Dimanche soir, on a eu droit au grand théâtre : Abdelmadjid Tebboune a confirmé Sifi Ghrieb comme Premier ministre et dévoilé un « nouveau gouvernement ». Nouveau ? Allons donc.
C’est la vieille blague algérienne : on mélange les chaises, on change deux noms de place, on invente des titres absurdes, et on appelle ça un changement. Hadj Moussa, Moussa El Hadj. L’Algérie tourne en rond, mais on fait semblant d’avancer.
Sifi Ghrieb n’est pas un Premier ministre, c’est un intérimaire prolongé par défaut. Tout le monde sait que ce poste est celui du fusible : on s’y brûle à coup sûr, mais en Algérie on en raffole. Belkhadem, Ouyahia, Sellal, Bedoui, Larbaoui… tous y sont passés, tous carbonisés, tous remplacés par un autre clone. Ghrieb connaît déjà la fin du scénario, mais il s’installe dans le fauteuil avec l’illusion d’y survivre.
Et qui retrouve-t-on dans ce cirque ministériel ? Ahmed Attaf, encore aux Affaires étrangères, avec une diplomatie réduite aux fâcheries de couloir. On nous promet le prestige, on récolte les humiliations. Le pire, c’est qu’on s’y habitue.
Mais la vraie caricature, c’est Kamal Rezig. VRP de l’« Algérie exportatrice », il n’a jamais exporté que ses slogans. Avec trois dattes et un micro, il se prend pour maître du marché mondial. Comme au domino, il sort son « double six » — naqfel ʿlih be double six. Sauf qu’ici la partie est truquée : le peuple perd toujours, et lui reste à la table, sourire aux lèvres. Les prix flambent, les étals se vident, mais Rezig demeure. Ailleurs, il aurait été balayé. Ici, il est indéboulonnable : échec garanti, contrat renouvelé.
Et puis vient le chef-d’œuvre d’absurdité : fusionner les Transports avec l’Intérieur. Un ministre qui tamponne les cartes grises le matin et fait taire les poètes le soir. Un super-flic promu chef de gare. Le grotesque devient institution. On ne répare pas les trains en panne, on les met sous tutelle policière. Demain, on exigera peut-être un visa de la sûreté pour monter dans un bus. Ce n’est plus de la gouvernance, c’est du bricolage à ciel ouvert.
Le reste n’est qu’une série de recyclages : Arkab passe de l’Énergie aux Hydrocarbures, Saihi, viré de la Santé, rebondit au Travail. L’école s’effondre ? On garde le même ministre. Les hôpitaux agonisent ? On déplace les fauteuils. L’eau manque ? On nomme trois ministres aux hydrocarbures. Le chômage explose ? On invente un « ministère du savoir » qui ne produit que des communiqués.
Face à ça, le peuple n’a plus que le sarcasme. « Il n’y a que moi qui n’ai pas été ministre », écrit un internaute. « Mbolhi n’a pas été appelé ? » raille un autre. « Seul le statut de retraite compte », lâche un troisième. L’humour noir est devenu la dernière respiration d’une société qui n’attend plus rien. Car en Algérie, être ministre n’est pas une mission, mais une rente. Tu entres, tu échoues, tu ressors avec villa, chauffeur, retraite dorée. L’échec n’est pas puni, il est récompensé.
Et la rue, elle, étouffe. Les prix grimpent, les salaires stagnent, l’eau ne coule pas, les jeunes se jettent à la mer. Mais la présidence continue son jeu de Lego : déplacer, recaser, fusionner, repeindre. Ce gouvernement n’a pas été fait pour gouverner, il a été fait pour occuper des fauteuils. C’est un casting, pas un projet. Une pièce mal jouée dont le peuple connaît déjà la fin.
On nous parle d’un « nouveau souffle ». Mais le souffle est coupé depuis longtemps. Ce gouvernement n’est pas une solution, c’est une photocopie floue. Une insulte au bon sens, une répétition grotesque. Le pouvoir recycle ses échecs, et le peuple recycle son humour noir pour survivre.
Zaime Gharnati

