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Récit-feuilleton. Exils (42)

Les prostitués du pouvoir, les nouveaux harkis et autres spécialistes ès flicage et magouille en tout genre craignent la subversion par-dessus tout. Rien n’est plus dangereux que de devenir les béni oui-oui de ces clowns en mal d’inspiration.

Ils ont fait de l’Etat une vaste machine à briser les volontés saines du pays. Leur tendance à la malveillance appelle de la répulsion, non de la perplexité. Ils ont semé une mauvaise graine : le népotisme tribal. S’effacer et exécuter leurs ordres. Voilà l’attitude qu’ils dictent. C’est ce que disait, entre autres, Ameyar…

Lors de ses retours au pays, Omar continua à rencontrer Ameyar, doux rêveur mais à la mémoire sans faille. A la critique féroce et acérée à l’endroit d’un système qui a laissé sur le carreau tant de citoyens. Il eut beaucoup de discussions avec lui sur nombre de sujets d’importance et sur les gouvernements successifs qui ont mis le pays en coupe réglée pour leur bénéfice et celui de leur progéniture.

Un jour qu’ils étaient attablés comme à leur  accoutumée au café, près du lycée Kerouani où ils  avaient passé tant de nos vertes années, Omar lui demanda pourquoi le pouvoir pratique l’amnésie comme mode d’orientation de la conscience nationale…

Récit-feuilleton. Exils (41)

Comment veux-tu qu’on fasse autrement ? N’oublie pas que la désignation à la succession de nos présidents a été souvent le fait d’une intronisation par la direction de l’armée avalisée par le parti unique, comme candidat unique d’une pensée unique. Si, en plus, on lui donne les pleins pouvoirs, qu’il désigne le gouvernement -qui dépend exclusivement de lui-, qu’il est ministre de la Défense nationale, qu’il peut dissoudre le Parlement et qu’il ne se prive pas d’intervenir concurremment à celui-ci dans le domaine législatif, alors on comprendra mieux que nous sommes entre ses mains… La confusion des pouvoirs est à son comble. Que dis-je ? Un véritable Etat d’exception, surtout que peu parmi nos dirigeants démissionnent. De leur propre chef  j’entends.

Ils débutent tous leur carrière comme « présidents stagiaires » et procèdent souvent à une critique de leurs prédécesseurs. Sans aucune autocritique. Souvent, en proclamant dans leurs creux discours la continuité et «le changement dans la continuité»… Je te rappelle que l’un d’eux a commencé par promouvoir quelques mesures pour frapper notre imagination : suppression de l’autorisation de sortie du territoire national par exemple… alors que, par ailleurs, il n’a eu de cesse d’évacuer de la scène ses adversaires politiques. En leur fabriquant au besoin un procès. En modelant le personnel civil et militaire de l’Etat pour avoir une clientèle à sa dévotion. Démanteler la politique antérieure. Le tout servi dans une  impeccable langue de bois !

On a pu dire qu’en Algérie, il y a eu une «boulimie industrialiste». Il est vrai que la part de l’agriculture, de l’hydraulique et des pêches dans les investissements publics réalisés n’a cessé de dégringoler… même si on a pensé, après coup, à une «débureaucratisation » de l’agriculture, notamment par la restructuration des exploitations autogérées et à accorder un plus grand intérêt au secteur agricole privé. La stratégie du pouvoir offrait déjà à l’analyse ses contradictions ; apparurent alors les difficultés vraies de gestion de celles-ci par la société politique. Pouvait-on continuer de la sorte ? Appel inconsidéré aux firmes étrangères qui s’est traduit par une dépendance technologique, un fort endettement allant crescendo avec en prime une disparité ville campagne à l’origine sans doute de l’exode rural massif et de l’apparition de quelques six mille milliardaires…

Et «l’après-pétrole» tant scandé devait, nous disait-on, préfigurer l’Algérie des nouvelles énergies : solaire, éolienne, géothermique et pourquoi pas nucléaire… Ce, alors même que  l’austérité frappait à la porte de la maison Algérie, à celles des plus démunis davantage. Elle portait sur le secteur social, les infrastructures économiques, la consommation. C’est un leitmotiv qui a servi de doctrine à la poignée de décideurs pour faire appel davantage au secteur privé et au capital étranger ; ainsi que la prétendue relance de l’agriculture par la remise des terres nationalisées à leurs propriétaires. C’était pour revoir la politique des alliances. L’affairisme d’Etat est plutôt favorable aux couches bourgeoises. Cela me rappelle le cas de la Russie où, semble t-il,  ils sont sept prédateurs à s’être partagé le pays, sept barons dont on murmure qu’ils font et défont les lois, nomment les ministres, quand ce n’est pas le Président lui-même…

Ces nouveaux magnats qui contrôlent plus de 250 sociétés et ont construit en un temps record des fortunes colossales, à la limite de la légalité. Pétrole, médias, télécoms, métaux, mines, automobile, en cinq ans, les secteurs les plus juteux ont été soigneusement quadrillés, le gâteau méthodiquement partagé avec la complicité de vieilles amitiés, quand ce n’est pas d’intérêts mafieux… Cela rappelle également la « mafia politico-financière » tant décriée par feu Mohamed Boudiaf ; ce qui lui a sans doute coûté la vie…

Cette situation prépara sans doute le peuple au Hirak… (A suivre)

Ammar Koroghli-Ayadi, auteur-avocat 
Email : akoroghli@yahoo.fr

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