sur la littérature algérienne d’aujourd’hui ?

Rachid Boutoudj : La littérature algérienne d’aujourd’hui est plus vivace et plus vigoureuse qu’on le pense. Le flambeau légué par les devanciers est toujours vif et ardent. J’ose croire qu’il le demeurera encore car on constate l’émergence d’un vivier d’écrivain très talentueux de surcroît. Il suffit de constater que les salons du livre fleurissent un peu partout en Algérie notamment en Kabylie.

Cet été lors d’un passage à Tigzirt je me suis engouffré dans une librairie du centre ville. Si le lieu regorgeait de classiques de la littérature algérienne ou occidentale, il m’était donné à découvrir des écrivains locaux dont la plume est à la fois belle et pertinente. J’ai quitté le lieu en emportant les livres de Yelis N-Tarihant, Leila Bennini, Rachid Hammoudi, Lounes Ghezali et Ali Mouzaoui. Je n’ai pas été déçu par la lecture de leurs ouvrages respectifs.

Pour conclure je dois dire que rien ne peut désancrer la création littéraire algérienne, d’expression française, du fertile limon d’où elle puise sa sève. Il y a eu de prodigieuses productions littéraires par le passé, il y en a de sublimes aujourd’hui et il y en aura de remarquables demain.

Interview réalisée par Brahim Saci

 

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