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Rapport Stora : de quoi je me mêle ?

REGARD

Rapport Stora : de quoi je me mêle ?

Seul un vrai professionnel de la mémoire pouvait nous faire oublier nos soucis avec un tel panache ! Benjamin Stora a fait taire tous les débats désagréables, ceux, en boucle, sur le Covid-19,  ceux, angoissés, sur les vaccins qui n’arrivent pas, ceux, révoltants et un brin pittoresques sur les lingots d’or d’Ouyahia, même les conversations tourmentées sur la dévaluation du dinar, le spectre de la faillite financière ou même les révélations de Saïd Bouteflika enfonçant son grand frère.

Babillages  que tout cela ! Le vrai sujet de l’heure, c’est le Rapport Stora ! Le sujet fait fureur auprès des Algériens et anime les réseaux sociaux, alimente les chroniques, inspire la classe d’intellectuels, la presse, les associations… 

Tout cela serait réjouissant si ledit rapport n’était une affaire franco-française qui ne nous était pas destinée ! Qu’est-ce que le Rapport Stora ? Un document sur les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre d’Algérie, rédigé par un historien français à la demande du président français pour sonder l’état d’esprit des Français sur la colonisation.

Du reste, l’auteur n’en fait pas mystère. Il écrit, en préambule : « Ce rapport aborde plusieurs questions. D’abord, les traces, survivances, effets des mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie sur la société française. » Autrement dit, l’Elysée souhaite, par cette mission, réunir les éléments de décision tels qu’ils existent au sein de la population française afin d’en tirer une politique qui soit adaptée à l’opinion des Français.

Quand l’Elysée annonce, par la bouche de Stora, qu’il ne peut y avoir d’excuses ni de repentance pour les crimes coloniaux, il s’adresse aux Français. Peut-être est-ce une façon de rassurer les électeurs français tentés de rejoindre le Rassemblement national. Mais ce qui est sûr, c’est que nous Algériens, discutons avec passion, d’un document qui ne nous est pas destiné. 

Cela dit, l’expérience n’est pas sans intérêt. Elle nous rappelle que la mainmise du pouvoir et des forces de l’inertie sur l’histoire de notre pays n’a que trop duré. Les Algériens méritent eux aussi, eux surtout qu’on les consulte sur l’écriture de leur Histoire. Voilà soixante ans que  nos dirigeants  ont décrété  que l’histoire des peuples n’a que faire de vérités ni de mémoire et qu’elle a besoin de mythes, seulement de mythes, de faux héros, de vrais mensonges et d’orgueil grandiloquent.

L’Histoire du pays est remplie de maréchaux sans armée, de faux libérateurs, de tous ces faussaires qu’a dénoncés le courageux Benyoucef Mellouk, des rentiers de la mémoire qui jouissent d’un passé falsifié, protégés qu’ils sont par un système propagandiste et politique qui les maintient dans le temple du mensonge.

Les violentes réactions à l’écrit de l’universitaire Hachemaoui qui a vilipendé les mandarins de l’Histoire sont là pour montrer que l’écriture de l’Histoire, la vraie n’est pas pour demain. En attendant, ce pouvoir manipulateur qui ferme les portes à la connaissance historique entraîne l’Algérie dans le gouffre de la déchéance.

Comment peut-il exiger des excuses de la part d’un Etat qui n’ignore rien de ses agissements ? Et comment un pouvoir sans soutien populaire qui gouverne contre l’avis de son peuple, un pouvoir faible et sans consistance  espère-t-il  contraindre l’ancien colonisateur à reconnaitre sa responsabilité politique dans l’arriération qui frappe le pays et dans les souffrances qu’ont endurées des générations d’Algériens réduits à l’état de sous hommes.

 

Auteur
Mohamed Benchicou

 




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