Le puits dans lequel est tombé, au Maroc, le petit garçon Rayan donne l’ampleur du drame de ces pays dits arabes. Ce puits n’est que la métaphore de la chute collective, la nôtre, au fond du trou, dans l’abîme, les ténèbres et le noir du sous-développement.
Comment pouvons-nous nous sauver ? Comment pouvons-nous nous en sortir? Comment serait-il possible de tirer un trait définitif sur ce saut dans l’inconnu, afin d’aller sous la lumière du jour? La lumière, c’est le savoir ; c’est la technologie ; c’est l’éducation, c’est l’urbanisme, c’est la planification ; c’est l’abécédaire de la citoyenneté ; c’est la bonne gouvernance ; c’est la démocratie tout court.
Rayan et avant lui déjà, le jeune Ayache, lui aussi tombé dans un puits artésien, chez nous en Algérie, sans qu’il ne soit malheureusement sauvé, est la démonstration flagrante de nos contradictions et de nos échecs, tous nos échecs, sans exception aucune.
Tombés dans le sous-sol de nos confusions, on résiste avec les moyens de bord pour survivre au jour le jour dans le trou de notre retard, dans l’à-peu-près, l’approximation, la peur, sous le poids de nos rumeurs et aussi de nos négligences. On ne sait plus de quoi demain sera fait.
On végète juste pour respirer. Respirer ? C’est le mot le plus juste qui décrit le trou collectif dans lequel l’on nous a jeté, sans aucune perspective de sortie à l’horizon. Coincés au fond de ce trou-là, on peine à articuler nos mots ; à dire notre malaise ; à crier nos dégoûts, nos déceptions, nos désillusions.
En plein naufrage, notre école, notre justice, nos universités et nos institutions, sont à la dérive, agonisantes, et l’on ne sait guère sur quel pied danser! Entre deux monstres, la dictature et l’islamisme, il ne nous reste que la voie de la prison ou de la fuite, celle du suicide ou du départ.
Notre survie n’est due qu’à notre sens de la débrouille, à notre résistance, à nos luttes. Mais nos luttes sont, hélas, éparses, souvent inutiles, parasitées, manipulées, mal coordonnées, à l’image du désordre de notre société. L’étau se resserre partout autour de nous.
Pas de libertés ni de démocratie ni d’emploi ni de loisirs ni plus rien du tout. Devenus déserts culturels à ciel ouvert, nos espaces de défoulement appellent plutôt davantage au deuil qu’à la vie. Le trou devient puits, et le puits se transforme en caveau et le caveau en cimetière. Un grand cimetière où l’on est enterrés vivants. Le chaos est général et l’on a appris à gérer les conséquences, au lieu de remédier aux causes. Ainsi va l’histoire de notre chute au fond du trou.
Kamal Guerroua.