Jean Calembert vient de nous surprendre avec la publication d’un livre passionnant, un roman, Le Mal-Aimé, chez Bitbook.be. Jean Calembert a un parcours des plus atypiques, docteur en droit, expert en marketing, il a parcouru le monde avant sa plongée et une immersion passionnée dans la littérature à l’âge de 77 ans.
Le Mal-Aimé interroge et interpelle, voguant entre le réel et la fiction, il ne laisse pas le lecteur indifférent. Page après page nous sommes captivés par la fluidité et la profondeur de la narration.
Le Matin d’Algérie : Vous avez un parcours atypique, qui est Jean Calembert ?
Jean Calembert : Je suis né à Liège le 4 août 1942 et j’ai eu, après mes études de droit, un parcours de « guru » marketing assez chaotique dans de grandes multinationales. D’abord avant de créer ma propre société, une PME, en 1988. On était deux au début, on a fini à plus de vingt employés, et on est devenu un des acteurs principaux au niveau mondial dans une niche, le domaine des études de marché qualitative dans le monde agricole.
En parallèle, j’ai toujours mené une vie artistique assez intense, avec un fort investissement dans la photo et dans la peinture. Comme j’étais un pion important dans les multinationales et le patron de ma PME, j’ai pu prendre entre mes longs voyages à l’étranger – à Pâques, durant l’été et pendant les fêtes de fin d’année – de nombreuses périodes de repos, le plus souvent dans mon petit paradis de Laborel en Drôme provençale où j’ai fait construire une petite maison en 1988-1989.
Le Matin d’Algérie : D’où vous vient cette passion pour l’écriture ?
Jean Calembert : Depuis mes 15 ou 16 ans, j’ai toujours beaucoup lu grâce à un génial professeur de français : Rimbaud, Apollinaire, Mauriac, Malraux, Camus (surtout…), Radiguet, Nimier, Faulkner entre autres et surtout Nabokov (Lolita). A 18 ans, mon père (géologue) m’a envoyé aux USA pour me persuader d’abandonner mon idée de faire le droit. J’y ai découvert Joyce, Miller (Henri), Kerouac, John Fante et bien d’autres. Et depuis, je n’ai jamais arrêté de lire, surtout des auteurs américains (Nathaniel West, Baldwin, Auster, Harrison), mon idole dans ses premiers livres (Murakami) mais j’aime moins les derniers, Houellebecq et un fantastique écrivain belge, Jean-Philippe Toussaint.
J’ai toujours beaucoup écrit mais plus en anglais qu’en français, des milliers de rapports pour mon boulot, pour des gens qui parlaient mal l’anglais, n’aimait pas lire et étaient avant tout des vendeurs ou des commerciaux. Les rapports étaient rédigés en PowerPoint, un logiciel où les graphiques avaient la priorité sur le texte. Il était donc essentiel d’utiliser des mots simples, des phrases courtes, des « histoires » avec un fil rouge clair faciles à mémoriser. Je crois que cette expérience a été déterminante dans ma façon d’écrire.
À 77 ans (en Belgique, on est jeune de 7 à 77 ans selon le journal de Tintin), le jour de mon anniversaire, j’ai eu une illumination et j’ai décidé de me lancer dans mon premier roman, « Joe Hartfield, l’homme qui voulait tuer Donald Trump », malgré le titre un hymne à l’amitié … et au jazz. J’y ai pris un énorme plaisir … et mes lecteurs aussi. J’étais devenu un écrivain malgré moi ! Et c’est aussitôt devenu une passion. Je viens d’écrire Le Mal-Aimé et j’ai depuis quels jours un nouveau roman en jachère.
Le Matin d’Algérie : Pourquoi ce livre ?
Jean Calembert : Je voulais continuer à écrire. Murakami dans son livre « Profession écrivain » dit que c’est facile d’écrire un bon livre mais qu’un écrivain se construit dans la durée. Malgré la malédiction attribuée au second roman, je me suis lancé ce défi et je crois l’avoir réussi ! Le Mal-Aimé est très différent du premier roman. C’est un livre plus court, plus construit, une chronique familiale aux forts accents chabroliens. Les lecteurs qui ont acheté, Joe Hartfield, ont presque tous adoré, Le Mal-Aimé, et vice-versa. J’ai maintenant un noyau dur de fans qui attendent mon troisième roman !
Le Matin d’Algérie : Le titre, Le Mal-Aimé, nous interpelle, on ne peut s’empêcher de penser à la chanson du mal aimé de Guillaume Apollinaire, à cet impossible amour, qu’en pensez-vous ?
Jean Calembert : En fait, le poème d’Apollinaire n’a pas eu d’influence sur moi, je le connaissais mais je l’avais oublié. J’avais d’abord intitulé le livre Les Mal-Aimés, juste comme ça, parce que cela me semblait être applicable à tous les personnages principaux. Puis j’ai changé en Le Mal-Aimé car je trouvais que cela répondait à ma volonté de rendre hommage à mon père, une personne extraordinaire mais que j’avais injustement mal aimé… Et j’ai donc choisi ce titre sans penser à Claude François (ouf !!!). Ce n’est que plus tard que je me suis souvenu de la chanson d’Apollinaire, un de mes poètes préférés avec René Char et Blaise Cendrars.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les auteurs qui vous parlent ?
Jean Calembert : J’en ai parlé plus haut. J’y ajouterai André Hardellet, Lawrence Ferlenghetti, Richard Brautigan et des auteurs moins connus comme Georges Fourest, Jean-Bernard Pouy et Samira Sedira. Et quand j’aime un auteur, j’achète presque tous ses livres !
Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que la littérature soit salvatrice dans le monde tourmenté d’aujourd’hui ?
Jean Calembert : Je crains que non. La littérature de qualité est pour moi et une minorité de gens, bien ou mal pensants, un « médicament ». Comme le théâtre, la peinture, la sculpture, la chanson engagée, le rap de qualité, le cinéma. Pour d’autres, c’est la TV, les chaines d’informations continues, l’alcool, la drogue, TikTok, le foot.
Mais qui se soucie de la littérature dans l’immense majorité des personnes, désespérées, abruties par la société de consommation, les « fake news », leur « struggle for life » ?
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot
Jean Calembert : Non deux. Lire délivre !
Entretien réalisé par Brahim Saci