Messaoud Kheniche alias META est un auteur compositeur chanteur percussionniste en vogue depuis maintenant quelques années. Sa musique oscille entre le jazz, la pop, parfois même comme une senteur rafraîchissante de blues, des mélodies élevées, comme une quête quasi-spirituelle, comme une brise venant d’Afrique traversant le désert par les dunes de sable chaud et survolant la mer, dans des sonorités époustouflantes de lumière.
L’album, Incurve life, est d’une grande maturité musicale et poétique, c’est un Jazz empreint de diverses couleurs.
Le Matin d’Algérie : Vos créations bousculent et émerveillent, qui est Messaoud Kheniche ?
Messaoud Kheniche : Formé comme batteur au centre musicale et créatif de Nancy, il s’installe dans la capitale du jazz européen en 1996 à l’appel de François & Louis Moutin (jazzman de renom). Dès lors, on le retrouve sur l’album Init du trio André Ceccarelli/N’Guyen Lê/Bob Berg, puis au sein de Bad Elephant, avec Daniel Casimir, Louis Moutin, Linley Marthe et Michael Felberbaum. Depuis 1996, le chanteur-percussionniste s’est illustré dans de multiples contextes, sans gommer sa singularité. La liste est longue de ses participations dont il a toujours su tirer parti pour peaufiner sa propre vision des choses. « La leçon du plaisir… », résume celui qui s’affirme aussi en leader.
Il publie quatre disques sous son seul surnom : Secret History en 2003 et Epigram en 2008. Il reconduit la même équipe pour son troisième album, The Sweetness of a Safron Wind en 2012, dont le titre fait écho à ses origines « africaines ». « Incurve Life » (choc jazzmagazine et artiste sacem en 2020, la récompense suprême qui distingue les disques à écouter ). Son dernier disque « Cross Road » sortit en 2022.
Meta a collaboré avec entre autres : Avishai Cohen, Thomas Enhco, Paul Lay, Pierre de Bethmann, Stéphane Galland, André Ceccarelli, François & Louis Moutin, Ari Hoenig, Lee Konitz, Fiona Monbet, David El Malek, Nguyen Lê, Bob Berg, Samy Thiebault, Sophie Alour, Jasser Haj Youssef, Stéphane Guillaume, Eric Le Lann… Il publie quatre disques sous son nom.
Le Matin d’Algérie : Il y a le jazz mais en vous écoutant on sent d’autres influences, qu’en pensez-vous ?
Messaoud Kheniche : En effet, je suis d’origine Algérienne. Ma famille vit à Constantine et comme tout enfant d’immigré, ma culture d’origine est diffuse mais très forte. Cela a construit l’originalité et la singularité de mon travail.
Le Matin d’Algérie : Parlez-nous de la genèse de l’album, Incurve Life ?
Messaoud Kheniche : Composé en réaction au chaos de ce monde, Incurve Life invoque la force de l’art et sonde la part démiurgique de l’humanité. Le passage du temps, le changement, l’évolution sans limite et l’espoir d’une renaissance.
Le Matin d’Algérie : Incurve Life, pourquoi ce titre ?
Messaoud Kheniche : « Une vie en courbes », car la vie n’est pas faite de lignes droites, elle est faite de courbes qui parfois, nous font même tourner en rond. Au-delà de nos certitudes, cette vie en courbe dessine un parcours aléatoire et infini.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur Meta et les musiciens qui vous accompagnent
Messaoud Kheniche : Il y a Pierre-François Dufour – batterie, violoncelle, à 11 ans il se produit déjà dans de nombreux festivals européens puis, l’année suivante, donne ses premiers concerts de soliste et chambriste. Parallèlement, il continue sa carrière de batteur de jazz sur scène auprès de Bernard Lubat et Michel Portal. En 2000, il intègre le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris dans la classe de Philippe Muller. Ses talents d’improvisateur et de rythmicien sont repérés très tôt par beaucoup d’artistes dans le milieu du jazz, notamment Archie Schepp, Richard Bona, Louis Winsberg, Paco Sery et tant d’autres.
À 18 ans, Yutaka Sado l’invite comme violoncelle solo à l’Orchestre national Bordeaux Aquitaine. Il jouera également le concerto pour violoncelle d’Edward Elgar et différents concerts de musique de chambre avec les solistes de l’orchestre. Au cours de la même période, il rencontre Mstislav Rostropovitch qui lui promet un grand avenir. Sa carrière de batteur de jazz s’ouvre alors vers la musique du monde, notamment la musique de l’île de la Réunion et Madagascar.
On le retrouve au violoncelle auprès de Jean-Pierre Marielle et Agathe Natanson dans la pièce Les Mots et La Chose de Jean-Claude Carrière, d’abord au Théâtre de l’Œuvre à Paris et en tournée dans toute la France et en Europe francophone.
Sa collaboration avec Jean-Pierre Marielle continue dans La correspondance de Groucho Marx, mise en scène par Patrice Leconte. Cette fois-ci, Pierre-François est à la batterie et est directeur musical au Théâtre de l’Atelier à Paris puis lors de la tournée qui se finira par le festival Juste pour rire de Montréal.
En 2012, il crée l’ensemble Archipel, dont il est toujours directeur musical.
Sur scène il collabore avec Diana Krall, Melody Gardot et enregistre les albums de Christophe, Salvatore Adamo et Autour de Nina avec l’arrangeur et réalisateur Clément Ducol.
Il participe à la création de nombreux albums et partage la scène avec des artistes tels que Maxim Vengerov, Hans Zimmer, Nemanja Radulovic, Quincy Jones, Jean- Luc Ponty, Stefano di Battista, Vanessa Paradis, Bojan Z, Camille, Sylvain Luc, Charles Aznavour, David Binney, Yael Naim, Hugh Coltman, Vincent Delerm, Yvan Cassar, Meddy Gerville, Eric Seva, Zaz, Spleen, Maxime Le Forestier, Marc Bertoumieux, Camélia Jordana, Sandra Nkaké, Gregory Porter, Sophie Hunger, Keziah Jones, Olivia Merilahti, Ben L’oncle Soul, Marc Lavoine, Roberto Alagna, Régis Gizavo, Warren Ellis, Mory Kanté, Giovanni Mirabassi…
Il y a Simon Tailleu – contrebasse, l’intimité d’un trio piano – basse – voix, un hommage à Stan Getz accompagné par un orchestre de cordes, ou encore un groupe rassemblant les plus grandes sommités du jazz Français à Marciac : la discographie en sideman de Simon Tailleu sur des labels aussi importants que Verve, Act Music et Laborie parle d’elle-même. Accompagnateur indispensable d’Émile Parisien, Paul Lay ou encore Youn Sun Nah, le contrebassiste apporte à tout projet sa musicalité sans faille, sa sagesse de producteur, et son expérience de jeune vétéran. Il a notamment partagé la scène avec Wynton Marsalis, Marcus Gilmore, Ambrose Akinmusire, Michel Portal ou encore Didier Lockwood.
Tout juste arrivé de Martigues, il remporte le prix de groupe, le second prix de soliste et le prix de compositeur au Concours National de la Défense, avant d’intégrer la classe de jazz du Conservatoire National Supérieur de la Ville de Paris. Sa présence auprès des musiciens les plus établis ne l’empêche pas d’apporter une contribution précieuse aux projets de jeunes talents, et il est aujourd’hui membre de Mélusine et House of Echoes, deux groupes lauréats du dispositif Jazz Migration. Simon est par ailleurs un vidéaste de talent ayant réalisé des captations de concerts et des clips pour des groupes comme Watershed ou The Thiefs.
Puis, il y a Leonardo Montana – piano, d’origine brésilienne, naît à La Paz en 1977 d’un père colombien et d’une mère anglaise. Il grandit entre Bahia (Brésil) et la Guadeloupe (Antilles françaises), où, adolescent, il débute le piano en autodidacte. En 1996, il commence à se produire, on a pu l’entendre, entre autres, aux côtes Felipe Cabrera, Raul de Souza , Anne Paceo, Celine Bonacina ,Bill Mchenry , Geraldine Laurent,Michael Pipoquinha, Pedro Martins, Plume, Claude Tchamitchian , Irving Acao , Gueorgui Kornazov , Dave Liebman, Mokhtar Samba ,Anne Paceo Yokai ,Bruno Schorp , Naissam Jalal, Chico Freeman, Arnaud Dolmen,Christophe Panzani,Line Kruse, Sandro Zerafa dans de nombreux festivals et clubs du monde entier .
Son amour pour la voix l’amène également à travailler avec de nombreux vocalistes tels que Omara Portuondo, Agathe Iracema , Meta, Marianne Solivan , Deborah Brown, Charlotte Wassy, Anne Sila, Cynthia Saint-Ville, Sofia Ribeiro, Chloé Cailleton, Viviane de Farias,Cynthia Abraham , Marcia Maria, Fredrika Stahl, Catia Werneck ,Charlotte Wassy ,Maria de Medeiros…
Sa palette artistique s’est élargie à la composition de musique de scène, avec sa participation à la création de deux opéras, écrits par le librettiste Bernard Turle, lors du Festival d’été du Wem (Var) : « Variations provençales » (quintet de jazz, chœur et solistes) et « Randonnée Dérandonnée » (2 pianos, violoncelle, alto, chœur et solistes).
En juin 2023 il est » Invité Fil Rouge » d’un festival autour du piano à Fort de France , Martinique, « Piano Kon Sa Ka Ekri ». En préparation, deux enregistrements sous son nom en 2024, dont un en piano solo.
Le Matin d’Algérie : Messaoud Kheniche, qu’est-ce qui l’inspire ?
Messaoud Kheniche : un désir de musiques en mouvement, une envie de ne pas s’en tenir à un registre ou à une formule consacrée. C’est toute la force de ces huit compositions que d’échapper à la pesante loi des catégories. Les chemins buissonniers et sinueux, toutes les différences, les sentiments partagés, mitigés, par cet artiste qui vibre à chacun des maux qu’il décrit. Il y est aussi question de l’amour, vécu comme une renaissance (Emma Things), ou encore de la force de l’art, face à la beauté picturale de Francis Bacon (Layer Of Fog) …
Au-delà des mots, la musique parle d’elle-même. Libre elle aussi de se mouvoir sur toutes les gammes de la palette des sensations : du jazz, certes, mais avec une sensibilité « pop », un rien de sensualité dans chaque chorus. Ici, l’enjeu n’est pas d’épater la galerie par des triples croches, mais de jouer juste, de toucher la corde sensible. Lyrique, onirique, la musique de ce chanteur à l’aura quasi métaphysique réconcilie le corps et l’esprit, ce fameux Body and Soul qui demeure le meilleur étiage d’un jazz prêt au voyage, libéré des contraintes formelles. C’est toute la force du message de Meta, une spiritualité portée par un attelage tout autant en suspension, au diapason de ses intentions : un quintette majuscule (avec ses fidèles complices – le pianiste Pierre de Bethmann, le guitariste Michael Felberbaum et le batteur Karl Jannuska – mais aussi de nouveaux compères, le saxophoniste Stéphane Guillaume et le contrebassiste Simon Tailleu) auquel s’ajoute un quatuor à cordes. Somme toute, loin d’appesantir le propos, cet équipage s’avère des plus légers, parfaitement en accord avec cette ode nomade qui vise à repousser les limites et enjamber les frontières, pour au final établir un pont inédit entre le jazz, le classique et la pop.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les grands noms de la musique qui vous parlent ?
Messaoud Kheniche : Oum Kelthoum, Fairouz, Sting, Beatles, Léo Ferré…
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en perspective ?
Messaoud Kheniche : Les prochains concert Parisiens auront lieu : le 29 mars au jazz club le « Baiser Salé » (Paris 1) Le 4 mai au jazz club « Le son de la Terre » (Paris 5). Le 30 mai au jazz club le « Sunset/Sunside » Paris 1)
Entretien réalisé par Brahim Saci